Comme le dirait Yannick Noah, être métisse c’est « un mélange de couleurs oh oh » ; oui, mais pas seulement. Continuons avec « je viens d’ici et d’ailleurs »… et à ça je répondrai que c’est loin d’être systématique (bon j’ai l’air farouche, mais je l’aime bien au fond le Noah) !
Ce qui m’a décidée à écrire ce témoignage, c’est en premier lieu le fait que, lorsque l’on est métisse, on réfléchit à ce que cela veut dire, même inconsciemment. Ne serait-ce que parce qu’il y a des comportements auxquels on est confronté malgré soi.
Mais c’est aussi et surtout parce que je me sens concernée par les grandes expressions du moment comme « la montée du racisme en France », ou les histoires de « réseaux sociaux qui libèrent les violences » ; tout comme, tout récemment, la caricature en singe de Christiane Taubira reprise par Charlie Hebdo, ou encore l’élection d’une Miss France métisse franco-béninoise.
Il est temps de faire une mise au point. Alors, c’est quoi exactement, être métisse ?
Origines et nationalité : la confusion
Pour comprendre qui je suis, il faut d’abord faire la différence entre les notions de nationalité et d’origines — ce qui est quand même le cas dans la plupart des esprits, du moins dans le concept. Il faut aussi différencier les origines de la couleur de peau, et enfin identifier ce qu’est la culture d’un pays.
J’en ai marre des refrains qui se veulent humanistes et qui stigmatisent positivement, mais qui stigmatisent quand même, comme : « Tu es métisse, tu es citoyenne du monde », ou « Oh wow ! Tu as énormément d’influences culturelles différentes, quelle chance, moi j’adore voyager ».
Alors non, être métisse n’est pas une chance, c’est juste un fait. Personnellement, j’ai une mère métisse et un père métis. Ma mère est eurasienne (française, chinoise et allemande), et mon père guyanais (donc français, parce que la Guyane française est par définition française n’est-ce pas ?) et camerounais. Voilà.
Ces expressions clichés, d’une certaine manière, me révoltent.
Premièrement, avant d’être « citoyenne du monde » (car tout le monde l’est, ça), je suis citoyenne française. Chance ou pas, je suis de culture française. Bien que voyager fut une chance que j’ai eue, je demeure de culture française : je n’ai pour l’instant vécu nulle part ailleurs, ni étudié ailleurs, ou parlé une autre langue couramment — bien que mes parents parlent respectivement chinois, camerounais et créole. Ils n’ont d’ailleurs pas d’accent. Ils sont français et ont toujours parlé français.
Alors stop aux questions comme celle qu’on m’a posée hier : « Quelle langue vous unit à la maison ? »…. Mais le français, chère madame, le français. J’aurais aimé pouvoir dire que c’était le chinois pour voir un peu sa tête, mais étant donné que ce n’est pas ma langue maternelle et qu’elle est quand même super chaude
un peu difficile, la chose est légèrement compliquée.
Il y a des familles métisses où l’un (voire les deux) des parents n’est pas forcément français, mais ce n’est pas systématique !
Le racisme dès l’école
J’ai longtemps été relativement protégée du racisme, ou du moins de la discrimination souvent involontaire (et plus maladroite qu’autre chose) dont font preuve tant de personnes.
Mais il y a trois ans, j’ai déménagé dans une petite ville de banlieue parisienne « bien cotée », conservatrice et bourrée d’« ignorants ».
La première chose qu’on m’a dite en arrivant dans la nouvelle classe a donné le ton : « Tu viens d’un internat d’excellence ? ». Déjà, merci bien pour les gens de ces internats qui sont clairement victimes de discrimination ! Et pourquoi être d’une autre couleur que blanc signifierait forcément moins de moyens financiers ? On entend souvent : « t’es noir, tu dois être en internat ».
Il y a tout plein de gens dans ce genre, comme mon cher voisin de physique de l’année dernière. Un jour il a perdu sa carte d’identité, et m’a tout de suite dit qu’elle avait forcément été volée par « un noir ou un arabe »… Et puis, aaaah oui, il m’a aussi demandé si mes cheveux pouvaient pousser plus, ou si je bronzais.
La curiosité innocente ne me dérange pas, les clichés racistes, si. Tout cela montre une chose : il est plus facile de voir chez quelqu’un ce en quoi il diffère de nous que ce en quoi il nous ressemble.
Quand j’étais en maternelle, ces mignons petits crétins faisaient des jeux « Qui va bien avec qui ? » pour composer des couples. J’ai eu cette chance d’être associée au seul métis du niveau, qui était d’ailleurs loiiiin d’être à mon goût — je le trouvais même particulièrement méchant.
Mais devinez quoi ? Est-ce qu’après tout ça je méprise mon apparence ? N-O-N. Est-ce que je suis donc irrémédiablement attirée par les personnes métisses ? Toujours pas.
En fait, on peut être métisse sans peau couleur caramel. C’est seulement un terme générique utilisé à tort. En l’occurrence, enfant d’un parent noir et d’un parent blanc, je suis plus exactement une « mulâtresse ».
Le racisme ordinaire
Dans la vie de tous les jours, être métisse ou plutôt « mulâtresse », c’est plein de galères. Cela signifie être refusée dans certains salons de coiffure pour cheveux « de blancs » (true story), sans pouvoir aller chez un coiffeur afro qui utilise des produits souvent trop forts.
C’est s’apercevoir que l’on met tout le monde dans la même case lorsque tu recherches un shampooing et que pour ton type de cheveu, il n’y a rien d’autre que les senteurs « fleur de Tiaré » ou « coco ». Bah oui, pourquoi donc pourriez-vous vouloir autre chose qu’un retour olfactif dans votre pays d’« origine »…
Être métisse c’est avoir des amis qui font des amalgames dérangeants, parce que de toute façon mulâtre et noir, c’est « la même ». Ben non. Oublier que j’ai une mère blanche, c’est oublier une partie de mes origines, et c’est toujours douloureux parce que cela me constitue tout autant que tout le reste.
Alors finalement, qu’est-ce que c’est, être métisse ?
En réalité, être métisse ne se définit pas par une plus grande culture des peuples — la culture est d’ailleurs toujours accessible lorsqu’on la recherche. Pour moi, être métisse c’est surtout avoir moins PEUR de l’autre.
C’est aller plus facilement vers quelqu’un qui ne nous ressemble pas physiquement, parce qu’il nous semble plus proche par une parole qu’il a eue, ou simplement par une manière de s’habiller que l’on admire.
Tu peux en dire beaucoup sur quelqu’un rien qu’en regardant ses chaussures.
Parce que, mine de rien, c’est ce qui pourrait nous rapprocher d’une personne que l’on devrait voir en premier quand on la rencontre ! Pas ce qui nous éloigne…
Je pense qu’à force d’être discriminés, les métisses développent souvent une certaine tolérance et une ouverture d’esprit.
Ça m’attriste, ces filles, qu’elles soient blanches, noires, maghrébines ou asiatiques qui sont françaises et ne traînent qu’entre elles. C’est vrai, elles peuvent vivre les mêmes combats au quotidien, mais heureusement, l’amitié ne se résume pas à cela !
Être métisse pour moi, c’est essayer de lâcher prise et ne pas faire d’un combat de tous les jours ce qui ne nous concerne pas. Ce n’est parce que l’on est une « minorité » que l’on doit avoir plus d’empathie pour une mamie noire qu’une mamie blanche au moment de céder sa place dans le métro !
Parce que non, nous ne sommes pas cousins ou frères et sœurs. On est des étrangers les uns pour les autres, on ne se connaît pas. Si je montre à une amie blanche une autre fille blanche de notre âge dans la rue, elle ne va pas me dire qu’elles se ressemblent, tout simplement parce qu’elles ne se connaissent pas.
Et en ce sens, mon amie et moi nous rassemblons bien plus, parce que nous choisissons d’être amies un peu plus chaque jour, et que (fort heureusement d’ailleurs) nous parlons de bien d’autres choses que le métissage !
On est bien trop occupées pour ça.
Ma meilleure amie me dit souvent qu’elle oublie que je suis mulâtresse ; je dirais que c’est une bonne chose, car moi non plus je ne pense pas au fait qu’elle soit blanche. Je pense bien plus au fait que nous aimons toutes deux qu’à nos différences d’apparence. Elle est belle, la trognonne, et ça n’a rien à voir avec sa couleur de peau, aussi magnifique que toutes les autres.
J’ai jamais lu quelque chose d’aussi idiot que « Le métissage est le cancer de la race blanche ». Le métissage serait alors le cancer de TOUTES les ethnies. Je doute que je sois le fruit d’une maladie, mais plutôt le fruit d’un acte physique (plein d’amour, j’ai de l’espoir) entre deux personnes qui se ressemblent plus qu’elles ne diffèrent…
Lorsque les gens disent que le métissage c’est l’avenir, ce n’est pas pour établir un jugement de valeur, mais parce que, rien que par la mondialisation, des gens de différents horizons se rencontrent, et c’est bien comme ça. Si déjà il pouvait y avoir du métissage dans les amitiés !
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Les Commentaires
@Lemon Curd : Oui c'est vrai que parfois il y a des quiproquos mais c'est l’habitude de répondre à la fameuse question. Enfin je trouve ton anecdote marrante quand même. Je pense que j'aurais ri de mon erreur .