L’adolescence est célèbre pour être une période de troubles et de questionnements.
Qui suis-je ? Où vais-je ? D’où viens-je ?
C’est cette dernière question, « d’où viens-je ? », qui a suscité chez moi le plus d’interrogations.
D’où viens-je ?
Mon enfance et mon adolescence de déménagements
Je suis née en Allemagne d’une mère française et d’un père allemand. Petite, j’ai vécu quelques années en France, puis en Allemagne.
Le rêve de mes parents a toujours été de voyager et de vivre à l’étranger. Mon père est un diplomate allemand et ma mère une traductrice (elle travaille de la maison et peut donc le suivre), ce qui rend leur rêve possible.
Quand j’étais plus jeune je ne me demandais pas d’où je venais, les gens décidaient pour moi : en France j’étais l’Allemande et en Allemagne, la Française.
Ça ne m’a jamais dérangé parce que j’aimais bien le fait d’être un peu différente, spéciale.
Très vite, mes parents m’ont scolarisée dans le système français, ce qui a pour conséquence aujourd’hui que je parle mieux français qu’allemand et que je n’ai quasiment que des amis français.
Il y a quelques années, lorsqu’on vivait en Allemagne, nos parents nous ont annoncé, à ma sœur et à moi, qu’on allait déménager en Asie.
En Malaisie pour être plus précise, un pays entre la Thaïlande et Singapour en Asie du Sud-Est qui n’est pas très connu à part pour l’avion de la Malaysia Airlines qui a disparu il y a quelques années.
Cela fait maintenant quatre ans que j’habite là-bas et je ne m’y sens pas chez moi. Ce qui est normal : je ne parle pas le bahassa, je vais à l’école française où il n’y a quasiment aucun malais, et je vis dans un quartier d’expatriés.
Ma vie en Malaisie
La Malaisie a été colonisée par différentes nations : le Portugal, les Pays-Bas et enfin l’Angleterre jusque dans les années 60, ce qui a malheureusement, à mon avis, un petit peu effacé la culture malaise.
De plus, il y a quatre populations différentes en Malaisie :
- les Malais (musulmans, ils représentent la grande majorité des habitants),
- les Malaisiens d’origine chinoise (boudhistes et taoïstes),
- les Malaisiens d’origine indienne (hindouistes),
- les Orang Asli (population minoritaire qui vit encore dans la jungle primaire de Bornéo).
La question de l’identité nationale est donc très complexe en Malaisie et il n’y a pas trop de culture commune entre les différents groupes à laquelle un étranger pourrait s’identifier.
Si j’adore le batik malaisien, les fêtes indiennes, les dim sums chinois et l’artisanat orang asli, je ne me sens pas Malaisienne, même si j’ai vécu un quart de ma vie ici.
Mon « chez-moi », où est-il ?
Quand j’habitais en France, je me sentais Allemande. En Allemagne, j’étais française. Mais là en Malaisie, impossible de le dire. Je me sens chez moi en Allemagne, chez ma grand-mère où je vais tous les ans en vacances.
Mais les gens allemands, surtout ceux de mon âge, je ne me trouve rien en commun avec eux. Je n’ai pas la même culture, les mêmes références…
Et en France c’est le contraire, je m’entends avec les jeunes Français de mon âge mais je ne me sens pas « chez moi » en France, n’y ayant pas de famille proche et m’y étant rendue la dernière fois il y a trois ans.
Mon père me dit que je suis un « Europakind », un enfant de l’Europe, et qu’avec la malchance de ne me sentir « chez moi » nulle part, je peux avoir la chance de me sentir « chez moi » partout.
Peut-être qu’il a raison, mais j’ai le sentiment profond qu’à mon âge, j’ai besoin d’avoir un chez moi, un endroit où je me sens bien et où je peux retrouver les gens que j’aime pour pouvoir me construire.
Je sais que certaines familles d’expatriés ont une maison, souvent en France, où ils reviennent tous les étés, pour donner un « chez soi » à leurs enfants.
Profiter de la chance que j’ai d’avoir voyagé
Je ne veux pas non plus me plaindre d’avoir découvert le vaste monde et d’avoir connu de nombreuses expériences, mais un vrai « chez moi » me manque.
J’ai beaucoup parlé de ce sentiment avec ma sœur (de deux ans mon ainée) et ma famille. Ma sœur ne le partage absolument pas.
Pour elle, Munich, la ville où on a habité en Allemagne et où je suis née, est son chez soi car elle y a gardé beaucoup d’amis.
Sa meilleure amie est également franco-allemande et elle parle mieux allemand que moi donc elle ne s’est jamais sentie comme « la Française ». En plus, elle ne ressent pas le besoin d’avoir un chez elle et apprécie quelque part ce côté nomade.
Quand j’étais plus jeune, j’en ai beaucoup voulu à mes parents de déménager car chaque changement était synonyme de peur. J’étais très très timide donc devoir se refaire des amis a toujours été dur.
À cette époque je disais que j’habiterai dans un endroit bien tranquille et que je ne bougerai jamais pour ne pas faire subir ça à mes enfants.
Maintenant, j’ai une vision différente car je me suis rendu compte à quel point ces déménagement m’ont permis de vivre des experiences incroyables et ont largement enrichi mon enfance.
Plus tard, j’aimerais bien pouvoir déménager et revivre en Asie si possible, c’est une des raisons pour lesquelles j’aimerais travailler dans l’humanitaire et les ONG.
J’espère qu’un jour je pourrais reprendre les mots d’Erasme et dire que je suis « une citoyenne du monde » et que je me suffit à moi-même comme maison, mais je crains que le chemin soit encore long.
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Les Commentaires
Au fils des années, je devais me résoudre à me dire que l'endroit où j'allais emménager, devait systématiquement devenir mon chez moi. Or, ce n'est pas forcément le cas ! Il y a des endroits que je détestais et d'autres, que j'adorais. Je pense que tout dépend de son propre ressenti et de sa capacité d'adaptation aux différentes cultures. On peut tout à fait avoir plusieurs "chez-moi" !
Par exemple, j'ai été très attachée émotionnellement au Canada alors que je n'y ai vécu que quelques mois mais je considère ce lieu comme un "chez-moi". A contrario, je suis née à Taiwan, (mon père est taïwanais et ma mère, française) mais je ne me sens absolument pas taïwanaise car je ne connais pas vraiment la culture ni la langue puisqu'à la maison, on ne parlait qu'anglais et français.
Je pense qu'il ne faut pas trop se prendre la tête, au fil des différents lieux où tu as vécu, tu sauras quels ont été les endroits que tu considères comme "chez-moi" car c'est en accumulant les expériences que tu pourras comparer et te dire "J'ai enfin trouvé le pays où je peux m'épanouir".