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Moi, moi et moi

Ça m’est arrivé : j’ai été victime d’un viol

Free Bird a vécu une expérience traumatisante à l’âge de treize ans : elle a été violée. Ce n’est que sept ans plus tard qu’elle s’est décidée à porter plainte… Récit de ce parcours du combattant, qui rend compte des difficultés rencontrées lorsque vient le moment de parler.

Depuis l’affaire DSK, on ne parle plus que de ça. Le viol est revenu sur le devant de la scène… Chacun se fait son opinion sur ces affaires, mais surtout sur les victimes. En 2011, seulement 1 femme sur 10 victime de viol ose porter plainte. Je fais partie de ces femmes qui ont eu le malheur de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. A l’époque, j’avais 13 ans, je n’avais même jamais embrassé un garçon. Passons sur les détails sordides, en rentrant chez moi, j’ai fait comme si de rien était. En arrivant au domicile familial, je me suis assise dans le fauteuil, et j’ai regardé la télé. Je n’ai rien dit à mes parents, de peur de les décevoir, je me sentais coupable de ce qui m’était arrivé.

J’ai passé cette agression sous silence pendant sept longues années. Mais, comme beaucoup de personnes le disent en ce moment, « pourquoi attendre aussi longtemps ? Si les victimes ne portent pas plainte de suite, c’est forcément louche ! » Et bien si les victimes attendent aussi longtemps, c’est parce qu’il faut beaucoup de courage pour oser en parler.

Au bout de cinq ans, je me suis dit qu’il fallait que j’en parle. Mais il m’a fallu deux ans de plus, entre le moment où je me suis dit qu’il était temps de tout déballer et le moment où j’ai osé franchir le pas. Deux années où chaque jour je pesais le pour et le contre : car oui, il y a là un dilemme. Continuer à tout taire, pour éviter de faire souffrir son entourage, ou au contraire tout dire pour enfin se sentir soulagée ? J’ai choisi la deuxième option. Les mots ne sont jamais sortis de ma bouche, mais mes parents ont bien compris l’origine de mes pleurs. violée

Vient le moment de porter plainte…

Quand on essaye de faire entendre sa voix à la justice française, on se dit qu’avouer son viol à la famille, c’est du pipi de chat ! Car oui, dans la police, il y a beaucoup d’hommes, et ils ne sont pas tous fins. Pour citer quelques réactions :

« vous avez attendu pendant 7 ans, vous pouvez bien revenir la semaine prochaine quand nous aurons moins de travail ? »

Ou encore :

« désolé mais le délai de prescription est passé, on ne peut rien faire » (car oui, apparemment, certains policiers ne connaissent pas les textes de loi…)

Après avoir tenté de porter plainte sans succès dans trois commissariats, je décide de m’imposer. Dans le quatrième commissariat, l’accueil est tout aussi chaleureux que dans les trois premiers. J’explique donc que je ne partirai pas tant que je n’aurai pas déposé plainte. Cinq heures après mon arrivée, je suis enfin entendue. Plus de deux heures d’auditions, où il faut raconter les détails les plus ignobles possibles, et donc revoir toutes ces images que j’essayais d’oublier depuis des années.

Bien entendu, je m’attendais à un peu de pitié et de compassion de la part du policier qui prenait ma plainte. Je n’ai eu le droit à rien de cela. Il n’y a pas d’affiche pour signaler l’audition en cours, donc des gens entrent dans le bureau pour parler de leur week-end en rigolant pendant la déposition. Dans chaque bureau, il y a deux policiers, et donc, deux victimes entendues simultanement. Pour l’intimité, on repassera. À aucun moment on ne m’a proposé un mouchoir, un verre d’eau, ou encore de sortir prendre l’air… Bref, j’ai parfois eu l’impression d’être traitée comme si je venais déposer plainte pour un vol de carte bleue.

Deuxième round

Dix mois après mon dépôt de plainte, j’ai contacté mon avocate, m’inquiétant de ne toujours pas avoir de nouvelles. Nous avons donc décidé ensemble de joindre le commissariat qui a pris ma plainte, histoire d’avoir plus d’infos. Et là, comme si le chemin parcouru n’avait pas encore été assez dur, l’accueil du commissariat m’informe que selon eux, aucune plainte n’a été enregistrée à mon nom.

Après quelques recherches, un policier avoue avoir jeté ma plainte par « erreur » à la poubelle, et que vu l’ampleur de sa boulette, il avait préféré ne rien dire. On me propose donc de faire un geste exceptionnel pour implorer mon pardon et d’être entendue une seconde fois, mais sur rendez-vous, pour éviter l’attente.

J’ai cru à ce moment là que j’allais exploser. Je venais à peine de sortir de l’hôpital, j’étais extremement fragile, et cette nouvelle m’a fait l’effet d’une bombe. Comment peut-on jeter à la poubelle une plainte pour viol ? Et si je ne m’étais pas inquiétée, aurais-je su un jour que ma plainte avait été perdue ? J’ai donc été entendue une deuxième fois, pour raconter mon calvaire une fois de plus, puis le lendemain, j’ai été interrogée pendant quatre heures par une experte psychiatre.Car oui, une fois la plainte enregistrée, le policier m’a dit avec un léger sourire que, bien sûr, « certaines filles portent plainte pour se rendre intéressantes », et que par conséquent, un expert devra m’analyser, histoire de savoir si je mens ou non.

Je me suis retrouvée face à une charmante psychiatre, qui, histoire de me faire craquer, prêchait le faux pour savoir le vrai, remettait chacune de mes paroles en doute, et me mitraillait de questions sur ma vie sexuelle actuelle. Un calvaire de plus.

Et maintenant…

Ma première plainte (perdue), a été déposée il y a 1 an et 5 mois. J’en suis toujours au même point. La justice n’a toujours rien fait pour moi. Moi, jeune femme de classe moyenne, je dois attendre encore, pendant que mon agresseur dort sur ses deux oreilles, bien en sécurité. Malgré tout, ma famille et mes amis sont plus que présents pour moi et me sont d’un grand soutien. Il serait facile de remettre mes paroles en doute, car beaucoup de gens pensent encore que « si on se fait violer c’est qu’on l’a cherché ». Oui, quand je dis que j’ai été violée, on me demande toujours si j’étais ivre, si j’avais mis une jupe, si j’ai joué l’allumeuse… Non, j’avais 13 ans, je n’avais encore jamais eu d’amoureux, je sortais de l’école, et je n’avais rien d’une aguicheuse.

Et quand bien même j’aurais mis une jupe, ou souri à un homme, cela aurait-il justifié que je me fasse violer ? J’espère que toutes les filles qui ont connu une histoire proche de la mienne sauront trouver le courage de se battre pour faire reconnaitre leur statut de victime. Le chemin est long et douloureux, mais il ne faut pas laisser gagner une deuxième fois nos agresseurs.

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Les Commentaires

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Avatar de calineaime
31 mai 2014 à 22h05
calineaime
Merci pour ton article, et surtout pour ton courage. Je me reconnait bien dans ton témoignage car j'ai vécu la même chose il y a 17 ans maintenant...J'en souffre encore terriblement aujourd'hui. Tu as tout mon soutien, je t'envoie tout ce que j'ai de courage.
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