Le jeudi 7 mars, un conseiller de la ville de Paris, candidat à l’investiture UMP, émettait une idée lumineuse, destinée à protéger les parisiennes de « différentes formes d’insécurité, de préjugés et de commentaires sexistes » : la mise en place de taxis roses, réservés aux femmes et conduits par des femmes. Vous avez bien lu, roses.
Oui, le slut-shaming, les agressions verbales et physiques, les viols, les remarques sexistes
– grasses ou subtiles – sont récurrentes. Oui, face à ce phénomène, il faut nous battre pour réapprendre à vivre ensemble, mais avec les hommes et non en les excluant totalement de nos revendications. Car si nous y réfléchissons ne serait-ce que cinq minutes, ce projet revient tout simplement à affirmer que la cause féminine ne concerne que les femmes, et ne peut être servie que par elles.
Ainsi donc, une femme se résume à représenter une proie, et un homme à être un traqueur en devenir? Ainsi donc, moi, Parisienne de seize ans, dois en arriver à me cacher pour me protéger ?
Cette heureuse proposition aurait pu en rester à une simple séparation des sexes, mais il fallait qu’elle pousse le stéréotype à son stade le plus avancé : ces taxis seraient donc roses.
Comment ? Serions-nous donc revenus à ce stade primaire de l’assimilation du sexe au genre ? À cette inquiétante façon de penser selon laquelle les femmes devraient pour s’affirmer socialement apprécier le rose, Le Journal de Bridget Jones et soupirer de satisfaction en regardant leur salon propre et leur plat au four ? La plus grande liberté des femmes est celle de choisir qui elles veulent être, et au même titre que chaque femme a totalement le choix de se reconnaître dans la description précédente, combien d’entre nous ne se reconnaîtront pas dans ce dégoulinement écœurant de rose bonbon ?
Inutile de mentionner le véritable casse-tête qui suivrait l’invasion de nos pavés par ce « flot de taxis pour les Parisiennes, par des Parisiennes » : utilisatrices transgenres ? Transsexuelles ? Qui est femme ? Qui est homme ? Se baser sur le sexe ? Le genre revendiqué ?
En Angleterre, le service Pink Ladies propose déjà des taxis roses réservés aux femmes.
N’oublions pas que les 17 137 taxis parisiens restent sous la responsabilité du préfet de police, et que « Pour exercer leur profession, les chauffeurs de taxi doivent d’abord passer un examen pour obtenir une carte professionnelle, puis se soumettre régulièrement à une visite médicale ainsi qu’à un contrôle technique de leur véhicule ». Malheureusement : « Le délai de traitement d’une réclamation varie en fonction des paramètres suivants : identification du conducteur ; enquête complémentaire ; recueil d’éventuels éléments judiciaires ; procédure de convocation et de réunion de la commission de discipline des conducteurs de taxis parisiens » Il nous faut donc compter environ six longs mois.
Améliorer ce système existant ne semblerait-il pas plus judicieux que mettre en place un sombre système ségrégationniste ? Ce beau système de Pierre-Yves Bournazel, pourtant de bonne volonté, selon lequel les femmes, recluses entre elles par « sécurité » rentreraient dans un moule aussi régressif que stéréotypé ? Et puis quoi encore !
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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