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J’ai testé pour vous… la vie d’apprentie en cuisine

Apprentie en cuisine, c’est le métier assez méconnu qu’exerce cette madmoiZelle. Voici sa découverte d’un monde aussi impitoyable que passionnant, dans lequel tout le monde (ou presque) a la trichine dans le jambonneau.

Je suis venue vous parler d’un parcours un peu atypique, un peu trop méconnu, un peu trop sous-estimé, un parcours génial mais trèèès difficile… J’ai nommé l’apprentissage en cuisine !

Avant que l’un de mes amis ne parte en bac professionnel, je ne savais même pas que l’apprentissage existait, et je ne pensais absolument pas travailler en cuisine. Quand j’ai dû décider d’une filière après le collège, je n’étais pas du tout intéressée par les bacs professionnels, que je voyais comme une solution de repli pour les gens qui avaient du mal avec les cours.

Étant une « intello », j’ai vite été parquée en filière générale : le doute n’était même pas permis. Douée pour la palabre et détestant l’injustice, je me voyais déjà avocate ou juge, défendant la veuve et l’orphelin.

J’ai donc fait une première générale, en section ES. Mais à la fin de cette année, je suis tombée gravement malade. À la suite de ça, je me suis dit que décidément, la vie était bien trop courte pour passer dix ans à faire des études, et galérer ensuite pour trouver un emploi qu’on flippe de perdre au final…

La gastronomie m’avait toujours passionnée, j’ai toujours aimé bien manger. Pour moi, manger bien et ce que je veux, c’est LA définition de la liberté. Je ne suis jamais aussi heureuse que quand je découvre un nouveau resto, un nouveau plat, une nouvelle pâtisserie…

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De plus, l’hôtellerie-restauration est une branche extrêmement dynamique ! Un emploi à la sortie est quasiment une garantie. Alors pourquoi s’en priver ? J’aurais la possibilité de trouver du travail n’importe où, n’importe quand. Et c’était ce à quoi j’aspirais : voyager, bosser, découvrir un monde nouveau.

Pour ce faire, j’ai choisi de passer par une formation d’apprentissage en alternance, un tremplin de choix pour évoluer vite et bien.

La formation

Aujourd’hui je suis donc (pour ma plus grande douleur joie) apprentie en cuisine, en deuxième année de bac professionnel hôtellerie-restauration. Comme j’ai (quand même) eu mon bac général ES, j’ai sauté la seconde, soit la première année (comment ça, c’est compliqué ?).

Rétrospectivement, je me demande si ce n’était pas une erreur… Car il faut bien le dire, la cuisine c’est pas du gâteau (pardon) ! Il y a plusieurs types de formations : cela peut être un CAP ou un bac pro. Ils se font en alternance dans un Centre de Formation pour Apprentis, ou sous forme de stages dans un lycée professionnel. On peut y accéder directement après la troisième.

Mais il y a aussi des formules pour les adultes en reconversion professionnelle, ou pour les gens comme moi qui changent de direction.

Si j’avais voulu faire les choses plus facilement et plus vite, j’avais la possibilité de faire une remise à niveau d’un an dans une école hôtelière. Mais ce qui m’intéressait, c’était de découvrir l’univers de la cuisine de l’intérieur, sur le terrain. À la dure. Je suis comme ça, moi.

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Je suis donc partie dans un CFA, pour une formation en alternance à raison d’une semaine sur deux en entreprise — sauf pendant les vacances scolaires, où nous ne sommes qu’en entreprise.

Mais il faut savoir qu’en cuisine, les vacances sont un concept qui nous laisse rêveurs (et amers, un peu). Dans ma classe, il y a un gars qui attend toujours qu’on lui donne ses trois semaines de vacances de l’année dernière. Et oubliez tout de suite les deux mois de vacances qui permettraient de récupérer et de voir le soleil : l’été, c’est la guerre en restauration. LA GUERRE !

Ce sera le même rythme jusqu’aux épreuves du bac et le fameux diplôme. Il faudra passer :

  • une épreuve pratique en cuisine
  • des épreuves de technologie culinaire (connaître les produits, les techniques et préparations de base…)
  • une épreuve de gestion
  • une épreuve de sciences appliquées (tout ce qui est normes d’hygiènes)
  • une épreuve de « protection, santé et environnement »
  • une épreuve d’art appliqué
  • toutes les matières générales, comme au bac général mais en moins poussé.

C’est grâce à ces dernières que j’ai sauté la première année de bac pro !

L’ambiance en cuisine : la découverte

Pour faire un apprentissage, il faut trouver une entreprise qui accepte de signer le contrat et de nous embaucher en alternance. Il y a beaucoup de demande : c’est un milieu qui embauche pas mal, et avec la crise, les apprentis sont de la main-d’oeuvre peu coûteuse.

Des étoiles pleins les yeux, j’ai littéralement harcelé un restaurant auréolé d’un macaron au Guide Michelin pour qu’il me fasse l’honneur de me prendre comme apprentie. Les gens dans le milieu de la restauration me disaient « Mais ne fais pas ça grande malade, les étoilés c’est des psychopathes, il vont te casser ! », et d’autres, du genre à toujours avoir un avis sur tout, ne me rassuraient pas plus sur l’apprentissage : « Tu sais l’apprentissage c’est bien, à condition de tomber sur un patron qui ne prend pas les apprentis pour des esclaves ».

Bref, je suis passée outre et j’ai foncé. J’ai été retenue pour être l’apprentie d’un chef étoilé.

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Quand j’ai commencé mon apprentissage, j’étais un peu « la nana qui croit que la vie c’est Top Chef 

». Et bien je peux aujourd’hui affirmer que Maïté, Raymond Olivier, Top Chef et compagnie, c’est des salades !

J’ai souvent remarqué que les chefs se font une image toute rose de leur cuisine, souvent bien loin de la réalité. En cuisine, jusqu’au moment où tu es chef-patron de restaurant sans personne au dessus de toi, tu te fais enguirlander comme du poisson pourri.

Avant ce moment où tu deviens chef, tu supportes en te promettant que jamais, « jamais, tu m’entends ! », tu ne te permettras de traiter quelqu’un comme on t’a traité-e. Tous les anciens apprentis se sont dit ça, j’en suis sûre (et j’ai foi en l’humanité).

Mais quand tu as investi ta vie, ta santé, et tes économies dans le rêve de ta vie qu’est un restaurant, il n’y a plus d’humanité qui compte. Le client est roi : c’est lui qui paye tes investissements, tes prêts, tes employés, et ton petit apprenti insignifiant, celui qui fait ta plonge et épluche tes légumes en courbant l’échine devant la fureur du chef.

J’ai fini par quitter l’étoilé, à bout. Marre de travailler pour des haricots (laissez-moi, toutes ces expressions alimentaires sont bougrement tentantes). On ne me payait que trente-cinq heures par semaine alors que j’en faisais le double, et j’avais beau être dans un étoilé Michelin, on nous faisait manger des surgelés de mauvaise qualité à tous les repas ! Et surtout, toute l’équipe me traitait comme une moins que rien…

Quand j’avais été prise, ils m’avaient accueillie d’un « Ici c’est un peu une famille, on est ravis d’embaucher une femme pour apporter une touche de fraîcheur dans l’équipe !», mais tout le monde se moquait dans mon dos de mes erreurs et des choses que je ne savais pas — cela semble pourtant normal d’ignorer beaucoup de choses quand on débute. J’ai bien essayé de leur claquer le beignet, rien à faire. Il y avait en plus une ambiance guindée, typique des étoilés, dont je ne me sentais pas proche.

Le travail d’apprenti

J’ai donc rétropédalé dans un restaurant traditionnel où je travaille toujours aujourd’hui. Je me fais toujours traiter comme du merlan faisandé, mais seulement quand je fais vraiment des bêtises. Je suis payée pour les heures supplémentaires, et j’apprends la cuisine, pas seulement à faire un trait de poudre de paprika sur une assiette en deux secondes top chrono.

Le travail d’apprentie varie énormément selon les entreprises : tu es plus ou moins l’esclave de service. Dans ma classe, il y a une fille qui a passé deux mois à faire le ménage du restaurant avant de rompre le contrat… Heureusement, il y en a d’autres qui sont bien intégrés, et qui font réellement de la cuisine.

C’est le côté pervers de cette formule d’alternance, si idéale sur le papier mais qui mériterait d’être peaufinée. Un apprenti, c’est tellement moins cher que du personnel qualifié, mais fatalement moins… qualifié. Et qui dit moins qualifié dit erreurs, et donc stress et réprimandes.

Dans ma première entreprise je faisais essentiellement de l’épluchage, du taillage de légumes et du dressage d’assiettes durant le service, ainsi que quelques appareils (notre mot pour dire « pâtes ») à pâtisserie. Actuellement, j’ai plus de responsabilités : je fais quelques cuissons de plats, des crèmes, toujours de l’épluchage, je désosse des viandes ou filète des poissons (mon activité favorite).

La passion au quotidien

Ma première expérience d’apprentie a beau avoir été difficile, je ne regrette rien. D’abord parce que j’en ai appris plus sur moi en six mois d’apprentissage en cuisine qu’en trois ans de bac général. On atteint le paroxysme du dépassement de soi.

En cuisine il faut tout voir, tout retenir, tout entendre, pendant neuf heures par jour (minimum). Mais ensuite, lorsque le chef te fait l’honneur de te faire goûter ses préparations, tu exultes, ça te titille les papilles et ça rend la vie tellement belle d’un coup !

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Il y a aussi ces cours au CFA où les formateurs décident tout à coup de goûter des fromages à 10h du matin, ou de renifler des herbes aromatiques à l’aveugle. Il y a enfin tous ces moments où tu te régales à parler avec des gens de bouffe pendant des heures avec des questions aussi vitales que « Quelle cuisson pour telle pièce de boeuf ? ».

Et l’ambiance en cuisine ! Elle est bien différente dans le restaurant où je travaille maintenant. Il y a toutes ces blagues bien graveleuses, celles qu’on sort pour évacuer la pression. Elles sont souvent sexistes, mais le machisme ne va jamais plus loin.

Au début, j’ai dû me battre contre certains stéréotypes : j’étais la seule fille dans ma première entreprise, et je le suis toujours dans l’actuelle. Ils ne voulaient pas que j’entende leurs blagues graveleuses parce que, disaient-il avec condescendance, ça ne se fait « pas devant une fille »… Mais maintenant nous partageons allègrement tout plein de rires gras, et la vie est belle.

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Une chose est sûre : en cuisine on ne s’ennuie pas, même en tant que petite apprentie en bas de l’échelle.

Et après ?

Plus tard, j’aimerais me spécialiser dans différents domaines de l’hôtellerie-restauration, pour vivre plein d’expériences. Je voudrais notamment m’essayer à la pâtisserie, l’œnologie, le service…

De toute façon, il est fortement conseillé de faire une spécialisation après le bac pro : elle peut se faire dans un CFA, dans un lycée hôtelier ou encore dans une école.

Je dois dire que je ne me vois pas être en cuisine toute ma vie : il faut être extrêmement disponible, réactif et actif. J’aimerais beaucoup être journaliste culinaire, même si c’est plus difficile. Au « pire », je travaillerai à l’étranger pour m’assurer un revenu : je voyagerai pour découvrir le plus de choses possibles et pour écrire sur ce que je vois !

Pour conclure, je pense qu’il faut être conscient des difficultés de cette formation et du travail en cuisine. Je suis la seule de ma classe à qui on paye les heures supplémentaires, alors qu’il y a beaucoup d’élèves mineurs… Les entreprises ne respectent pas souvent la réglementation, et les horaires sont souvent extrêmes. Il y a beaucoup d’abandons.

On est soumis à énormément de pression, et les cuisiniers ne sont pas toujours très pédagogues. Mais on peut facilement changer d’entreprise quand on a de gros problèmes, et c’est un travail qui ouvre tellement de possibilités ! Alors les madZ, si vous êtes passionnées par la cuisine (et un peu folles), lancez-vous !

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Les Commentaires

15
Avatar de TineFa
8 avril 2014 à 02h04
TineFa
D'ailleurs, question que je me pose bien trop souvent : pourquoi "dans la société" c'est "les filles dans la cuisine", mais alors dès qu'on grimpe les échelons et qu'on brigue un poste de Chef "ah non, c'est un métier d'homme ça madame"... 
kikou! mon beau-père est chef cuisinier et c'est ce que je lui demandais, il m'a répondu que la cuisine en restauration est un métier militaire à la base (notamment dans son vocabulaire "chef" "brigade" etc) et que c'est donc pour cela que c'est considéré comme un métier d'"homme". voilivoilou si ça t'éclaire
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