En octobre dernier j’ai eu recours à une IVG médicamenteuse, première intervention de ce type pour moi, première hospitalisation, et pas des moindres.
L’IVG médicamenteuse est une technique qui consiste à avorter en prenant un médicament contenant de la mifépristone, qui va bloquer la progestérone et donc contracter l’utérus et expulser l’embryon.
Cette technique provoque donc des saignements qui peuvent ressembler à des règles abondantes.
En France, l’IVG médicamenteuse est possible jusqu’à la fin de la 5e semaine de grossesse, soit 7 semaines après le début des dernières règles.
Si l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse est pratiquée dans un établissement de santé, ce délai peut s’étendre à 7 semaines de grossesse, soit 9 semaines après le début des dernières règles. (source)
Quand j’ai découvert que j’étais enceinte
Quand j’ai découvert que j’étais enceinte, je n’ai même pas réfléchi à l’aboutissement de cette grossesse. Étudiante et plus du tout en bon terme avec le « papa », j’étais seule face à cette grossesse, et il était hors de question de le garder.
La période entre la suspicion de grossesse et le fameux test indiquant « enceinte 2-3 semaines » fut une période TRÈS TRÈS stressante pour moi.
Je passais mes nuits sur des forums et autres sites pseudo médicaux pour me rassurer alors que j’étais bel et bien enceinte.
Après ce fameux test, j’ai entamé les démarches pour avorter, et je me suis rendue compte de la chance d’habiter dans un pays où l’avortement n’est ni mortel ni puni par la loi.
En me renseignant, je suis évidemment tombée sur des publicités anti-IVG ou des médecins français ne la pratiquant plus, alors avant d’arriver à l’hôpital j’étais très angoissée…
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Angoissée à l’idée d’être la risée de l’hôpital et du service gynécologique.
Mais à vrai dire j’ai été surprise de la bienveillance du corps hospitalier qui m’a encadrée. Des mots rassurants, des explications précises sur ce qui allait se passer…
Malgré quelques remarques désobligeantes d’une infirmière, sûrement fatiguée ou manquant simplement de tact, j’ai eu relativement de la chance par rapport à d’autres filles pour qui l’avortement a été un moment de honte totale.
Mon avortement et ce qui en a découlé
Très rassurée, j’ai alors avorté. Même si ce fut douloureux physiquement, j’ai eu un sentiment de liberté les premiers jours voire les premières semaines qui ont suivi.
J’étais soulagée et fière de moi car j’avais vu l’avortement comme une réelle étape insurmontable.
Ce sentiment de liberté s’est très vite envolé à cause de plusieurs facteurs, notamment la remarque d’une « amie » peu après l’avortement :
« Imagine ce que ton père aurait dit. »
Sur un ton moqueur. Sachant que mon père était décédé quelques mois plus tôt.
Je n’ai pas su quoi répondre et aujourd’hui, je ne cesse d’entendre cette phrase dans ma tête.
Nos proches ne se rendent parfois pas compte de la portée de leurs phrases, et que ce n’est pas parce qu’on ne répond pas que ça ne nous touche pas, au contraire.
Comment bien accompagner une proche pendant ou après son IVG ?
Le plus important dans ce cas de figure est de proposer de la bienveillance : assurer notre proche de notre soutien quelle que soit la décision prise, demander à la personne concernée si elle a besoin d’aide et, si elle répond par l’affirmative, évoquer ensemble ce qui pourrait l’aider.
Quelques temps après je suis sortie avec un garçon, à qui j’ai mis du temps à parler de cet avortement. Il a été très compréhensif et rassurant ; aujourd’hui encore il est la seule personne à qui je me confie.
Mais cette nouvelle relation entraînait évidemment de nouveaux rapports intimes…
Juste après cette IVG, j’ai commencé à prendre une pilule contraceptive. C’est un moyen de contraception fiable, j’aurais dû lui faire confiance.
Cependant, à partir de cette interruption de grossesse et jusqu’à aujourd’hui, jour où j’écris ce papier, il n’y a pas un instant où je ne pense pas à être enceinte, avec cette phobie de devoir avorter à nouveau.
Ma phobie de tomber enceinte
J’ai dû parcourir tous les sites énonçant les symptômes d’une grossesse, je ne compte plus le nombre de tests de grossesse que j’ai pu faire au cours de ces derniers mois…
Je ne me sens pas autre chose qu’enceinte, alors que je ne le suis jamais, aucun de ces tests après mon avortement n’a été positif. Mes « symptômes »ne sont parfois dûs qu’à ma simple prise de contraceptif, ou au stress.
Ou simplement au fait que je suis une femme et que j’ai oublié ce qu’était « être une femme » sans être enceinte.
Mes nausées dues à une orgie alimentaire sont pour moi un net signe de grossesse… alors que pas du tout. Mes douleurs de règles, je les assimile à des douleurs de nidation.
La nidation, c’est le moment où l’embryon s’implante dans sa totalité dans la muqueuse de l’utérus.
Elle se déroule à partir du 7ème jour après la fécondation, soit au 21 ou 22ème jour après les dernières règles, et jusqu’au 10ème jour de la grossesse.
Ma douleur psychologique liée à l’avortement n’est pas apparue immédiatement mais je suis en plein dedans, 7 mois après.
Je ne pensais pas en souffrir étant donné que mon IVG était voulue et qu’à aucun moment je n’ai pensé à garder cet enfant !
Est-il normal de ressentir une douleur psychologique après une IVG ?
Il peut être tout à fait normal d’être émotive avant et/ou pendant et/ou après une IVG, et de traverser des émotions difficiles (de la tristesse, du chagrin, de la colère parfois).
Ce qui est particulier dans ce témoignage, c’est la durée de ces émotions.
Les résultats d’études en psychologie suggèrent que les femmes ayant eu recours à un avortement surmontent le plus souvent en quelques semaines les sentiments négatifs qu’elles peuvent ressentir à l’égard de cet IVG.
Ce qui ne signifie pas que toutes auront des sentiments négatifs : on peut tout à fait choisir d’avorter et ne pas expérimenter ces sentiments !
Les études ont tendance à montrer que le sentiment le plus courant après un avortement est le soulagement.
La madmoiZelle qui témoigne semble avoir vécu un traumatisme a posteriori et a peut-être développé une anxiété particulière liée à cet épisode.
Parler de mon avortement et de ma phobie d’être enceinte pour me libérer
Il y a un mois, je me suis décidée à voir une psychologue. C’était conseillé après un avortement, et je pensais ne pas en avoir besoin… mais aujourd’hui ma vie se résume à avoir peur de tomber enceinte encore une fois.
Rien qu’en parler me rassure, et même si je ne suis pas encore « guérie », j’apprends, et je déculpabilise également. Je me répète que je ne suis pas la seule à qui il arrive d’avorter, et que même si j’étais la seule, c’était mon choix.
Je n’espère pas être fière d’avoir avorté, mais j’espère réussir à l’accepter, réussir à passer à autre chose, à vivre ma vie comme une jeune adulte doit le faire, sans tests de grossesses répétitifs, ni pleurs, ni honte.
Alors si des femmes ont vécu un avortement ou s’apprêtent à le vivre, ne suivez pas mon exemple : parlez-en ! N’ayez pas honte, prenez le temps d’avoir un moment de repos avant de retourner à votre vie… Vous y avez droit.
Un avortement, ça peut être dur psychologiquement et physiquement, même quand c’est un choix conscient.
Est-il recommandé de se faire accompagner psychologiquement dans sa démarche d’IVG ?
Chaque femme et chaque situation est particulière.
Le conseil que je peux donner est de s’adapter à son ressenti : il n’est pas obligatoire d’être accompagnée par un ou une psy pour se préparer ou gérer l’après IVG.
En revanche, si l’IVG n’a pas été une décision facile, si les relations avec les soignants et soignantes ont été difficiles, si l’on ressent une anxiété particulière, ou encore si l’on s’est sentie particulièrement effrayée, vulnérable ou triste, une aide psychologique peut bien sûr être bénéfique.
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Les Commentaires
Aujourd'hui plus de pilule non plus mais préservatif et je l'inspecte après chaque rapport. Et sinon test si jamais j'ai des symptômes chelous. C'est pas le moment. Mais comme je disais, si ça arrivait maintenant, je le garderais car situation stable et on en veut un. Mais je préférerais attendre qu'on est déménagé plus que je sois stagerisée à mon taff.