Publié le 18 février 2018 — Salut toi, (plus moi, plus tous ceux qui le veulent) ! Est ce que mes réfs sont vieilles et nulles ? Possible, mais là n’est pas le propos.
C’est dimanche et donc c’est le retour de Corps à cœur Cœur à corps qui t’emporte cette fois-ci dans une fable moustachue, pleine d’auto-dérision.
Si tu n’as pas suivi, il s’agit d’une série de témoignages illustrés, mettant en avant des personnes qui ont décidé d’avoir un regard plus positif vis-à-vis de leurs complexes physiques.
Il ne s’agit pas de se sentir bien À TOUT PRIX (ça suffit les injonctions, oh !) ou de dire qu’il y a des complexes plus importants que d’autres, mais d’observer les chemins que prennent différentes personnes pour se sentir plus en paix avec elles-mêmes.
Tous les corps sont différents, ça te dit de les célébrer avec moi chaque semaine ?
Les illustrations sont faites par mes petites mains et à partir de photos envoyées en même temps que le texte. J’en reçois plusieurs et je choisis celle qui m’inspire le plus.
Donc, sans plus attendre, le témoignage de cette semaine.
Elisa, 26 ans, nous parle de sa moustache :
Charlot, Flaubert, Magnum et moi.
Issue d’une famille aux origines méditerranéennes, je suis logiquement née blonde aux yeux gris/verts. Caractéristiques héritées de ma tante corse, seule blonde de la famille.
En dépit d’une belle peau dorée, ce soleil qui réchauffe mon sang m’a offert deux choses : un caractère difficile et une pilosité… abondante.
Je vis en parfaite harmonie avec la première (mes proches beaucoup moins). Mais pour la seconde… Une zone en particulier me fait la vie dure : la moustache.
Ce duvet a fait irruption au début du lycée soit un peu plus tard que pour mes homologues masculins.
Je n’y prêtais guère attention jusqu’à ce qu’un charmant garçon avec qui je partageais ma table de chimie colle son visage près du mien, regarde ma bouche et lâche un « Dis donc t’as de la moustache ! » audible par tous les élèves autour, le tout assaisonné d’un rire aussi gras qu’une tâche d’huile.
C’était parti. Une remarque stupide d’un adolescent en rut a suffi à faire naître un nouveau complexe.
Alors, j’ai commencé à la décolorer pour qu’elle se voit moins. Mais voilà, à partir de mes 18 ans mes cheveux ont foncé et mon duvet s’est, au fil des années, épaissi, devenant, malgré la décoloration, de plus en plus visible. Une épilation à la cire ou au fil était inenvisageable. Ayant une peau très sensible, aucune envie de voir des boutons remplacer mes poils.
Ça a commencé à devenir LE complexe lorsque j’ai débuté ma carrière professionnelle. Dans un milieu où la superficialité est maîtresse, le regard des personnes (hommes ET femmes) avec lesquelles je conversais, s’arrêtait sur cette partie de mon visage absolument impossible à cacher ! Venaient ensuite les fines blagues lancées « innocemment » sur les femmes à moustaches.
Une remarque de trop et je me suis retrouvée dans un centre d’épilation définitive, prête à en découdre pour de bon. Sauf qu’à cause d’un traitement médical que je prenais il était impossible d’intervenir avant de nombreux mois.
Je suis ressortie du centre, dépitée, la moustache dans les chaussettes, forcée de continuer à vivre avec ces trois pauvres poils qui me peinaient tant. Frustrée, je passais mon temps à regarder les moustaches de tout le monde ! Et là j’ai vu ! J’ai vu des femmes sublimes avec des moustaches semblables à la mienne qui l’assumaient pleinement ! Et j’ai pensé à tous ces hommes à moustache que j’adorais. J’ai toujours eu un faible pour les hommes à moustaches car en réalité… je leur envie ! C’est après tout une expression de la personnalité comme peuvent l’être les vêtements et les cheveux.
C’est là que ma fierté méditerranéenne a repris le dessus. « Pourquoi je n’aurais pas le droit d’avoir une belle moustache moi aussi ? Si ça ne convient pas aux autres, qu’ils aillent voir ailleurs et basta ! »
On pourrait dire que je ne l’assume pas totalement car je la décolore toujours. Mais si je ne le fais pas j’ai une moustache éparse d’adolescent de 15 ans et je n’aime pas du tout.
Aujourd’hui, je l’aime bien ma moustache. J’ai même pris l’habitude de la lisser du bout des doigts lorsque des pensées philosophiques m’habitent ou que je me demande si j’ai bien éteint le chauffage en partant ce matin.
Aujourd’hui, je l’arbore fièrement. Lorsque je m’apprête à sortir, je me regarde dans le miroir et brandis telle une seule femme mon tube de rouge à lèvres. Une fois posé, ce bouclier vermeil rehausse ma luisante toison révélant la guerrière en moi !
Fait intéressant, en langage familier, la moustache est surnommée « bacchante » à savoir une prêtresse païenne du Dieu Bacchus ou aussi « femme débauchée ». Et je dois avouer que ces définitions me rendent encore plus fière d’en avoir une !
C’est d’ailleurs la morale de cette fable moustachue. Des histoires, nous nous en racontons à longueur de journée sur notre corps et la vision qu’en ont les autres. Alors puisque nous décidons de celles que nous nous racontons, autant choisir celle qui nous fait du bien.
Ah et tu sais quoi Léa ?
Le garçon du cours de chimie, en fait de moi était épris !
Misstache
J’ai demandé à Élisa de me faire un retour sur cette expérience : témoigner et voir sa moustache illustrée, ça fait quoi ? Voici ses réponses.
- J’aimerais bien que tu me dises ce que ça t’a fait de participer à cette expérience. Tu veux bien me décrire comment tu l’as ressenti ?
Ton projet m’a forcé à réfléchir à ce que j’assumais aujourd’hui qui m’avait longtemps blessée. Il se trouve que la démarche d’acceptation de ma moustache est très récente. Je n’en avais jamais parlé à personne car c’était un tabou pour moi. Étant très fière je ne voulais pas que l’on sache que j’avais honte de cela. Le fait d’en parler m’a libérée. Non seulement j’assume ma moustache mais je suis prête à en parler, à en rire librement et c’est un pas gigantesque !
- Est ce que tu as senti une évolution de ton regard ?
L’évolution de mon regard suite à ce projet intervient principalement vis-à-vis du reste de mon corps. Je pense à ces autres complexes qui me gâchent encore la vie. Si je peux aujourd’hui parler de ma moustache et la porter fièrement, alors je peux le faire pour le reste.
- J’aimerais également savoir ton ressenti vis-à-vis de l’illustration, est ce que tu t’y reconnais ? Est ce que ça te fait voir ton corps autrement ?
Quand je vois ton dessin je réalise qu’après tout mon corps n’est qu’une matière qu’il convient de façonner, d’interpréter ou de laisser brute tout simplement. En voyant, ton œuvre la première réaction que j’ai eu est « Génial, on dirait She-Hulk ! ». Et pour cela je te remercie Léa. Je t’ai confié cet élément intime honteux et tu l’as plongé dans la lumière de ton art.
Comment participer à Corps à cœur Cœur à corps ?
Toi, oui, toi qui as lu avec attention. Toi qui as envie de dire à ton corps que tu veux enterrer la hache de guerre. Que même s’il y a des jours avec et des jours sans, ça serait déjà un premier pas de partager ton expérience.
Bienvenue dans Corps à cœur Cœur à corps !
Concrètement, si tu veux participer, qu’est ce que je te demande ?
Le témoignage sera en 2 parties : un texte et une illustration.
- Le texte, c’est toi qui l’écris : tu m’expliques ton rapport à ce(s) complexe(s), pourquoi tu as envie de changer de regard dessus, comment tu t’y prends…
- Pour l’illustration, j’ai besoin de 5 photos de cette partie de ton corps et/ou de ton corps en entier.
Tu peux les prendre seul·e ou avec un·e proche; l’essentiel est que ça soit ton regard avant de devenir le mien. Ça peut être un exercice difficile, j’en ai conscience, donc je laisse le plus de liberté possible ! Mise en scène, spontanéité… c’est toi qui vois.
Je choisis la photo qui m’inspire le plus et j’en fais une illustration.
Envoie-moi ça à lea.castor[at]madmoizelle.com avec « Corps à cœur Cœur à corps » en objet du mail !
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
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