La fiction c’est bien gentil, les comédies musicales ça va cinq minutes, mais dans la vie il faut se culturer ! Voici cinq documentaires sur l’écologie, la malbouffe, le fanatisme religieux, les fusillades dans les lycées et les conflits d’intérêt entre le pouvoir et les médias. (Si vous avez deviné de quels films il s’agit avant de lire les titres, vous avez gagné un bonbon.)
Home
Home avait fait parler de lui car il est sorti en même temps au cinéma dans tous les pays (à la date symbolique du 5 juin 2009, journée mondiale de l’environnement), en plus d’une diffusion gratuite sur Internet et à la télévision. On l’aura compris, le but était de toucher une cible la plus large possible. L’objectif qui sous-tend ce but : provoquer une prise de conscience écologique.
Le film de Yann Arthus-Bertrand exploite sa spécialité, l’image « vue du ciel », de préférence d’une beauté à couper le souffle. Un tournage par hélicoptère dans le monde entier, autant au-dessus des villes qu’au-dessus des forêts. Et une voix off (Jacques Gamblin pour la version cinéma de deux heures, Yann Arthus-Bertrand pour la version télé de 90mn) qui montre l’effet de l’humain sur l’environnement. Au centre : le réchauffement climatique et le problème de l’énergie. Mais malgré le constat déprimant, le ton se veut positif : « regardez toutes les merveilles qu’il nous reste encore à préserver » résume le producteur Denis Carot.
Dans la même veine, Une Vérité qui Dérange de David Guggenheim ; il relate le parcours d’Al Gore, l’ancien vice-président des États-Unis, pour faire réagir les gens à la question de l’environnement. Home s’inscrit dans la droite ligne de ce film, et c’est sa projection à l’Assemblée Nationale qui a fait réaliser à Yann Arthus-Bertrand la force du cinéma pour convaincre.
Super Size Me
Super Size Me est connu comme « le film où un mec mange à Mc Do ». C’est à la fois exact (Morgan Spurlock a pris trois repas par jour dans ce fast-food pendant un mois, ce qui lui a fait prendre 11 kilos, a endommagé son foie et augmenté son cholestérol de 0,65g par litre de sang) et incomplet : c’est aussi une enquête « sérieuse » avec des interviews de spécialistes (parce que l’observation sur lui-même, avouons qu’on pouvait se douter du résultat…).
Morgan Spurlock a traversé les États-Unis pour interroger toutes sortes de personnes : des professeurs de gym, un ancien secrétaire d’Etat à la Santé, des cuisiniers de cantine scolaire mais aussi des publicitaires, des avocats et des législateurs. Outre le constat nutritionnel, il y a aussi une interrogation : pourquoi les Américains sont-ils accros à la malbouffe ?
Mc Donald’s a choisi de ne pas faire de commentaire sur le film. Néanmoins, la firme a ensuite retiré de la vente les menus Super Size. Selon Walt Ricker, un de ses porte-parole : « Super Size Me n’a rien à voir là-dedans. La question des menus Super Size a été débattue et approuvée par la compagnie en 2003. Le retrait a été communiqué à nos franchises à la fin de l’année. ». Et de rajouter l’argument classique : « Nos clients ne sont pas des imbéciles. Ils n’ont pas besoin qu’un film leur dise ce qu’ils ont à faire. »
Jesus Camp
Les évangéliques forment une part importante, quoique non majoritaire, des chrétiens aux États-Unis. Heidi Ewing et Rachel Grady se sont donc penchées sur ce courant pour « comprendre en quoi toute cette génération d’enfants endoctrinée par l’idéologie évangélique va peser sur l’avenir des États-Unis lorsqu’elle aura atteint l’âge adulte
». Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le résultat est inquiétant.
Le film montre un camp de vacances évangéliques. La religion y est mise au centre de la vie des jeunes dans toutes les activités, du chant au football. On y voit aussi des enfants communiquer avec Dieu par le biais d’une sorte de transe – une spécialité du mouvement charismatique dont fait partie cette communauté. On oscille entre le rire et l’effroi en les voyant se prosterner devant une photo de George W. Bush, mais on n’a plus envie de s’amuser lorsqu’on entend parler de « nouvelle guerre sainte » contre les méchants musulmans.
Suite au choc suscité par le film (qui a pourtant été réalisé avec le consentement de tous ses « personnages »), le camp de vacances en question a été suspendu depuis 2006.
Bowling for Columbine
On continue dans la série « les Américains me font peur » (promis après on arrête et on regarde nos propres défauts). On se souvient qu’en 1999, lors de la tuerie dans le lycée de Columbine, le monde avait dû trouver des boucs émissaires : la télévision, la musique, les jeux vidéos (Laure Manaudou n’a rien inventé). Michael Moore analyse ces facteurs, mais se tourne aussi vers le problème des armes en vente libre, celui du sentiment d’insécurité entretenu par les médias, celui du racisme…
Bowling for Columbine a une forme assez originale pour un documentaire, mêlant interviews et dessin animé, images d’archive et test en direct de la facilité à acheter une arme. Il est assez axé sur le personnage de Michael Moore, qui se met en scène avec humour et provocation. C’est clairement un film engagé, et il ne faut pas en attendre trop « d’objectivité ».
On s’en doute, le film a été vertement critiqué par les partisans du port d’arme. On a accusé Michael Moore de malhonnêteté dans le montage d’un discours fait par Charlton Heston (président de la National Rifle Association, qui défend le droit constitutionnel des citoyens américains à posséder une arme), et qui est présenté comme très proche de la tragédie de Columbine ; on lui a également reproché sa méthode pour approcher l’acteur – il se fait passer pour un militant de la NRA. Cela n’a pas empêché le film de recevoir un accueil triomphal, autant au niveau de la critique que du public.
Les Nouveaux Chiens de garde
Un peu d’histoire littéraire : en 1932, Paul Nizan écrit Les Chiens de garde, un essai dénonçant les philosophes de son époque éloignés de la réalité, n’ayant pour but que de protéger les valeurs morales et socio-économiques de la bourgeoisie. En 1997, Serge Halimi publie Les Nouveaux Chiens de garde, qui dénonce les collusions entre les médias et le pouvoir. En 2012, le documentaire éponyme de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat faisait de même au cinéma.
Vous allez donc apprendre que les grands journalistes dînent avec les personnalités politiques tous les dernier mercredi du mois, qu’une poignée « d’experts » se partagent les plateaux télé depuis des années ou encore que des entreprises peuvent « louer » des journalistes pour animer leurs congrès. En clair, vous aurez ensuite du mal à faire confiance aux médias (coucou, je torpille mon job).
Même pour celles et ceux qui ne sont pas friand·e·s de documentaires, celui-là est très facile d’accès. Pédagogique, plein d’humour, on peut à la limite lui reprocher de jouer plus sur les exemples que sur les arguments. On est choqué·e, convaincu·e, mais on peut être un peu frustré·e de ne pas avoir davantage d’explications. On se rattrapera sur le livre.
Et vous, quels sont vos documentaires préférés au cinéma ?
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