Il y a des métiers de rêves et puis il y en a plein d’autres. Je ne vais pas vous mentir en vous disant que le jour où on m’a dit que j’étais prise pour mener des questionnaires de satisfaction dans le métro, j’ai sauté de joie. Non, je me suis dit simplement : Ok, j’ai au moins ça.
J’étais déjà diplômée et je sortais d’une expérience désastreuse qui m’avait dégoûtée à l’idée de travailler de nouveau.
Après deux mois de chômage, je me suis dit que le jour de reprendre le chemin de l’emploi était venu. Mais pour ça, je voulais le faire sans pression : pas dans ma filière, pas un contrat trop long… J’avais trop peur que ça recommence.
Un peu par hasard, je suis tombée sur une annonce disant qu’on cherchait plusieurs dizaines de personnes pour des postes d’enquêteur•rices. Des contrats précaires, à la semaines, à enchaîner pour une mission d’un mois et demi au total. Le plan me semblait parfait pour surmonter ma crainte de la vie active.
Le recrutement le plus expéditif de ma vie
J’ai postulé à beaucoup d’offres et passé une dizaine d’entretiens d’embauche au cours de ma vie. Mais je peux vous dire que celui-ci était plutôt unique. Quand on m’a dit au téléphone qu’il s’agissait d’un entretien collectif, je me la suis jouée chie-culotte : j’imaginais déjà devoir monter un projet de groupe en étant observée sur mes moindres faits et geste.
Le jour J, je me suis retrouvée entourée d’une vingtaine de personnes dans une grande salle de réunion. On nous a demandé un à un de nous présenter à l’oral (nom, âge, disponibilités), on nous a fait remplir un formulaire, fait la présentation du job… Et le manager nous a demandé de le rappeler le lendemain pour savoir si on était pris ou non. C’était bon pour moi.
Pour retourner travailler « normalement », il me fallait d’abord remettre le pied à l’étrier
Mon entourage n’a pas forcément compris. Mes parents et mes amis m’ont demandé pourquoi je ne restais pas au chômage pour chercher un emploi dans ma filière. Pour moi c’était clair : pour retourner travailler normalement, il fallait que je commence petit à petit, avec un emploi sans pression.
Les premiers jours : pourquoi j’ai fait cette connerie
Je me suis donc retrouvée à faire des enquêtes de satisfactions dans les transports parisiens. Nous étions organisé•es par équipes de cinq. Notre travail ? Demander aux gens qui passaient leur titre de transports, et s’ils fraudaient, la raison qui les poussait à ne pas payer. Toutes les heures, nous changions de station. Nous en faisions quatre le matin, quatre l’après midi, avec une heure de pause déjeuner.
Je précise que nous n’étions pas contrôleurs : pas question pour nous de donner des amendes. Pire, si nous en croisions, nous avions pour règle de leur demander d’aller dans une autre station afin de faire notre travail sans que leur présence perturbe l’enquête. Pour la fille qui prenait régulièrement les transports sans titres que j’étais, je trouvais ça surréaliste !
Toutes les heures, j’interrogeais jusqu’à 80 personnes. L’enquête était très courte : Entre une et cinq questions, une minute maximum. Au début, j’avais beaucoup de mal à l’idée de me faire snober, envoyer chier. Mais le pire restaient le froid et l’odeur. Dans les couloirs de métro, on se retrouve parfois en pleins courant d’air. En bref, avant même la fin de la première semaine j’étais sur le point de démissionner.
Et puis le vendredi de la première semaine, il y a eu un remaniement d’équipe. Je me suis retrouvée avec quatre nouveaux camarades…. Et ça a fait la différence !
Aimer un job super naze : c’est possible (à certaines conditions)
Petit à petit, j’étais de plus en plus habituée aux mauvaises conditions de travail. Avec mes collègues qui devenaient presque des ami•es, on se racontait nos vies, on refaisait le monde. On avait nos petites entourloupes pour gratter 5 minutes de pause par ci, par là, on restait groupé et on riait de nos ratés magistraux.
La solidarité au travail, ça rend n’importe quelle mission plus sympathique
Je me souviens de ce jour où on s’est retrouvé à commencer à 6h du matin, à l’autre bout de la banlieue. Il faisait nuit, les gens qu’on devait interroger nous envoyaient bouler à la chaîne. Un mec est passé et m’a mis une main au cul. J’ai explosé : pourquoi je m’infligeais ce travail ? Alors l’équipe est allée engueuler le type devant tout le monde, le mec est parti en se sentant con. J’ai compris : la solidarité au travail, ça rend n’importe quelle mission vachement plus sympathique.
(Presque) nous
Je me souviens surtout que ce travail m’a aidée à reprendre confiance en moi ! Et oui, ce n’est pas avec une petite voix frêle qu’on arrive à retenir l’attention de gens qui passent dans le métro. De même, il m’a permis d’aller à l’encontre de mes préjugés : des gens sympathiques — comme des con•nes, il y en a partout, quelque soit leur gueule ou leur look.
Pour la plupart, ce n’était qu’une étape, pour d’autres, c’était leur vrai boulot
Autour de moi, mes collègues prenaient pour la plupart ce travail comme un truc « en attendant ». Certain•es étaient étudiant•es, d’autres au chômage depuis longtemps. Mais d’autres enchaînaient les missions comme celle-là depuis des années.
Pour ma part, après un mois à faire des enquêtes, deux semaines avant la fin, j’ai été appelé pour un travail dans ma filière, à la télé. Il fallait commencer le plus tôt possible. J’ai alors lâché les enquêtes pour commencer la semaine suivante.
J’étais prête
Je me suis promis de ne plus jamais faire ce métier, car physiquement c’était très dur… Mais je me souviens également avoir passé de bons moments, découvert des gens magnifiques, être sortie de ma
zone de confort et d’avoir compris : le prestige d’un métier ne fait pas le moral s’élever.
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