— Initialement publié le 24 février 2016
On m’a toujours répété que mentir, c’est mal. Fille modèle que je suis, je l’ai tellement bien assimilé qu’aujourd’hui j’ai tendance à penser que tout le monde est comme moi et ne dit que la vérité… La conséquence directe est que je ne capte pas du tout quand on me raconte des foutaises bien trop grotesque pour être réelles.
En cette journée du premier degré, je me lève et je le dis : OUI, JE SUIS CHARLIE PREMIER DEGRÉ. Si cela ne m’empêche pas d’avoir de l’humour, en terme de street cred’, ce n’est pas forcément la joie.
Typologie des situations où le manque de second degré m’a menée.
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La blague que je ne comprends pas
Il y a des blagues qui ne sont pas drôles parce qu’elles sont nulles (vous connaissez la blague de la chaise ?) (elle est pliante). Et il y a celles qui ne le sont pas parce qu’on ne les comprend pas.
- Exemple de qualité
Je demande à un ami comment ça va, il me répond très naturellement :
Mon travail est top mais depuis que j’ai vu sur YouTube une vidéo parlant de la discipline de l’hélicobite j’y ai développé une addiction et depuis mon kiki me fait très mal.
Ma première réaction est de lui répondre :
Tu veux de la crème hydratante ? J’en ai toujours avec moi et ça peut soulager.
Sainte-Anouk en action
S’ensuivent trois étapes.
- Son rire parce qu’il croit que je surenchéris.
- La gêne quand il se rend compte que ce n’est pas le cas.
- Et puis le rire parce que c’est tellement gênant que ça en devient drôle.
La blague collective que je ne comprends pas
Il s’agit cette fois-ci d’une blague de groupe. Le principe est de se mettre en bande pour faire croire un truc tellement grotesque à une personne que ça fera rire tout le monde (enfin tout le monde sauf la personne en question).
- Exemple
Un groupe d’amis se regroupe autour de moi et me dit « Tu sais que Machin sort avec Bidule ?». Au début, bien entendu, je flaire l’arnarque : je sais que Machin a un copain et que Bidule ne peut pas piffrer Machin. Mais comme tout le groupe m’assure que c’est LA nouvelle du jour, je finis par y croire.
Le moment de grâce arrive quand le groupe me motive à aller voir Machin afin de lui demander comment ça se passe avec Bidule. Et que je le fais.
« Et là, on va faire croire au public que c’est ELLE la mère ! »
À la fin, la bande rigole bien et je me retrouve à un peu rire aussi parce que je préfère ça que d’entendre que « ROOOOH c’est de l’humour ».
J’aime bien les blagues de Toto, sinon.
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La non-blague que je ne comprends pas non plus
J’ai beau croire à peu près à tout, mon premier degré a appris à s’adapter à cette société faite de sarcasme et de nuances. C’est ainsi que parfois, je flaire la blaguounette et toute fièrement balance un « Arrête de me citer le Gorafi, y en a qui bossent ici ».
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Sauf que mon curseur pour comprendre les blagues est quelque peu déréglé… Et j’ai tendance à voir des vannes là où il n’y en a pas.
- Exemple
Un ami d’enfance me dit :
Je vais voter FN.
Moi :
LOL.
Pas lol. Pas lol du tout.
Le 3ème degré, cette invention du démon
Deux degrés d’humour ne suffisaient apparemment pas, il a fallu inventer le troisième ! Il consiste à dire sur un ton de second degré une pensée premier degré. Alors sur ce coup, là, J’AVOUE, je l’ai beaucoup utilisé pour draguer des garçons à 14 ans. (Je n’ai pas pécho avant mes 18 printemps. Coïncidence ? Je ne pense pas.)
- Exemple
Quelqu’un me dit sur un ton blagueur :
C’est que t’es intelligente, toi !
S.O.S
Dans ma tête ça bouillonne : est-ce un compliment ? Est-ce qu’il se fout de moi ? Est-ce que je suis intelligente ? Qui suis-je ? HELP ! MAYDAY ! DES EXPLICATIONS S’IL VOUS PLAÎT !
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Un humour très premier degré
Ce gène du second degré absent ne m’empêche heureusement pas de faire des blagounettes… Très marquées par mon sens du premier degré. Les rires que je reçois sont-ils sincères ou motivés par la pitié ? Je ne sais pas encore.
- Exemple
Lors de mon entretien pour mon poste actuel à madmoiZelle, Fab a conclu avec :
Si ça te chauffe de travailler pour madZ, ça nous chauffe de t’accueillir !
Phrase à laquelle j’ai répondu, tout naturellement :
Ouais on va faire du feu !
Je ne pense pas me tromper en disant que ce jour-là, il s’agissait bien d’un rire de pitié.
Les expressions que je ne comprends pas
Être très peu doué pour comprendre un pan tout entier de l’humour n’est pas le seul point négatif au sens du premier degré. Il y a aussi une incompréhension totale de beaucoup d’expressions. Petite, je visualisais un estomac qui tombait dans les jambes, jusqu’aux talons, quand j’avais faim… Et encore aujourd’hui, quand je découvre une nouvelle expression, j’ai toujours besoin de ce petit temps de latence à base de « AH, c’est une façon de parler ».
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- Exemple
Un collègue sort des toilettes, les joues rosées, et me dit :
Olala je suis désolé mais ça pue la mort !
Phrase à laquelle je réponds avec bienveillance et sérieux :
Comment tu sais ça, t’as déjà senti un cadavre ?
S’ensuit une explication gênée de mon collègue m’expliquant que c’est une expression voulant plutôt dire que ça sent en fait son GROS CACA. Pendant quelques minutes, je réfléchis au fait qu’un cadavre doit certes puer, mais pas une odeur de selles… et puis je décide d’accepter cette absurdité et de continuer ma vie tranquillement.
Je suis premier degré mais je le vis bien
Être premier degré, ce n’est pas toujours très drôle, ça peut même être plutôt vexant… Mais en prenant du recul, je me marre parfois très fort toute seule en repensant à ces situations dans lesquelles mon manque de second degré m’ont mises.
Mon premier degré ne m’a jamais empêchée de faire rire mes amis et proches : c’est ce que je suis, et ça me va !
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Les Commentaires
Pour autant, ce n'est pas pour ça que je suis hyper fan du second degré. On s'en est servi pour me harceler et par la même occasion rejeter la faute sur moi. Ça me met hors de moi quand je vois des situations où «c'est du second degré» a pour signification évidente «c'est trop lol d'empoisonner la vie des autres».
J'ai connu un pote qui racontait pas mal de blagues oppressives auxquelles je riais jusqu'à ce que j'apprenne que c'était en fait le reflet de ses pensées réelles. Depuis, quand j'entends des blagues sur les blondes ou sur les gays, je ne peux pas m'empêcher de me dire que celui qui les raconte est peut-être réellement homophobe ou misogyne.
D'ailleurs, être trop second degré peut avoir des effets pervers, qui est d'en voir là où il n'y en a pas, et se retrouver à défendre un message nauséabond. Exemple concret: dans le court-métrage La Cartouche de Cyprien, @Clemence Bodoc a cru -sans doute de bonne foi- que Cyprien caricaturait l'injonction au dépucelage alors que ce n'était, du propre aveu de ce dernier, pas du tout le cas.