Publié initialement le 18 août 2014.
Il y a quelques temps, je me suis fait une réflexion : « Je ne suis décidément pas pudique ». La nudité d’un corps m’indiffère au plus haut point et la seule chose que je demande au mien, c’est d’être en bonne santé.
Le body painting et mon rapport décontracté à la nudité
Quand je m’habille, quand je me maquille, en disant certaines choses ou en prenant certaines poses, je peux exprimer ma sexualité, mais non, décidément, un corps simplement nu restera pour moi de la simple chair, un outil au service de mises en scène (érotiques mais aussi artistiques, sportives…), quelque chose de très mécanique.
Globalement, je ne suis pas complexée. Que le corps soit un objet avant tout utile ne m’amène pas à le mépriser, au contraire. C’est assez fascinant, l’énergie contenue dans ce mètre soixante de chair qui permet la respiration, la digestion… À l’inverse, je ne suis pas non plus imbue de mon physique, ni exhibitionniste. Chacun ses petits plaisirs mais ce n’est pas l’un des miens !
Mais tout ça, c’était du blabla. De la théorie. C’est bien beau de dire qu’on n’est pas pudique, encore faut-il que ce ne soient pas des paroles en l’air ! J’avais envie de me le prouver… à moi-même. De mieux me connaître. Alors j’ai saisi une occasion d’en savoir plus sur mon rapport à la nudité.
À lire aussi : Toute Nue Style — Leï, 27 ans
Le body painting : mon expérience
Le body painting est aussi vieux que l’humanité elle-même. Dès la préhistoire, on peint les morts d’ocre rouge ; les Himbas, en Afrique, utilisent toujours ce pigment pour protéger leur peau du soleil.
Ce tatouage éphémère est fait d’ocre, mais aussi de henné ou encore aujourd’hui de peintures spéciales. Il a ses propres codes et sa propre symbolique car, contrairement à son grand frère le tatouage, il ne reste pas à vie. Mais comme pour le tatouage, chaque culture a ses propres habitudes : symboles, couleurs et interprétations varient en fonction des lieux et des époques.À lire aussi : Ruby, le magnifique face-painting en stop motion
Crédit photo : Cedric Taling, Claire Seppecher et Laurent Teisseire
Aujourd’hui, le body painting se rapproche plutôt de l’art de la performance : les artistes contemporains apprécient son aspect éphémère et la façon dont il nous renseigne sur la perception du corps par les sociétés.
J’ai rencontré l’artiste Cédric Taling grâce à un de mes contacts Facebook qui a fait tourner son annonce : « artiste recherche modèle pour bodypainting ». Il s’agissait de poser pour le peintre puis d’être prise en photo.
Je me suis dit que c’était le bon moment pour vivre une expérience du type de celle qu’on raconte à ses petits-enfants à 90 ans, quand ils ont du mal à nous imaginer jeune et fringante !
Pourquoi j’ai voulu être modèle pour du bodypainting
De façon générale, j’aime bien vivre des expériences qui sortent un peu des sentiers battus : pour vous, ce n’est peut-être rien, mais pour moi, le body painting, ça demandait un peu de réflexion quand même.
Je me demandais si j’allais finir attaquée par un psychopathe à pinceau, si j’allais assumer les photos, si je n’étais pas tout simplement trop narcissique…
J’ai résolu ces problèmes un à un : le peintre n’était pas un amateur pervers mais bien un artiste dont une série de body paintings avait déjà été publiée. La séance aurait lieu chez moi, où une amie se trouverait également au cas où.
Concernant les photos… À ma plus grande surprise, je me suis rendue compte que je n’en avais rien à faire. J’étais gênée parce que j’avais grandi dans l’idée que la nudité d’une femme était quelque chose de précieux et de rare, mais j’ai à présent trop voyagé pour croire à ce conte de fée de la nudité-trésor. Un corps nu est un corps nu, demandez à n’importe quel-le gynécologue !
À lire aussi : « Mon corps m’appartient », le Tumblr qui nique les complexes
Crédit photo : Cedric Taling, Claire Seppecher et Laurent Teisseire
Enfin, concernant le narcissisme… Eh bien oui, on se sent jolie et c’est une démarche assez égocentrique, soyons honnête. Mais je ne l’ai pas vécu comme quelque chose que je voudrais exhiber, pour montrer mes fesses aux autres à tout prix comme pour dire : « Hé, regardez comme je suis jolie ! Faites-moi des compliments ! ».
J’ai juste envie de pouvoir les garder en souvenir pour qu’à 70 ans, après deux accouchements et une longue vie, je puisse les contempler et me faire un petit high five mental. Ensuite je les montrerai à mon petit copain de la maison de retraite qui me gratifiera d’un « Hé bah ma nénette, t’étais un sacré petit lot » de circonstance !
C’est une façon de prendre conscience du caractère éphémère de la jeunesse, une façon de marquer le coup et de dire merci à la vie pour avoir plutôt bien rempli son contrat en me gratifiant d’un corps en bonne santé, et fonctionnel.
Le body painting — Jour J
Tout se déroule dans une simplicité étonnante. Je suis nue, et un rétroprojecteur projette les lignes générales du dessin sur ma peau. Le peintre me propose de choisir la zone de la peinture : le devant, le dos, le corps entier ou juste le torse.
Je deviens bientôt une vraie yakuza, tatouée sur une large partie de mon corps, et le tout sans une seconde de douleur. Bon, il faut compter avec les courbatures quand même : ce n’est pas facile de tenir immobile aussi longtemps, mais c’est largement vivable.
Je me rends compte avec étonnement que l’opacité de la peinture et sa texture créent un véritable habit de couleurs, et que je ne me sens plus nue du tout très rapidement. Étrange comme il en faut peu, au final, pour retrouver ses repères !
Quand le travail est fini, un photographe vient prendre des photos s’inspirant du quotidien dans mon appartement.
Cédric Taling étant un professionnel, et accessoirement une personne très sympa, il n’a pas posé une seule fois un doigt sur ma peau, seulement le pinceau. Je le dis à l’intention des jeunes femmes qui voudraient elles-mêmes tenter l’expérience : le peintre n’est pas censé vous toucher, ou pire encore en profiter pour vous tripoter !
8
Crédit photo : Cedric Taling, Claire Seppecher et Laurent Teisseire
À la suite de cet après-midi finalement assez chargé, je prends la douche la plus rigolote de ma vie : les couleurs partent et se mélangent dans un joli fouillis !
Quelques temps plus tard, je reçois les photos, on me demande mon avis sur celles qui seront exposées une fois le projet fini. Je reçois également un certificat d’authentification assez rigolo puisqu’il atteste que j’ai été peinte, ce qui n’arrive pas tout les jours.
Ce que je retire de ce bodypainting
À part un rideau de douche qui ne sera plus jamais comme avant, je retiens beaucoup de choses de cette expérience :
- Je me connais mieux et je connais mieux le rapport que j’entretiens à mon corps.
- J’ai osé faire quelque chose qu’on me déconseillait, de façon irrationnelle « par principe » ou « parce que les filles bien ne font pas ces choses-là ».
- J’ai du même coup gagné en assurance.
- L’étrange jalousie d’un ex-petit copain qui, assorti des « je laisserais jamais ma copine faire ça ! » de quelques amis, m’en a appris beaucoup sur le rapport que les hommes entretiennent avec la nudité des femmes qu’ils aiment.
Plus généralement, je dois avouer que cette expérience m’a beaucoup amusée et même si je ne courrais pas après une autre séance (tout un après-midi immobile, tout de même…), je suis très contente d’avoir participé à ce projet !
Crédit photo : Cedric Taling, Claire Seppecher et Laurent Teisseire
Je vis très sereinement l’exposition probable de ces photos car, et c’est ça qui est agréable avec le body painting, le modèle s’efface derrière la création des artistes. Et c’est pour cette raison que je ne vous dirai pas laquelle de ces modèles je suis !
Je remercie donc Cedric Taling et les photographes Claire Seppecher et Laurent Teisseire pour ce joli moment et je vous invite à les contacter si vous souhaitez vous-même vivre la même expérience (les seules conditions : être majeure… et imberbe).
À lire aussi : L’été où j’ai appris à aimer mon corps
Le body painting en vidéo
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires
J'ai beaucoup d'admiration pour ces artistes, les corps deviennent de vraies œuvres d'art !! Les photos sont vraiment magnifiques uppyeyes: Un grand bravo à celles et ceux qui font ces réalisations !