On n’arrête plus le progrès. Après s’être entiché de la fracture sociale, la téléréalité s’attaque maintenant à la politique. Puisque sur le petit écran comme chez nos élus, « tout est une question d’image », ça fait sens, non ? C’est apparemment ce que pense Marc-Olivier Fogiel, producteur de cette émission à venir.
Le concept de l’émission
Adaptée de l’émission Canada’s Next Great Prime Minister, cette téléréalité mettra en scène des jeunes talents « prêts à prouver qu’ils sont les personnalités politiques de demain », commente TéléObs.
Le jury d’ « experts » (des journalistes politiques, en fait) sera chargé de désigner le candidat le plus crédible. Celui-là gagne alors le droit de remettre un « livre blanc » contenant ses idées et propositions aux candidats à la présidentielle.
Si on ignore encore le nom de l’émission, on sait d’ores et déjà qu’elle sera présentée par Thierry Dugeon, sur France 4.
Téléréalité et politique
Le concept d’un tel programme n’est pas sans rappeler
Politique à domicile, une émission lancée sur Dailymotion en 2009. Le concept ? Un politique va dîner dans une famille, préparant même le repas avec ses hôtes, tel un invité modèle. Au cours de la soirée, entièrement filmée par les caméras, on discute de l’actualité du moment. À l’époque, le député européen Vincent Peillon avait été le premier à participer à l’émission.
Remontons en 2003. TF1 annonçait la naissance de 36 heures (qui n’aura finalement jamais vu le jour), une émission consistant à immerger un responsable politique dans un foyer français. But : le faire vivre « dans la vraie vie ». Dans la même veine, deux émissions ont finalement vu le jour : ainsi, La Chaîne Parlementaire-Assemblée Nationale (LCP-AN) a sorti J’aimerais vous y voir, un programme dans lequel un élu est invité à partager durant deux jours le quotidien d’un de ses administrés. L’occasion pour les téléspectateurs de découvrir Nicolas Dupont-Aignan en instituteur ou encore Yves Cochet en restaurateur.
Point de vue
Pas sûr que ce genre d’émissions profite au sursaut démocratique, puisqu’il y a fort à parier que le public papotera plus « ragots sur les candidats » que « programme politique ». Pire : ce genre d’émissions risque même d’alimenter le fossé entre société civile et technocrates – puisque si elle offre effectivement l’illusion que la personnalité politique de demain ne sort pas forcément de l’ENA, elle rappelle en revanche qu’un parcours hors-ENA est un parcours hors norme. Et que ce parcours a besoin de la télé pour être sublimé.
Alors, la souveraineté du peuple est-elle vouée à être éternellement soumise à la loi des médias ? En alliant téléréalité (= l’opium du peuple) et politique (= le peuple), Fogiel pose ici une équation à 2 inconnues. À suivre.
Les Commentaires