J’ai toujours rêvé d’être David Guetta.
Non, c’est faux.
Mais les gars et les filles qui font danser les salles, les mains sur les platines et un casque vissé sur les oreilles, c’est vrai que ça me fascine pas mal. Alors quand DJ Network, école de DJ implantée dans plusieurs villes en France, m’a proposé de tester un cours de mix pour amateur, j’ai dit banco, four to the floor, les gars.
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J’ai donc rendez-vous, ce mardi après-midi, dans une salle de l’école, pour un cours particulier de mix avec Florian, DJ de profession et intervenant de l’école, qui va être mon formateur. Je le préviens d’emblée qu’on part de la base de la base, du niveau zéro du mixage, du ras des pâquerettes de la platine. Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. Je le précise, parce que les cours particuliers dispensés s’adaptent au niveau de leurs élèves ! Si j’en savais un peu plus, j’aurais par exemple pu demander une séance pour apprendre une technique spécifique. Je pourrais aussi tricher, mais Florian le dit clairement : on mesure vite le niveau de quelqu’un aux platines.
L’objectif du cours, c’est donc de comprendre le fonctionnement de base du matériel utilisé par les DJ qui mixent, par exemple ceux qui passent la musique sur laquelle tu danses en club. Veuillez trouver ci-joint une photo de la bête à laquelle on s’attaque : sur les côtés, les deux platines, et au centre, la table de mixage.
Première étape : la théorie
Comme en musique classique, on ne te balance pas sur la table de mixage sans un minimum de connaissances théoriques. Sauf si tu es autodidacte bien sûr, mais c’est un autre débat (sur lequel je vais revenir, pas de panique). Je m’assieds donc à ma place comme il y a encore peu sur les bancs de la fac, avec un papier et un stylo.
Florian commence par m’expliquer comment se décompose une musique avec laquelle on va mixer. Il y a l’intro, l’outro (la fin, si tu préfères), et entre les deux, les breaks, des parties calmes avec des notes longues, et les corps, des parties plus rythmées, les endroits dansants. Ces deux derniers types de parties vont alterner.
J’apprends que tous les titres (surtout électro) sont construits sur ce modèle. Ce n’est pas juste pour faire joli, mais pour que n’importe quel DJ puisse les mixer. Et c’est aussi en se basant là-dessus qu’on va pouvoir superposer deux morceaux pour passer de l’un à l’autre, et arriver à faire un mix qui sonne bien à l’oreille et sans décalage rythmique.
Florian m’apprend enfin que les DJ mesurent la musique en phrases, qui comportent un certain nombre de temps. Pour la musique électro par exemple, une phrase est composée de 32 temps, ce qui veut dire que tous les 32 temps, il se passe quelque chose. Et si on veut basculer d’une musique à une autre proprement, il faut respecter ce découpage, et ne pas changer de son au milieu d’un bloc de phrases comme une bourrine, sinon ce sera moche !
Deuxième étape : les bases de la table de mixage
Allez hop, fini la théorie, on passe à la pratique, tout le monde debout. C’est allé vite finalement. J’avais peur de trouver ce démarrage un chouïa rébarbatif, mais j’ai pu poser un maximum de questions à mon formateur, qui y a répondu de bonne grâce – et je l’en remercie, parce que quand mon côté Hermione Granger prend le dessus, il faut s’accrocher.
On passe en revue les différentes étapes du mix. La première, c’est la sélection musicale : le DJ doit connaître les morceaux qu’il joue, et son set, c’est-à-dire l’ordre dans lequel il les passe, s’adapte à la façon dont la salle les reçoit. Autrement dit, rien n’est défini à l’avance, et le set se conçoit au fur et à mesure. En revanche, le DJ a des playlists, qui sont plutôt des banques de musique, où les morceaux sont classés par genre, et qu’il trimballe avec lui.
Autrefois, il ramenait ses vinyles, puis ses CDs, et aujourd’hui, il embarque carrément sa musique sur clé USB, même si certains puristes préfèrent utiliser les supports physiques ! Cette musique peut avoir été achetée (et les salles payent des droits à la SACEM), ou mise à disposition par d’autres DJ qui n’ont pas encore sorti d’album ou d’EP et ont tout intérêt à ce que d’autres fassent connaître leurs compositions.
Pour ce cours, on a deux platines : on peut donc sélectionner deux musiques histoire de passer de l’une à l’autre pour commencer. Florian m’a choisi des morceaux relativement simples de type « 1-2 / 1-2 », histoire que j’arrive à prendre le rythme. Sur chaque piste, on commence par déterminer un point CUE, c’est-à-dire un point auquel on va les faire démarrer : en gros, quand la première musique va arriver à son outro, il faudra que je lance l’intro de la deuxième, et pour cela, je prends mon repère sur un temps fort, le kick.
L’étape suivante, c’est d’utiliser le pitch
, ce curseur sur chaque platine (à droite sur la photo ci-dessous) qui permet de régler le nombre de battements par minute (la vitesse de la musique). Je dois mettre les deux pistes à la même vitesse, pour qu’en passant de l’une à l’autre, ça ne choque pas les oreilles du public — ni les tiennes, d’ailleurs.
Une fois que c’est fait, on lance le premier titre, puis, lorsque ce dernier arrive à l’outro, le deuxième. Ça a l’air évident écrit comme ça, mais en fait, il faut bien compter les battements pour caler les deux morceaux l’un sur l’autre, et même avec tous les efforts du monde, c’est pas tout à fait un jeu d’enfant. S’il y a un léger décalage (une fois sur deux, dans mon cas), on recale le second morceau en l’avançant ou en le reculant avec ce qu’on appelle le jog, cette partie autour de la platine qu’on peut faire tourner vers la droite ou la gauche.
C’est là que ça devient subtil, puisque je dois écouter pour voir si les deux pistes sont bien synchro. Et crois-moi le chamois, quand on n’a pas les tympans exercés, c’est parfois subtil. Théoriquement, toutes ces étapes se font casque sur la tête et le public ne les entend pas, mais exceptionnellement, on a mis le son directement (sinon mon formateur ne peut pas me corriger et je me contenterai de faire de la purée musicale : c’est ballot).
Une fois que les deux morceaux sont bien calés, je pousse les curseurs des faders sur la table de mixage, pour faire disparaître le premier et apparaître le deuxième. On peut couper progressivement ou d’un coup sec, selon les goûts et les styles. C’est ce que va entendre le public : quand le fader est en bas, il n’y a que moi qui peut écouter le son, et toi-même tu sais que la musique, ça se partage.
Florian accentue la difficulté de l’exercice : je dois passer d’un morceau à l’autre, les caler ensemble, augmenter les basses de l’un tandis que je diminue celles de l’autre. Je compte les temps, je recommence plusieurs fois, j’en bave un peu, mais c’est cool.
Troisième étape : je teste le scratch (avec plus ou moins de succès)
Comme j’ai à peu près pigé le concept – c’est du moins ce que m’affirme mon formateur – Florian me propose de découvrir rapidement le scratch. En gros, c’est un procédé par lequel on modifie manuellement la vitesse de la piste musicale, pour créer un effet spécial : le son devient plus aigu lorsqu’on l’accélère et produit un genre de « scrtchh scrtchh ». Florian m’installe un son spécial pour tester cette technique.
C’est là que les choses se compliquent sérieusement : il faut arriver à dissocier l’action de ses deux mains (scoop : je rame comme pas permis). L’une doit rester appuyée sur la platine, et lorsqu’elle la relâche, le son défile à toute vitesse. L’autre, sur la table de mixage, doit jouer avec le fader, le bouton tout en bas, pour couper la musique et produire des effets rythmiques. Clairement, je ne suis pas hyper au point là-dessus, mais Florian m’explique que ça vient avec l’habitude, et qu’il faut s’entraîner avec le seul fader avant de passer à la suite. Je pourrais jouer des heures avec ce bruit, j’apprends même qu’il y a tout un tas de techniques supplémentaires, mais le cours touche à sa fin.
Le métier de DJ
Voilà, c’est quasi terminé. La séance m’a plutôt emballée. Du coup, j’ai envie d’en savoir plus sur l’école. DJ Network propose à la fois des cours particuliers, pour les débutants comme moi et les amateurs, mais aussi une formation sur huit mois plus professionnalisante, au cours de laquelle les DJ futurs ou déjà implantés apprennent de nouvelles techniques, la musique assistée par ordinateur ou à communiquer (faire des flyers etc.). On peut y rentrer à partir de 17 ans et deux mois, pour être majeur•e à la fin de la formation et pouvoir travailler.
Faire une école pour être DJ, ce n’est pas un peu étrange ? Ben non. Florian, lui, est autodidacte et a commencé à mixer vers ses 16 ans, ce qui lui fait une quinzaine d’années dans le métier. « Si j’avais fait une école, les choses seraient sans doute allées beaucoup plus vite », imagine-t-il. Au-delà de son activité de formateur, il est DJ et mixe le reste du temps. « Parfois, ça pique quand il faut venir donner une formation le jeudi ou le vendredi matin », rigole-t-il.
Car oui, il y a bien du travail pour les DJ, en tout cas sur Paris. Tout ne se passe pas en boîte de nuit : il y a les festivals, les showcases pour les présentations de marque ou les ouvertures de boutiques… qui font de plus en plus appel à des DJ professionnels.
J’ai quand même l’impression que les DJ médiatisés sont surtout des hommes… Mais de ce que me dit Florian, il y a bien des femmes dans le monde des clubs, même s’il est vrai qu’elles sont moins nombreuses dans les formations qu’il a pu dispenser. Celles qui sont sorties de DJ Network ont pourtant toutes trouvé du travail, comme il le note avec une pointe de fierté ! Une des plus connues issues de l’école est Maxye.
Pour ma part, je ne vais pas aller jouer les Bob Sinclar sur la pelouse de papa tout de suite, parce que j’ai quand même pas mal de choses à maîtriser avant ça. Mais ce premier cours m’a donné hyper envie d’approfondir les choses et d’en découvrir encore plus. Il m’a surtout appris que mixer, c’est en fait beaucoup plus compliqué que ce que font les mecs que tu vois dans les clips… Être un bon DJ, c’est un art, ça ne s’improvise pas, et surtout, c’est un vrai métier.
Pour aller plus loin
- Le site de l’école DJ Network
- La page de Floxyd, le nom de scène de Florian (qui sort un EP en janvier, stay tuned !)
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