Parfois, à force d’avoir le nez plongé dans un magazine qui prône le consentement et dans mon monde de personnes respectueuses, je me demande à quoi bon continuer à parler de cette notion.
Je me dis que tout a déjà été dit et surtout bien acquis. Mais il en faut parfois peu pour mettre un coup de pied à mes croyances.
Il peut s’agir du discours d’un inconnu qui pense que les meufs disent non en pensant oui. Ou d’une pote qui me raconte avoir été agressée sexuellement.
Ou encore de deux femmes témoignant dans une émission que j’écoute avec attention, Les pieds sur terre, diffusée sur France Culture.
À 14 ans, Anita et Margaux ont été agressées sexuellement. Elles ne voulaient pas vraiment avoir de rapport sexuel, mais en ont subi un.
Si ces histoires vous en rappellent de nombreuses autres, ça n’a rien d’étonnant : toutes les 9 minutes en France, une femme subit un viol (ou une tentative de viol).
Le lecteur, pour écouter cette émission
Anita et son agression : « Je pensais que c’était normal d’avoir mal »
Anita, la première jeune femme à témoigner dans le podcast, raconte ne pas avoir eu d’éducation sexuelle, ou très peu. Ses parents ne lui ont jamais parlé de ce sujet, ne serait-ce que pour aborder les premières règles ou la contraception.
En revanche, Anita raconte qu’à côté, le père de sa meilleure amie de l’époque tenait des sex shops et que c’est ainsi qu’elle a été exposée au porno à 9 ans.
« Je voyais pas que ça pouvait être beau, qu’il pouvait y avoir de l’amour, qu’une femme pouvait prendre du plaisir.
Je voyais ça comme quelque chose de macho, un peu animal où la femme était constamment rabaissée. C’était ça ma vision du sexe. »
À 14 ans, elle rencontre un mec qui traîne à un arrêt de bus. Il est plus vieux, beau gosse, alors quand il l’invite à un rendez-vous, elle dit oui.
Finalement, l’entrevue se finit dans une caravane un peu glauque. L’homme la pousse à une fellation.
« Moi je me suis reculée, je n’avais jamais fait ça et je n’en avais pas envie. Mais il a continué à me dire de faire un effort, il m’a tenu la tête, et du coup je l’ai sucé… C’était vraiment une expérience affreuse.
Mais en même temps, je me souviens m’être dit que ça devait être les préliminaires, que ça devait être normal. On commence comme ça. Sans doute. Je n’avais jamais rien fait. (…) »
Après ça, Anita raconte qu’il l’a pénètre sans ménagement. Elle a mal, mais elle suppose que c’est normal.
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Des années plus tard, elle en parle à des ami•es du lycées qui lui disent qu’il s’agit d’un viol.
Pour elle, ce n’était pas le cas, mais c’était violent.
« Aujourd’hui quand j’y repense, je me dis que ce n’était pas normal non plus. C’est peut-être ce que l’on appelle la zone grise. »
Aux yeux de la loi, c’est pourtant un viol.
Margaux, ou l’histoire d’un consentement bafoué
À quatorze ans, Margaux raconte qu’elle faisait du kayak. C’est dans ce cadre qu’elle a rencontré un entraîneur, aux allures de coach presque idéal.
« Il était capable de dire des choses assez ignobles sur les filles. Mais je l’admirais au point d’oublier ces choses immondes qu’il disait. »
Une nuit, alors qu’elle est partie en stage de kayak avec son club, elle se réveille et trouve l’entraîneur, un peu saoul, dans sa chambre. De manière désintéressée et affectueuse, elle l’aide à le coucher à côté d’elle, se disant naïvement qu’il est perdu.
Et puis ils commencent à se caresser…
« Il y a quelque chose qui montait en moi, du désir. Jusqu’à ce qu’il me dise de venir pour aller faire ça ailleurs. »
Margaux le suit aux toilettes, sans trop expliquer pourquoi. Et puis, elle panique, se dit que c’était trop glauque, trop bizarre.
L’adolescente décide alors de raccompagner le moniteur dans sa chambre pour en finir.
« Et là il me demande si je veux pas venir avec lui dans son lit. Je ne sais ni pourquoi, ni comment, mais j’ai dit oui.
Aujourd’hui encore, je n’arrive pas à me dire que j’avais envie de ça, ou que j’avais envie de le réconforter, j’en sais rien. (…)
Et ça a duré jusqu’au moment où il a tenté de me pénétrer et que ça n’a pas marché… Je pense que de toute façon, j’étais complètement bloquée. Je ne réagissais pas physiquement, j’étais figée. »
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L’entraîneur lui fait promettre ensuite de ne pas partager l’histoire… Mais elle se propage.
Finalement, les parents de Margaux la pousse à aller porter plainte, mais son agression n’est pas considérée comme un viol. L’entraîneur ne reçoit qu’un rappel de la loi.
La jeune fille se retrouve, elle, forcée de changer de club car de nombreuses personnes se montent contre elle, disant que tout est arrivé par sa faute. C’est la double peine des victimes d’agression sexuelle : se retrouver sur le banc des accusées.
Le consentement, une notion à enseigner à tout le monde
Ces deux histoire m’ont marquée parce qu’elles témoignent — en plus du fait que les agresseurs sont souvent peu ou pas punis — du besoin d’enseigner le consentement à tout le monde.
D’un côté, pour apprendre à écouter ses partenaires, savoir s’il ou elle a VRAIMENT envie de pratiquer le sexe de telle manière avec nous.
De l’autre, pour savoir s’exprimer sur ses désirs et surtout, sur ce que l’on ne souhaite absolument pas.
On entend parfois que le consentement est sexy, et c’est vrai. Mais le consentement est bien plus que ça, il est primordial.
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