Salut vous ! Ça roule ?
Si cette expression ne s’utilise plus, faites style de rien… s’il vous plaît.
Comme chaque dimanche, Corps à coeur Coeur à corps
s’offre à vous, avec le témoignage de Nicolas qui se met à nu, avec l’envie de dépasser ses différents complexes.
Si tu n’as pas suivi, il s’agit d’une série de témoignages illustrés, mettant en avant des personnes qui ont décidé d’avoir un regard plus positif vis-à-vis de leurs complexes physiques.
Il ne s’agit pas de se sentir bien À TOUT PRIX (ça suffit les injonctions, oh !) ou de dire qu’il y a des complexes plus importants que d’autres, mais d’observer les chemins que prennent différentes personnes pour se sentir plus en paix avec elles-mêmes.
Tous les corps sont différents, ça te dit de les célébrer avec moi chaque semaine ?
Les illustrations sont faites par mes petites mains et à partir de photos envoyées en même temps que le texte. J’en reçois plusieurs et je choisis celle qui m’inspire le plus.
Donc, sans plus attendre, le témoignage de cette semaine.
Je viens de l’époque où l’apparence n’importait pas,
Je pouvais m’habiller tout en orange.
Je mangeais les gâteaux par paquets entiers.Ma première préoccupation avec mon corps est venue de mes cheveux. C’était la mode de la mèche façon Justin Bieber et mon père continuait à vouloir me raser la tête. À chaque fois la tondeuse était un supplice. Puis il a ensuite laissé une touffe de cheveux sur le devant plus ridicule qu’autre chose
Je ressentais profondément les regards et les remarques. Mais le problème fut en quelque sorte résolu lorsque j’ai pu aller chez un vrai coiffeur.
En CM2 ce gamin au visage parfait m’a fait remarquer ma moustache, mon duvet que je n’avais alors jamais vu. Sa remarque m’a mortifié. À la seconde d’après, je ne voyais plus qu’elle.
Sur le chemin du retour j’ai supplié ma mère de m’aider. Je voulais absolument cacher cette moustache laide.
Je n’avais rien pour raser, ni épiler. Ma mère m’a alors donné de l’eau oxygénée, pour décolorer les poils. J’y passais vingt minutes par jour, pour masquer cette différence aux autres.
Puis les poils ont continué à se répandre sur l’intégralité de mon corps. D’abord les jambes, les cuisses, sous les aisselles. Dans les vestiaires j’étais le seul ainsi. Puis sur le ventre et le torse, et les épaules, et le dos, et les fesses.
Je m’y attendais, c’est héréditaire, sans l’accepter je l’avais compris.
Pourtant mes poils à moi sont les plus épais, les plus noirs, les plus longs et les plus nombreux que j’ai jamais vus, ils poussent à une vitesse ahurissante.
Au début je pouvais encore me baigner avec les autres, en faisant attention de rester les bras serrés contre moi pour cacher mes poils sous les bras. En cinquième j’ai arrêté de porter des shorts au collège, et en seconde j’ai arrêté d’en porter partout ailleurs, notamment en vacances.
J’ai aussi arrêté de me baigner.
J’en ai voulu à mes parents et à moi-même pendant très longtemps pour mon corps qui m’a empêché d’avoir une adolescence décomplexée.
Mes parents n’ont jamais compris ces complexes et m’ont forcé à porter des shorts l’été, en me traitant de cas social, de taré. Pourtant je sentais le regard des gens. Même mes amis faisaient des remarques.
En quatrième je me suis levé un temps tous les matins très tôt pour me raser les avant-bras.
Sont apparus d’autres complexes. Mes cuisses épaisses de femme, mes deux doigts de pieds palmés et mon ongle d’orteil cassé, mon dos courbé, mon gros ventre et mon énorme cul.
Et enfin mon acné. Entre la quatrième et la terminale j’ai été couvert de boutons, plus que n’importe qui. Ils se perçaient sous mes doigts en plein cours et je devais tenir constamment un mouchoir contre mon visage. J’ai tout essayé pour les enlever et j’ai encore des cicatrices.
J’ai porté du maquillage tous les jours. Pour dissimuler mes kilos et ma laideur. J’ai arrêté de porter les vêtements que je voulais, trop voyants, colorés ou originaux pour ne pas me faire remarquer.
Bien sûr, cela a eu un impact sur ma confiance en moi et ma capacité à me faire des amis. J’ai interprété mon homosexualité comme de la jalousie envers les corps d’enfants parfaits des autres garçons, pour y cacher ma non-acceptation.
Cette détestation de mon corps m’a fait penser qu’aucun mec ne voudrait jamais de moi. C’est à cause de cette détestation que je me suis laissé aller au premier connard venu, qui a abusé de moi. Il me disait qu’il aimait mes longues jambes et j’ai tout laissé passer pour lui car je serais mort pour son attention.
Ma relation à mon corps est conflictuelle et double.
Un instant je vais me trouver beau, canon. Un visage parfait sur un corps fin et sec.
Puis subitement je ne vois que mes grosses joues qui entourent mon visage informe.
Mes énormes cuisses de meuf. Mes pieds, mon ventre, ma poitrine informe. Mes poils. Mes poils.
Puis j’ai développé une hyperphagie boulimique. Ce qui était de la boulimie normale à l’époque s’est opposée à des périodes de jeûne forcé pour mincir en opposition avec des phases de goinfrage incontrôlé de tout ce qui me passe sous la main, sans discerner la faim.
Le fait que ma famille proche n’ait pas voulu reconnaître ma maladie m’en a fait souffrir encore plus.
J’ai essayé d’améliorer les choses en faisant de la musculation. Vingt minutes par jour, des abdos et des pompes. Cela a donné quelques résultats. J’ai pu accepter un peu plus mon corps.
Si je ne peux pas me montrer dehors j’ai pu quand même coucher, et me déshabiller dans la pénombre d’une chambre, le corps préalablement soigneusement rasé. Mais alors ça n’était pas sain car je voyais ces garçons comme des trophées, gages de ma valeur et de ma beauté. Pourtant ces rapport m’ont permis d’accepter mon corps.
J’essaye de m’approprier mon corps en le fixant par l’image dans ces moments où je me sens beau. Je prends beaucoup de photos de moi-même, devant un miroir, plus ou moins dénudé, et les garde dans mon téléphone.
Ces photos que j’ai prises dans ces moments d’assurance, je n’en ai pas honte et je peux les partager tant j’aime l’image qu’elles renvoient de moi.
J’ai posté quelques-unes de ces photos, les plus belles, dans mes stories Snapchat et Instagram. J’ai surveillé le nombre de vues
Certaines de mes amies ont trouvé cela trop étrange ; à l’inverse, des personnes inattendues m’ont complimenté sur mon initiative. En me mettant en avant et en scène sur les réseaux sociaux d’une façon dont je ne suis pas capable dans la vraie vie, j’ai appris à accepter mon corps.
Je souffre toujours des corps parfaits d’Internet et des normes de beauté. Je redoute la plupart des jours mon miroir. Je m’épile pour moi, parce que je me sens plus à l’aise sans poils.
Je me trouve tantôt informe tantôt beau et ces impressions tendent à se rapprocher avec le temps.
J’espère seulement que ces impressions vont se rapprocher davantage et un jour, peut-être, se confondre.
J’ai également demandé à Nicolas de faire un retour sur cette expérience : témoigner et voir son corps illustré, ça fait quoi, qu’a-t-il ressenti ?
L’écriture du texte à été très pragmatique, j’ai essayé de décrire le plus fidèlement et efficacement possible mon rapport avec mon corps et ses causes et conséquences.
Le plus éprouvant a été de t’écrire à toi ensuite, pour l’introduire, en m’ouvrant à une inconnue, avec la peur du refus.
J’ai aussi demandé à Nicolas : est ce que tu as senti une évolution de ton regard ? J’aimerais également savoir ton ressenti vis-à-vis de l’illustration, est ce que tu t’y reconnais ? Est-ce que ça te fait voir ton corps autrement ?
Même si je savais déjà tout ce que j’ai écrit, je pense que le mettre à plat m’a aidé à encenser mon corps un peu plus.
Quand à l’illustration, ma première réaction a été la surprise de la beauté du dessin et de la brutalité de mon corps.
Puis très vite après je me suis marré parce qu’il y avait ma bite. J’ai pensé qu’avoir son pénis dessiné par une artiste et publié était un drôle d’accomplissement.
Ce détail de mon anatomie m’expose encore plus, car il est tabou. J’aime comment le dessin apporte une toute autre lecture du nu.
Je me suis d’abord trouvé très moche, et finalement j’adore cette image de moi. C’est très étrange parce que la photo est repoussante mais le dessin beau.
Comme je te le disais, j’ai essayé de prendre des photos les plus honnêtes possibles, elles ne me mettent pas en valeur. Ne reste que la partie de moi que je n’aime pas et grâce à ce dessin, je l’aime un peu plus.
Finalement, je voulais te remercier pour cette initiative remarquable, belle et nécessaire, en tant que lecteur et contributeur.
Merci.
À lire aussi : Pourquoi mes amitiés féminines sont précieuses, alors que je les ai longtemps rejetées
Toi, oui, toi qui as lu avec attention. Toi qui as envie de dire à ton corps que tu veux enterrer la hache de guerre. Que même s’il y a des jours avec et des jours sans, ça serait déjà un premier pas de partager ton expérience.
Bienvenue dans Corps à cœur Cœur à corps !
Concrètement, si tu veux participer, qu’est ce que je te demande ?
Le témoignage sera en 2 parties : un texte et une illustration.
- Le texte, c’est toi qui l’écris : tu m’expliques ton rapport à ce(s) complexe(s), pourquoi tu as envie de changer de regard dessus, comment tu t’y prends…
- Pour l’illustration, j’ai besoin de 5 photos de cette partie de ton corps et/ou de ton corps en entier.
Tu peux les prendre seul·e ou avec un·e proche; l’essentiel est que ça soit ton regard avant de devenir le mien. Ça peut être un exercice difficile, j’en ai conscience, donc je laisse le plus de liberté possible ! Mise en scène, spontanéité… c’est toi qui vois.
Je choisis la photo qui m’inspire le plus et j’en fais une illustration.
Envoie-moi ça à lea.castor[at]madmoizelle.com avec « Corps à cœur Cœur à corps » en objet du mail !
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