Il y a quelques jours, les maquilleurs et maquilleuses professionnels de M·A·C sont venus maquiller l’équipe de madmoiZelle, puis nous shooter. Nous étions excité·es comme des puces, et nos bureaux rayonnaient dans tous les sens, entre les paillettes sur nos paupières et l’éclat ravi et fier de nos regards.
Dans le mien, je sentais une lueur plus fluctuante, qui vibrait doucement au fil de l’émotion. Parce qu’après être passée entre les mains de Tom Sapin, j’ai été chamboulée, et j’ai passé plusieurs jours à ressasser et comprendre ce qu’il s’était passé.
Alors j’ai décidé d’écrire, sous forme de lettre à Tom, tout le bien qu’il m’avait fait à travers ces quelques minutes de partage.
Lettre à Tom Sapin, qui a beaucoup changé ma tête et un peu ma vie (ou l’inverse)
Cher Tom,
Lorsque je me suis assise face à toi, hésitante mais tentant de sembler sûre de moi, tu n’imaginais peut-être pas quel effort c’était, de me confier ainsi à toi.
Tu sais, au fond de moi je n’envisage pas vraiment que quelqu’un puisse prendre du temps pour moi, rien que pour moi. Je n’envisage pas de pouvoir faire confiance, encore moins à un inconnu, au point de me laisser faire sans avoir en apparence aucun contrôle.
Je suis si incapable de lâcher-prise que j’en déteste les vacances, parce que ne rien faire, ne pas être en contrôle de ce qu’il se passe, ça n’a pour moi aucun sens. Et c’est terrifiant.
J’essayais en apparence de montrer que j’étais à l’aise, mais je pense qu’au fond de moi il y avait une petite fille recroquevillée, qui ne comprenait pas pourquoi d’un coup on s’intéressait à elle, pourquoi elle était devenue un centre d’attention, pourquoi elle se laissait toucher.
Toi, tu l’as prise comme elle était. Tu me l’as dit, par la suite.
« J’ai senti que tu ne faisais pas ça souvent et que ça te coûtait beaucoup de t’asseoir et te laisser faire. […] Je t’ai laissée tranquille te poser, et je suis ravi si ça t’a fait du bien. »
Tu ne pensais pas si bien dire.
« Entre tes mains, je me suis sentie exister »
Tu ne le savais pas, mais mon rapport à mon corps est un peu merdique, même si j’y travaille. J’ai pris l’habitude de lui faire du mal, pas d’en prendre soin. Encore moins qu’on en prenne soin pour moi : à quel moment en serais-je digne d’intérêt ?
J’ai aussi pris l’habitude de le fuir, de ne pas ressentir ce qu’il s’y passe, parce que le conflit est trop fort entre nous. J’ai beau essayer de m’y reconnecter, de méditer, l’issue est presque toujours la fuite.
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La douceur de ton toucher, les effleurements de tes pinceaux, la précision de ton regard : tout cela m’a permis de me ressentir à nouveau.
Et si toi, maquilleur star de M·A·C, tu as pris le temps de me maquiller, de t’attarder sur mes traits, de me proposer quelque chose d’aussi nouveau qu’éphémère, c’est bien que je valais le coup, non ?
Entre tes mains, je me suis sentie exister, ce que je m’interdis tant au quotidien.
Tu ne m’as pas jugée, tu es au contraire allé chercher ce qu’il y avait de plus beau dans mes traits
. Ces mêmes traits que je méprise, si futiles et superficiels, alors que paradoxalement je les hais et les critique tant.
Tu m’as permis de commencer à briser ma peur
J’ai laissé ton regard scanner mon visage, alors que je ne suis aujourd’hui capable de considérer cela que comme une menace.
Parce que cela, tu ne le savais pas non plus, Tom, que j’ai une peur viscérale des hommes. C’est pourtant vers toi, et non pas tes collègues, toutes deux des femmes, que je me suis tournée.
Un peu par hasard, un peu par choix.
Tom, tu ne pouvais pas deviner que j’ai une relation de merde avec mon père, qui a commencé depuis que je suis enfant à détruire ma confiance en les hommes. Tu ne pouvais pas savoir que mon « meilleur ami » au lycée a achevé le travail, en me violant plusieurs fois.
Tu ne pouvais pas savoir qu’aujourd’hui je ne supporte pas de rester seule avec une homme dans une pièce close, que les regards dans le métro me rendent malade, que je n’ai plus touché un homme depuis des années, pas même effleuré, en dehors des bises obligatoires en société et que j’expédie comme si en frôlant une joue je me brûlais.
Tu ne pouvais pas savoir que me confier à toi, te laisser faire ce que tu voulais de mon corps, symboliquement, c’était foutre un premier coup de pied dans cette montagne de merde qu’est ma peur.
Je ne savais pas que j’en étais capable.
Je ne me doutais pas que tu m’en laisserais la possibilité.
Parce je ne peux redonner ma confiance qu’à des personnes qui m’offrent un espace adéquat et suffisamment sécurisant pour que je tombe mes défenses.
Et, je ne sais par quel talent, par quel professionnalisme, mais tu as réussi à me les ôter peu à peu, jusqu’à me montrer ton œuvre dans le miroir, et que l’émotion me monte à la gorge.
Depuis quand est-ce que je ne m’étais pas trouvée belle ?
Depuis quand est-ce que je n’avais pas eu confiance en l’image que je renvoyais ?
J’avais oublié ce que signifiait « prendre soin de moi »
Depuis des années, les gens autour de moi m’invitent à « lâcher prise », à « prendre soin de moi », à « me chouchouter ».
J’ai passé au moins autant de temps à dire que je ne savais pas faire. Et pour cause ! J’ai réalisé entre tes mains, Tom, que je ne savais même pas ce que ça voulait dire.
Je crois que grâce à toi, j’ai « pris soin de moi », sans contrainte ni pression, pour la première fois depuis longtemps.
Je crois que j’ai aussi commencé à redécouvrir ce que ça signifiait. Peut-être qu’avec cela, je vais pouvoir le faire moi-même un peu plus, sans attendre qu’un maquilleur pro tombe par hasard sur mon chemin.
J’ai eu envie de méditer pour me reconnecter à mes sensations, à moi-même. Si je ne l’ai pas encore fait, je me dis que je vais finir par retenter, et même un jour, par y arriver.
Et j’ai envie de rencontrer d’autres personnes comme toi, qui, l’espace de quelques instants, sauront me mettre en confiance, et simplement me faire du bien.
Alors pour ça, et pour tout le reste, je te dis un immense merci. Je te souhaite de continuer à faire du bien autour de toi, aussi longtemps que ça te rendra heureux.
Car au vu des regards, des remarques plus ou moins timides, des minutes passées devant les miroirs par les autres membres de l’équipe, je ne doute pas que je ne suis pas la seule à avoir été aussi chamboulée.
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