L’occasion de (re)découvrir le témoignage de cette madmoiZelle qui vit avec la maladie.
Publié le 31 mars 2020
J’ai une maladie chronique qui me pourrit l’existence, mais j’essaye d’être heureuse quand même.
C’était en 2015 que le diagnostic est tombé : fibromyalgie.
La fibromyalgie, qu’est-ce que c’est ?
D’abord, pour celles et ceux qui se demandent ce qui se cache derrière ce mot imprononçable, une petite explication.
La fibromyalgie, c’est une maladie chronique neuro-musculaire qui présente de nombreux symptômes : des douleurs diffuses et continues à certains endroits du corps appelés « points de douleur », dont l’intensité varie selon certaines périodes, et qui parfois deviennent si importantes qu’il est impossible de maintenir un mode de vie normal.
Si cette période dure sur plusieurs jours ou semaines, on parle alors de « crise de douleurs ».
À cela s’ajoute de la fatigue due aux douleurs et à des troubles du sommeil, car la phase de sommeil lent profond (le moment où ton cerveau est en grève et où ton petit corps récupère un max) est altérée, ce qui empêche d’être entièrement reposé.
Chez beaucoup de malades, on retrouve en plus des problèmes de digestion, des pertes de mémoire, des difficultés de concentration, une hyperesthésie (quand tes cinq sens sont tellement au taquet que tu ne supportes plus certaines matières, qu’il est difficile de trier les informations visuelles et sonores, etc.), de la dépression…
Je vais m’arrêter là pour le listing, parce que ça risque d’être très long, mais sache qu’on dit traditionnellement qu’il y a « cent symptômes différents de la fibromyalgie » !
C’est une maladie qui touche une grande majorité de femmes (plus de 80 % des cas), et dont on ne connaît pas encore la cause exacte.
Mon diagnostic et ma vie avec la fibromyalgie
J’ai été diagnostiquée à seize ans, ce qui est très jeune. La plupart du temps, les premiers symptômes apparaissent dans la trentaine. Pourtant, ce n’était pas une surprise et j’ai eu de la chance dans mon « malheur ».
Cette maladie, j’ai appris à vivre avec bien avant de l’avoir moi-même : ma mère et ma sœur en sont atteintes, elles aussi depuis le lycée.
Il existe des terrains familiaux dans la transmission de la maladie (notion un peu floue et sujette à débats dans le milieu médical), et une femme a plus de 80% de chances de la transmettre si elle a une fille.
Évidemment, on n’est pas passées au travers, on s’est même pris ça en plein dans la figure.
Ma mère a été diagnostiquée très tard, car on ne connaît pas cette maladie depuis très longtemps (NDLR : l’existence de la fibromyalgie est reconnue par l’OMS depuis 1992).
Comme on ne savait pas comment la soigner, on l’a assommée d’antidouleurs qu’elle essaye encore d’arrêter aujourd’hui car ils lui ont fait prendre du poids et lui ont plusieurs fois déclenché d’autres soucis de santé.
Pour ma sœur, le diagnostic a été plus rapide, mais elle a, elle aussi, fait ses expériences et ses erreurs.
Elle a pris beaucoup de médicaments, été hospitalisée plusieurs fois, elle est tombée dans le piège de l’inactivité et de la désocialisation car elle avait trop mal…
Alors oui, j’ai eu de la chance. Quand le diagnostic est tombé, je savais à quoi m’attendre.
J’ai eu beaucoup d’anti-douleurs dans un premier temps pour pouvoir tenir le coup au lycée et ne pas décrocher, mais j’ai fini par ne plus les supporter car ils me déclenchaient des vomissements réguliers.
J’ai perdu du poids, des cheveux et j’ai fini par tout arrêter. À ce moment-là, j’étais à la fac, loin de chez moi, et je rentrais toutes les semaines chez moi pour aller voir ma grand-mère atteinte d’un cancer.
Cette période a été horrible et mon corps a fini par lâcher en milieu d’année : j’ai été hospitalisée pendant presque deux mois, je n’ai pas pu finir mon année et j’ai dû faire le choix d’abandonner mes études
pour me ré-orienter dans une autre ville où les médecins pourraient me suivre plus facilement.
J’ai décidé de complètement repartir à zéro et j’ai abandonné le Droit et l’Histoire pour les Lettres Modernes.
J’ai dû accepter d’avoir un an de retard, puis deux lorsque je n’ai pas pu me rendre à mes examens l’année dernière, qui a été particulièrement compliquée pour raisons familiales.
Cela a été d’autant plus difficile que je n’aime pas le cursus dans lequel je suis, et que je rêve d’en finir avec cette licence.
J’ai la fibromyalgie, mais je me sens privilégiée
Quand je regarde mon parcours aujourd’hui, je le trouve chaotique, plein d’aspérités, et pas franchement joyeux… mais je me sens privilégiée.
Privilégiée parce que je suis entourée par deux personnes qui ont la même chose que moi, et que, même si j’apprends encore à apprivoiser mes douleurs et mon quotidien, je bénéficie de leur expérience, et je vais bien plus vite.
Cette maladie est merdique (vraiment, j’ai pas d’autre mot, désolée), mais elle m’a appris à être fière de moi : fière de me lever le matin, et d’aller au travail, même si j’ai mal.
Fière de ne pas abandonner mes études alors qu’elles ne m’intéressent pas, parce que j’ai décidé que, quoi qu’il arrive, je réussirai le combo maladie + diplôme.
Je suis fière de moi parce que je ne pourrai jamais rentrer dans la police ou la gendarmerie, mais que j’ai décidé de défendre mes convictions autrement et de devenir journaliste.
J’ai appris à apprécier ce que j’ai : mes trois meilleurs amis que je connais depuis la sixième et qui m’apportent un soutien sans faille.
Ceux que je connais depuis moins longtemps, mais qui n’en sont pas moins précieux, et avec qui nous formons une petite bande de gens pas comme tout le monde, un peu cassés, mais qui s’aiment fort.
J’ai appris à accepter qu’on me voie comme je suis, en tout cas j’apprends : j’ai un copain qui me soutient dans tout ce que je fais, qui se précipite pour me faire des litres de thé quand j’ai très mal parce qu’il ne sait pas quoi faire d’autre.
Qui me prouve tous les jours que j’ai le droit d’aller mal, qu’il m’aime quand même et que ça ne fait pas de moi quelqu’un « qui ne vaut pas le coup ».
À toutes les personnes atteintes de fibromyalgie
C’est difficile.
J’apprends à accepter qu’il y a des choses que je ne peux plus faire, d’autres que je ne pourrai jamais essayer.
Je me bats contre les deux ennemis de mes études : la flemme et la procrastination qui font que travailler à la maison des cours que je trouve nuls, c’est pas facile.
Mais je vais y arriver.
Je sais que beaucoup de fibromyalgiques abandonnent, dépriment, arrêtent de travailler, se flinguent à coup d’antidouleurs. À eux, j’ai envie de dire que la douleur rend les choses difficiles, mais que ce n’est pas impossible et qu’il faut les faire.
J’ai envie de leur dire que cette maladie fait partie de nous, que l’accepter, c’est s’accepter soi-même, que la douleur n’est jamais plus discrète que quand on rit très fort et qu’elle n’est jamais plus faible que quand on décide de se lever, même si on a le dos en feu ou des douleurs dans les jambes.
Rester couché ne calme pas la douleur. Rester seul non plus. J’ai 21 ans, une maladie chronique qui ne guérira jamais, alors j’ai décidé de faire avec.
J’ai 21 ans et j’ai décidé que j’avais de la chance de ne pas avoir quelque chose de plus grave. J’ai 21 ans et j’ai décidé d’avoir mal ET de tout faire pour être heureuse.
Ceci est mon témoignage, ce n’est pas une leçon ou une recette de cuisine, mais ma façon de gérer ma maladie au quotidien.
Je sais que chaque malade est différent et gère comme il peut, et j’espère juste que cet article sera pris pour ce qu’il est : un message positif et encourageant.
À lire aussi : À 25 ans, j’ai affronté quatre cancers
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Les Commentaires
Je connais bien le sujet pour avoir un proche qui souffre d'une maladie rare et qui a enfin été diagnostiqué très tard, jusque là on lui disait que c'était dans sa tête , le grand classique des médecins qui ne connaissent pas ces maladies...
À noter que la fibromyalgie est parfois diagnostiquée à tort à la place d'autres syndromes moins connus, donc faites bien vos recherches sur vos symptômes...