Woodkid n’est pas musicien. Il n’est pas écrivain, ni réalisateur. Il n’est pas chanteur, ni graphiste. Woodkid n’est rien de cela. Il est créateur d’univers. Il est façonneur de l’imagination, catalyseur de l’émotion. Avec son premier album, The Golden Age, Yoann Lemoine, ainsi qu’il est connu de l’état civil, propose une aventure épique, une visite guidée de ses mondes. Littéralement, et littérairement, puisque l’une des éditions de l’opus accompagne le CD d’un livret d’une centaine de pages, un roman à découvrir en écoutant les 14 titres de l’artiste.
La couverture est sobre mais ambitieuse. Noire, encadrée d’un liseré d’or lui-même assorti à la tranche du livre. Au centre, les deux clefs croisées, tant affectionnées par Woodkid qu’il les porte tatouées sur les avant-bras. Un symbole fort-à-propos puisque cet album ouvre bien des portes vers bien des mondes, construits de mots, de métaphores, de sons et de notes. On y retrouve le style particulier des morceaux Iron, Run Boy Run et I love You (à retrouver dans l’album), avec des percussions énergiques, des cuivres entêtants, des cordes lyriques et des mélodies poignantes qui forment une harmonie épique sur laquelle se pose la voix douce et profonde du chanteur.
The Golden Age est un voyage, une vie, un refus de grandir, une évasion, une transcendance de la réalité. C’est l’histoire d’un enfant, celle d’un adulte, celle d’un amant, d’un fils, le tout relié par une trame nostalgique contée dans un style fluide et imagé, tantôt naïf, tantôt cru, dans le livret
. Woodkid jongle avec les émotions, parfois les combine, comme dans la première chanson, du même nom que l’album, où le monde de l’enfance, joyeux, inconscient, aux mélodies entraînantes et rythmées, se mêle à la tristesse enfouie car après tout « The Golden Age is over ». Et malgré la fuite, malgré l’amour, on sait qu’il ne reviendra pas.
Suivront la perte, la sensation d’abandon : I Love You, une course effrénée aux accents de détresse et aux violons tragiques. Viendra la convalescence, sombre et ensuquée dans The Shore, l’acceptation amère et les résolutions dans The Ghost Lights, où les mots sont véhéments, presque crachés. L’amertume restera mais l’envie d’aller plus loin se réveillera elle aussi, rappelant les tambours et les mélopées aériennes dans Conquest Of Spaces. La fin sera ce que toute fin est, l’assimilation d’expérience, le décompte des blessures et la promesse d’un ailleurs, mystérieux et inexploré, un ailleurs aux échos mystiques et aux chœurs sordides : The Other Side.
The Golden Age est un bijou à l’ambition non-dissimulée et justifiée, tant dans la musique que dans l’écriture. Le texte de Yoann Lemoine et Katarzyna Jerzak est bouleversant de vérité malgré quelques longueurs, les illustrations de Jillian Tamaki reflètent parfaitement l’univers présenté. Un album à se procurer d’urgence si l’éventualité d’un voyage vers l’inconnu vous est agréable.
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Les Commentaires
Après pour la partie sur comme quoi écouter Woodkid est moins original, je ne trouve pas vraiment de problème, mis à part au niveau de la fierté personnelle de se dire "je connais un truc trop bien que les autres ne connaissent pas" (ce qui est assez flatteur, je le reconnais). Tant que la qualité de sa musique (et de tout ce qu'il fait autour) reste la même, je ne vois pas en quoi le fait qu'il soit devenu mainstream dusse empêcher ses fans de la première heure d'apprécier son talent.
Mais toi, moi, et tous les vrais, on aura toujours la grande satisfaction de pouvoir dire qu'on a écouté Woodkid avant qu'il soit cool. Et on portera des lunettes à montures épaisses. Et des chemises de bûcheron. Wiiiii ^^.
Sinon, pour les merveilles que tu découvres, vazi fais tourner (MP, twitter, etc.) !