Ce soir, France 4 lance une nouvelle émission, Seuls à la maison.
Le principe ? Huit enfants âgé•es de 8 à 12 ans sont laissé•es seul•es, en autonomie dans une maison pendant quatre jours. Les parents se trouvent dans une maison parallèle où ils peuvent regarder (et commenter) le comportement de leurs enfants… Et se rendre compte des conséquences de leur éducation !
L’émission fait polémique : les enfants ont-ils leur place dans la télé-réalité ?
« Non » peut sembler dans un premier temps une réponse évidente… mais tout comme la vie en général, tout n’est pas noir ou blanc. Il y a surtout toute une palette de gris pouvant amener à la conclusion suivante : et après tout, pourquoi pas ?
Télé-réalité ne rime pas (forcément) avec absence de qualité
La télé-réalité est un genre souvent décrié pour être celui du néant intellectuel. Il suffit de voir les noms qui sortent quand on parle du genre : Loft Story, Les Ch’tis à Miami ou L’Incroyable famille Kardashian. Ouais, ça ne vole pas haut.
J’encourage les chaînes à nous étonner via des émissions intelligentes, à proposer de nouvelles choses.
Mais ce n’est pas parce que les télé-réalités les plus célèbres sont mauvaises que le format entier est à jeter. Au contraire, j’encourage les chaînes à nous étonner via des émissions intelligentes. Ce genre est à voir comme une ouverture vers de nouvelles possibilités ! À l’image du documentaire, l’intéressant se trouve parfois dans le réel.
France 4 nous a déjà prouvé qu’il est possible de faire les choses bien. Je pense notamment au programme Permis de conduire qui suit des jeunes conducteurs•trices sur leurs parcours quotidiens. Il permet de faire un rappel sur les erreurs de conduite et la sécurité routière.
Seuls à la maison, je vois ça comme l’anti-Loft Story : les enfants sont encadré•es, mais ils/elles ne sont pas starifié•es. Et surtout, l’émission se veut pédagogique pour les enfants mais aussi leurs parents !
L’autonomie des enfants, une utopie réaliste
Petite, je me souviens que lorsque l’on me demandait mon rêve, je répondais que je voulais être adulte. Je trouvais ça profondément injuste d’être traitée comme une enfant, c’est-à-dire selon ma perception de l’époque comme un être inférieur.
Il ne s’agit bien entendu pas de les abandonner mais de leur laisser une chance si ils/elles le demandent.
Je suis persuadée que l’extrême majorité des enfants ne demande qu’à grandir. Il suffit de voir à quel point les jeunes cherchent toujours à imiter les plus âgé•es. Les aider à gagner en autonomie leur permet de prendre confiance en eux et soulage celles et ceux qui s’en occupent. C’est gagnant-gagnant.
Il ne s’agit pas de les abandonner mais de leur laisser une chance si ils/elles le demandent.
Cela veut dire de ne pas leur interdire des choses à cause de croyances limitantes (« Il/Elle est trop jeune pour cuisiner seul•e ») ou par peur (« Il/Elle risque de se brûler »).
Qu’on ait douze ou trente ans, le risque de se blesser en tenant un couteau existe toujours ! C’est pourquoi il faut apprendre à le manier et non à le fuir.
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Le but de cette émission est justement de prouver ces éléments et d’encourager les parents à évoluer !
Ces huit enfants vivent quatre jours sans l’intervention d’adultes. Pourtant, ils réussissent à se faire à manger, à faire le ménage… mais aussi à réguler des tensions de groupes, comme lorsqu’ils décident de faire une réunion de crise.
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Les jeunes ne sont pas pour autant abandonné•es : ils/elles savent qu’en cas de gros souci, leurs parents et l’équipe de production sont là.
Les enfants célèbres, le phénomène qui effraie
Comme à chaque fois que des bambins sont mis sous le feu des projecteurs, de nombreuses personnes s’insurgent contre la starification des enfants.
Cela peut ici prendre une tournure assez étrange de se dire qu’ils/elles pourraient devenir connu•es juste pour être passé•es à la télé. Sans prouver donc ni talent, ni habilité particulière.
C’est à eux d’estimer avant l’exposition si leur enfant aura les épaules pour gérer les commentaires et avis négatifs.
Les deux principales peurs sont que les jeunes prennent la grosse tête ou qu’ils/elles soient anéanti•es par des commentaires négatifs. Dans les deux cas, la main est aux parents et adultes qui entourent la mini-star.
C’est à eux d’estimer avant l’exposition si leur enfant aura les épaules pour gérer les commentaires et avis négatifs. C’est également à eux de leur apprendre à prendre du recul.
Nous ne sommes pas les parents de ces enfants !
D’ailleurs, je ne pense pas que cette émission va les rendre célèbres. Il est certain qu’ils connaîtront une popularité ponctuelle… mais dans quelques semaines — mois tout au plus, s’ils ne repassent pas à la télé dans d’autres émissions, nul doute que leurs vies reprendront leur cours comme n’importe quel jeune de leur âge.
Les enfants à la télé… et la limite du concept
Ce n’est pas la première fois que l’on voit des jeunes participer à une émission de télé-réalité. Je repense au Pensionnat de Chavagne où, en 2004, une vingtaine d’adolescent•es âgé•es de quatorze à seize ans vivaient pendant un mois selon l’éducation des années 60. Si on ne peut pas dire que le programme était intellectuel, il avait au moins attiré la sympathie du public !
Aux États-Unis, une expérience similaire à Seuls à la maison avait été lancée en 2007. Quarante enfants de huit à quatorze ans devaient recréer en toute autonomie une société entière. Le programme avait alors soulevé de nombreuses polémiques : certain•es ont tué un poulet, d’autres ont bu du chlore par accident, sans parler du système de classes sociales mis en place qui créait de grosses tensions.
Preuve que les enfants se doivent d’être accompagné•es pour que leur apprentissage de l’autonomie ne se transforme pas en expérience traumatisante…
Je suis pour Seuls à la maison car cette émission me semble construite pour ne heurter personne. Elle est intéressante sur le concept. Il n’est pas question de créer des clashs gratuitement ou de faire le buzz sans raison.
Non, il est juste question de pousser à voir autrement les choses. Et après tout, pourquoi pas ?
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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