L’autre jour, en me baladant sur l’Internet, je me suis retrouvée sur un webzine féminin (que je ne citerai pas) qui titrait, en très grand : Les tendances tatouages de l’été 2015. Ah. Bon. Je vous avoue que sur le coup je n’ai pas trop compris… Certaines personnes considèrent donc que les tatouages sont des accessoires de mode, au même titre que des boucles d’oreilles ou des colliers ?
Il y a quand même une sacrée différence… Mais je n’étais pas au bout de mes surprise, puisqu’en préparant cet article, j’ai pu voir que des recherches Google comme « tatouage accessoire de mode » ou « tendance tatouage 2015 » sont très courantes, et beaucoup de médias, féminins ou non, relaient cette info comme s’il s’agissait de chaussures ou de sacs à mains.
Sauf que ces derniers, on peut en changer quand on veut… un dessin encré dans la peau, c’est plus difficile, non ?
Scoop ! Les tatouages ne sont pas des sacs à main
Il y a quand même une petite différence entre un tattoo et une paire d’escarpins. L’un des deux est gravé sur la peau à vie, par exemple…
Si j’insiste sur cette comparaison, c’est bien parce que le mot « tendance » sous-entend qu’on occulte complètement l’idée de pérennité du tatouage.
C’est donc, pour moi, complètement absurde de parler de cette pratique comme du « nouveau truc à la mode », et que les codes de la mode s’y appliquent en conséquence. Comme si, une fois tout ça « démodé », les gens allaient se poncer la peau pour s’enlever cet « accessoire » !
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Certes, le tatouage s’est beaucoup désacralisé ces dernières années (je reviendrai sur ce point un peu plus tard), mais ce n’est pas non plus une bonne chose de considérer ça comme un vulgaire bijou que l’on peut enlever et remettre à sa guise. Le principe d’un tattoo, à part ceux que l’on trouve dans les Malabars bi-goûts, c’est qu’il reste à vie. C’est pourquoi ça doit être quelque chose soit de plutôt réfléchi, dont on ne va pas se lasser en deux mois.
Je ne vais pas le cacher : personnellement, je préfère réfléchir à mes tatouages, les faire pour une raison particulière, et me laisser plusieurs mois de latence entre le moment où j’imagine le motif et celui où je vais passer sous les aiguilles.
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Bien sûr, aucun jugement envers les personnes qui y passent par pur désir d’esthétisme ! J’estime, pour avoir beaucoup d’ami•e•s tatoué•e•s et pour m’intéresser à cette culture, que même lorsque l’on décide de se faire encrer « juste » parce que le motif nous plaît et que l’on en a envie, on n’oublie pas que c’est à vie. Il existe, certes, des technologies assez agressives permettant de retirer un tatouage… mais pourquoi passer à l’acte si c’est pour dépenser des mille et des cents afin de retrouver sa peau originelle, quelques années après ?
Tout ça pour dire qu’il est foutrement dommage de la part de ces médias de ne pas prendre en compte ne serait-ce qu’une seconde le côté définitif du tatouage, surtout s’il est gros. De comprendre que c’est une culture avant d’être une mode. Et que, tout simplement, le principe de « tendance » n’a pas sa place dans quelque chose qui est, de base, ancré à jamais…
Parce que si c’est ça, je crois que les oiseaux, c’est plus trop à la mode de nos jours, non ? Zut, mon bras et moi on a l’air con, du coup !
Se faire tatouer est un acte purement personnel
Arrêtez-moi si je me trompe, mais j’ai toujours eu l’impression que quand une personne se faisait tatouer c’est surtout pour elle-même. Que l’on s’encre un motif qui nous tient à coeur dans la peau ou que l’on décide de passer à l’acte pour montrer aux autres un bout de notre personnalité et de notre goût, tout cela reste un acte intime.
Le ranger dans la case « tendance », c’est aussi occulter le fait que cette pratique doit rester un choix personnel, qui ne doit pas être dicté par des modes ou influences.
Ryan, t’es pas à la mode, on préfère les manchettes en 2015. C’est FOU de pas être « in » comme ça…
Pour beaucoup de personnes, le tatouage est un échappatoire, une façon de s’exprimer, de muer une douleur psychologique en un moment de douleur physique qui aura pour résultat un dessin, un lettrage. Associer le tattoo à une mode, en sous-entendant donc qu’un jour tout cela sera « has-been », c’est un peu cracher sur les valeurs véhiculées par cette pratique !
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Les vieux de la vieille du tattoo et les puristes du genre pleurent depuis plusieurs années le temps où leur passion était un truc de saltimbanques et de voyous, mais il faut garder en tête que ce n’est pas un acte anodin non plus. Nous ne sommes pas encore dans l’ère où les tatouages sont parfaitement acceptés par tout le monde.
De la désacralisation du tatouage
En France surtout, même si le tatouage commence à se désacraliser et à devenir de plus en plus répandu, ou en tous cas de plus en plus représenté (dans les médias notamment), on ne peut pas dire non plus qu’il est totalement dédiabolisé, surtout dans des milieux « traditionnels » et stricts.
Lady Gaga, patronne sympa.
C’est pourquoi se faire marquer la peau à l’aiguille électrique ne doit pas être un acte dénué de sens. Pour peu qu’il soit visible, il engage la personne à devoir redoubler d’efforts pour prouver sa valeur, si elle évolue dans un milieu professionnel ou personnel pas très cool. Je ne dis pas que tout cela est juste… mais c’est malheureusement la réalité.
Beaucoup de gens considèrent les tatouages comme réservés à des gens « pas sérieux », voire dangereux, et éviteront donc, à CV égaux, d’embaucher la personne qui a des motifs sur le bras, aussi beaux soit-ils. Tendance ou pas, quoiqu’on en pense, s’allonger dans un salon de tatouage ne doit pas être une décision prise à la va-vite !
Si les vieux tatoueurs et les adeptes du premier jour regrettent l’époque où tout cela était une affaire plus underground, on ne peut pas dire que la démocratisation de cette pratique soit une mauvaise chose. Même s’il reste beaucoup de chemin à faire, les gens tatoués sont davantage pris au sérieux, et moins souvent traités comme des bêtes de foire.
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Mais le tatouage ne sera jamais aussi anodin qu’un sac à main. Tant que ce sera de l’encre sous la peau, ce sera un choix définitif… donc à réfléchir !
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Les Commentaires
Je pense que toutes ces motivations peuvent être réunies à travers une personne.
On peut très bien avoir un dessin mélangeant les symboles de toute notre (petite) vie quelque part et tout de même décider de se faire encrer sur une autre partie du corps par un autre tatoueur, sans forcément y avoir songé pendant des années un dessin vu et revu avec ou sans importance vitale.
Parfois même certains motifs nous attirent et c'est un mois, un an, une décennie plus tard qu'on y trouve une signification ou bien on le regarde en le trouvant toujours aussi beau même si il ne veut rien dire.
Il est effectivement important de se rendre compte que c'est "pour toute la vie" mais placer le tatouage sur un autel intouchable sous prétexte de son côté indélébile n'est peut être pas bon non plus.
Ca n'est probablement un acte aussi anodin que d'aller acheter du pain mais je suis plutôt d'avis que tous nos choix laissent des traces à vies.. Alors certes pas aux yeux et à la vue de tout le monde mais tout de même. On regrette tout autant d'avoir été méchants, mauvais, d'être passé à côté de quelque chose, d'avoir pris une mauvaise décision que d'avoir choisi un tatouage qui ne nous plait plus, et au même titres ce sont des souvenirs que vous gardons à vie...