Mise à jour du 7 décembre
C’est un grand « non » de la part de Netflix. Une semaine après que le secrétaire d’État à la culture britannique a réclamé un avertissement précisant que The Crown est une fiction et qu’il ne faut pas prendre l’intrigue des épisodes comme une réalité historique (lire ci-dessous), la plateforme indique clairement son refus.
Comme le relaie la BBC, Netflix indique dans un communiqué de presse que « nous n’estimons pas qu’un avertissement est nécessaire et ne prévoyons pas d’en mettre un en place ». Ça a le mérite d’être clair.
Si vous souhaitez creuser le sujet, rendez-vous sur notre débrief en live de The Crown saison 4, dans lequel nous démêlons le vrai du faux avec l’expertise d’une spécialiste de la famille royale !
Le gouvernement britannique réclame un avertissement avant The Crown
Le 30 novembre
« Je crains que toute une génération de spectateurs […] ne confonde la fiction et la réalité. »
Ce sont les mots prononcés au sujet de la série Netflix The Crown par Oliver Dowden, secrétaire d’État à la Culture outre-Manche. Assiste-t-on là une tentative du gouvernement de limiter les dégâts causés à son image par le programme déjà culte, ou une réelle préoccupation éducative ?
C’est dans le Daily Mail du 29 novembre 2020 que l’on peut lire la déclaration du secrétaire d’État britannique, bientôt transformée en une requête formelle du gouvernement demandant un avertissement avant les épisodes de The Crown :
« C’est une œuvre de fiction très joliment produite, et tout comme ça se fait pour d’autres programmes, Netflix devrait annoncer clairement, dès le début, qu’il ne s’agit que de cela. Je crains que toute une génération de spectateurs, qui n’a pas vécu ces évènements, ne confonde la fiction et la réalité. »
Le média relaie également la parole d’un ami du prince Charles, dont les intrigues amoureuses entre Lady Diana et Camilla Parker-Bowles sont largement explorées dans la saison 4 de The Crown. L’homme ne cache pas son avis négatif sur Peter Morgan, showrunner de la série :
« C’est plutôt sinistre, la façon dont Morgan utilise un divertissement pour transmettre un agenda politique républicain, à l’insu du grand public. Les gens ont été appâtés par les premières saisons au point qu’ils ne voient pas à quel point ils sont manipulés.
C’est de la propagande très sophistiquée. »
Buzzfeed News relaie plusieurs réactions à cette annonce, notamment des personnes ironisant sur le fait qu’il est évident que The Crown est une fiction et qu’il faudrait être sacrément stupide pour la confondre avec un documentaire. Mais d’autres ne trouvent pas l’idée d’un avertissement si absurde que ça…
The Crown, entre réalité et fiction
The Crown racontant l’histoire bien réelle d’Elizabeth II, actuelle reine d’Angleterre, et de sa famille, il s’agit forcément d’un mélange entre réalité et fiction.
Or, en tant que spectatrice, on ne sait pas toujours où placer le curseur
— à moins de regarder la série avec Wikipédia à la main, comme le font beaucoup de gens.
Il paraît évident que les discussions privées entre Elizabeth et son époux, par exemple, sont une pure invention des scénaristes, mais quid des évènements publics mis en scène dans la série ?
La princesse Margaret a-t-elle vraiment charmé le président américain Lyndon Johnson, au point de l’embrasser et de sécuriser un prêt massif pour le Royaume-Uni ? Non : pas de baiser, et un dîner « relativement ordinaire ». Alice, la mère du prince Philip, a-t-elle séduit un journaliste anti-royaliste du Guardian qui lui a offert une interview en pleine page ? Non plus.
La saison 4 prend de larges libertés, en suggérant notamment que le prince Charles n’a jamais cessé sa relation adultérine avec Camilla Parker-Bowles — ni quand elle s’est mariée, ni quand lui-même a épousé Diana. En réalité, il a fallu cinq ans pour qu’ils reprennent contact.
On sort de cette saison avec une opinion négative du prince Charles, ce qui peut avoir un impact très concret puisqu’il a encore un destin politique devant lui, comme l’indique au New York Times Penny Juror, autrice de plusieurs biographies du prétendant au trône :
« Le problème, selon Penny Junor […] est que “The Crown” est un divertissement à l’efficacité redoutable. Ce qui, nous dit-elle, menace spécifiquement Charles, qu’on peut considérer comme le personnage le plus négatif de la série et qui pourrait bien accéder au trône avant que les souvenirs de ce portrait sombre et bossu ne se soient complètement effacés.
“C’est de la très belle télévision”, dit Mme Junor. “C’est vraiment bien joué, les tics sont parfaits. Mais c’est de la fiction, et c’est très destructeur.” »
Ne vous y trompez pas cependant : la réaction du gouvernement n’est pas forcément innocente. Beaucoup y répondent, comme sur ce fil Reddit, en se demandant si un avertissement Netflix est vraiment la priorité alors que le pays, et le monde entier, vivent une crise sans précédent ; d’autres y voient un agissement de la famille royale caché sous un simulacre de démocratie.
D’autres, encore se demandent, si cette requête est motivée par certaines discussions (fictives) entre la reine et Margaret Thatcher, qui peuvent être lues comme une référence à la façon dont Boris Johnson a géré le Brexit…
En tout cas, cette déclaration du secrétaire d’État est loin d’être si bête qu’on peut le croire, et pose de vraies questions sur la façon dont nos médias abordent les « histoires vraies ».
The Crown nous met face à nos responsabilités
Certes, un avertissement Netflix du type « Cette histoire s’inspire de faits réels mais il s’agit d’une fiction » pourrait ne pas faire de mal. Après tout, ça ne prend que quelques secondes et c’est une piqûre de rappel qui peut s’avérer utile lorsqu’on est happée par le binge-watching intensif d’une nouvelle saison !
Mais à moins d’identifier précisément quelles scènes sont historiquement exactes et lesquelles ont été inventées, ce qui est impossible vu le mélange réalité-fiction dilué au fil des épisodes, on n’en saura pas plus sur ce que The Crown nous raconte.
Au final, ce qu’il faut retenir de cette annonce du gouvernement britannique, c’est peut-être que nous avons nos propres responsabilités en tant que spectatrices et spectateurs : nous rappeler qu’une œuvre a toujours un angle et un point de vue, vérifier les faits avant de les considérer comme tels, croiser nos sources et multiplier nos regards.
Kalindi Ramphul vous propose justement sur madmoiZelle des documentaires pour creuser l’histoire de Lady Diana, très romancée dans The Crown ; si vous avez d’autres suggestions concernant la famille royale britannique, postez-les dans les commentaires !
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Les Commentaires
Oui c'est mon tatouage merciii
Il a été fait par Encre Mécanique.
Il venait avec une blague de beauf que je n'ai pas osé garder mais elle a son clitoris la mienne. ^^