Le 24 décembre 2013 — Aujourd’hui c’est Noël, aussi pour les tatoué-e-s : les tatouages en couleurs sont sauvés ! J’ai une pièce à terminer et je me voyais déjà me faire encrer à l’autre bout du monde. Pas cool.
Le tatouage en couleurs est sauvé !
Rappelle-toi : il y a quelque jours encore le Syndicat National des Artistes Tatoueurs tentait par tous les moyens de se faire entendre et de défendre ses positions. Après la publication de l’arrêté du 6 mars, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) fixait une liste de produits impropres à la pratique du tatouage. Et elle était plus que consistante.
Tin-Tin et les autres membres de la SNAT avaient alors envoyé plusieurs lettres au Ministère de la Santé pour favoriser le dialogue et l’échange.
Les choses viennent enfin de prendre un tournant positif ! Début décembre, la SNAT affirmait avoir détecté une faille juridique au sein des textes du dossier :
« Ne peuvent pas entrer dans la composition des produits de tatouage : […] 4° Les substances listées aux colonnes 2 à 4 de l’annexe de l’arrêté du 6 février 2001 modifié fixant la liste des colorants que peuvent contenir les produits cosmétiques. » L’arrêté du 6 mars 2013 ne restreignant aucunement les substances à celles du tableau annexé à l’arrêté du 6 février 2001, il ne saurait limiter les colorants autorisés pour les encres de tatouage à la seule colonne 1 du même tableau. EN CONCLUSION, TOUS LES COLORANTS NON RÉPERTORIÉS PAR LES COLONNES 2 à 4 de l’annexe de l’arrêté du 6 février 2001, et non seulement ceux prévus par la colonne 1 – nullement citée par l’arrêté du 6 mars 2013 -, NE SONT PAS INTERDITS ET SONT DONC AUTORISES, dans le respect des règles européennes en vigueur. »
En gros, si ce n’est pas clairement interdit, c’est donc autorisé ? Il semblerait que oui. Le Ministère de la Santé a répondu hier à la SNAT qui a partagé une partie du communiqué sur sa page Facebook.
« En conséquence, seuls les colorants des colonnes 2 à 4 sont interdits dans les produits de tatouage. Toutes les encres de tatouage conformes à la réglementation européenne au 1er janvier 2014 sont donc autorisées : Les fournisseurs français doivent être garants de la conformité de ces encres, notamment en étant déclarés à l’ANSM et en assurant une parfaite traçabilité de tous les produits distribués, ce qui est déjà le cas depuis la réglementation française de 2008. »
La confirmation est officielle, le tatouage sera coloré en 2014. Chantons l’allégresse !
Le 18 novembre 2013 – Si tu as jeté un oeil au documentaire Tous tatoués ! diffusé samedi soir sur ARTE, tu as sans doute entendu la réplique finale lancée par Norm, à base de « ça serait cool que les tatouages redeviennent illégaux, comme à l’époque ». Le truc, c’est que c’est un peu ce qui est en train de se passer, pas plus loin qu’en France.
Figure-toi que les tatoueurs sont en pleines négociations contre un arrêté daté du 6 mars 2013. Celui-ci risque d’interdire certaines encres du marché. La cause : elles seraient dangereuses pour la santé, cancérigènes. Si la loi est mise en application, cela signifiera que les tatoueurs n’auront plus le droit de tatouer en couleurs.
Méthode obligatoire pour la santé publique ou très mauvaise idée ?
Le tatouage, dangereux ?
Même si de plus en plus de personnes sont tatouées, le fait d’avoir des dessins sur la peau n’est pas toujours facile à vivre. Au-delà de l’aspect visuel et idéologique du tatouage, il existe une dimension à laquelle on pense moins : la santé.
Quand tu vas te faire percer le nez tu es toujours parfaitement informé-e sur les possibles infections et les façons de les éviter. Il te suffit de traîner un peu sur le Web ou taper « chéloïdes » sur Google Images pour avoir envie de te plonger entièrement dans un bain de bétadine.
Pourtant, un tatouage aussi peut s’infecter et attirer quelques complications. C’est en partant de ce point-là que le Syndicat National des Dermatologues et des Vénérologues (SNDV) ont donné des avis plutôt inquiétants sur le tattoo.
Des dermatologues ont affirmé plusieurs petites choses, à savoir :
- Se faire tatouer comporte un risque allergique.
- Se faire tatouer comporte des risques de maladies de peau comme le psoriasis ou la sarcoïdose.
- Et, surtout, les encres utilisées pour le tatouage sont très dangereuses : elles contiennent des métaux toxiques comme le cuivre, le mercure, le fer, l’aluminium. La situation est pire pour les encres de couleurs chaudes qui héritent du fer, du calcium et du silicone (bon appétit bien sûr). Elles sont cancérigènes.
Tout ça n’est pas très encourageant. Les dermatos ne sont pas forcément contre les tattoos mais affirment qu’il faut prendre en compte ces possibles complications avant de sauter le pas.
Cette toute petite personne piquante est peut-être entrain de devenir radioactive au contact de ce monsieur. On sait pas.
Alors oui, ça donne pas franchement envie. Mais est-ce qu’il faut s’alarmer et aller s’arracher la peau en hurlant si on est passé-e par la case tatouage ?
Le 13 mars 2013, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) publiait un arrêté du 6 mars dans le Journal Officiel. Il fixait une liste de produits impropre à la pratique du tatouage. Une super bonne surprise pour les artistes tout juste en train d’inaugurer le Mondial du Tatouage édition 2013…
Les tatoueurs sont bien plus rassurants
Le Syndicat National des Artistes Tatoueurs (SNAT) a directement réagi à ce communiqué qui fait peur. Ils affirment que ce ton alarmiste en mode « c’est la fin du monde, on va tous crever » est un peu déplacé.
Certes, les complications dues au tatouages sont une réalité, mais en nombre, elles sont infimes. Il existe des risques d’infection mais, pour moi, il s’agit aussi de la responsabilité du tatoué. Si le tatoueur a fait son travail et répondait parfaitement aux normes d’hygiènes et de travail, il faut également que le porteur du tatouage s’occupe de sa pièce comme il se doit (pansements, pas de frottements, etc.).
En ce qui concerne les encres, les membres du Syndicat sont d’accord pour dire que certains de ces composants sont bien présents. Pourtant, ce sont les mêmes que ceux sur les fruits, les légumes ou encore les médicaments, en traces infimes.
Car oui, le communiqué est plutôt vague. À part les mots qui foutent la frousse, on n’en sait pas vraiment plus : il manque cruellement d’explications. De plus, la composition de ces encres est connue depuis toujours, alors pourquoi les dermatologues s’en inquiéteraient de manière si alarmante seulement maintenant ?
Pour l’encre magique on sait pas encore.
Le SNAT affirme que le terme « cancer » est utilisé de façon abusive et qu’ils ne connaissent pas de cas où le tatouage était directement mis en cause. Une fiche d’informations clients du Ministère de la Santé vis-à-vis du tatouage est en ligne sur le site du SNAT : les membres s’engagent à la donner à leur clientèle.
Le résultat concret, c’est quoi ?
L’idée serait donc qu’à partir du 1er janvier 2014 une énorme partie des encres utilisées par les tatoueurs vont être interdites en France. Du coup, tous les artistes spécialistes dans les pièces en couleurs (et il y en a !) devront revoir leur manière de travailler… ou arrêter.
À part le fond et le jean on ne garde pas grand-chose, quoi… (Tatouage de Nicoz Balboa)
Au final, seuls le blanc, le noir, le vert et le bleu seront autorisés (et encore, il s’agit d’une liste de pigments très limitée). Tu peux dire au revoir au phoenix dans les flammes qui était censé te couvrir la moitié du dos.
Quel est l’incidence sur le monde du tatouage ?
Pas mal de salons vont devoir fermer. Certains tatoueurs ne se voient pas changer totalement leur façon de bosser, leur art. Les clients, apeurés, risquent de se faire de plus en plus rares.
Pour résumer : des personnes aux chômages, un art de nouveau stigmatisé (alors qu’on commençait enfin à tourner la page), des tatoués paranoïaques et surtout le retour du tatouage clandestin.
Pourtant, si le SNAT a été créé en 2003 par Tin-Tin et Remy, c’est bien pour tenter de lutter contre le dangereux phénomène du « tatouage à domicile ». De nombreux « scratcheurs », ces pseudo-tatoueurs qui travaillent à l’arrache sur un coin de table, proposent des tatouages à prix très attractifs mais pas souvent de bonne qualité. Le dessins est (parfois) raté, mais surtout rien n’indique que les normes d’hygiènes ont été respectées.
Tin-Tin interviewé pour l’émission Tous tatoués ! d’ARTE.
Les membres du SNAT sont contre cette pratique qui décrédibilise et dévalorise le tatouage et ses méthodes en France. Pourtant, la loi à venir pourrait pousser les tatoueurs à bosser clandestinement.
À partir du 1er janvier 2014 les tatoueurs qui travaillent la couleur devront choisir : arrêter et passer au noir et blanc ou être hors-la-loi.
Le monde du tatouage sort ses (gentils) crocs
Comme tout n’est jamais perdu et que janvier est seulement dans un mois et demi, le monde du tatouage a décidé de ne pas se laisser marcher dessus.
Tin-Tin et d’autres concernés se sont rendus au Ministère de la Santé en avril dernier. La Direction Générale de la Santé a autorisé les tatoueurs à continuer à utiliser leurs encres habituelles jusqu’à la mise en place de la loi. La DGS semblait être réceptive aux observations et demandes des tatoueurs.
Cependant le résultat final n’est pas très concluant et un délai jusqu’au 1er janvier 2014 est accordé. Tin-Tin rédige alors plusieurs lettres à la DGS et et à l’ANSM. Dans celle du 17 septembre 2013 on peut lire :
« (…) Par ailleurs, pour être considéré comme proportionnée, la restriction, fut-elle invoquée pour des motifs de santé, doit se fonder sur des éléments objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance. Cette mesure doit être nécessaire pour atteindre l’objectif de protection du consommateur et non simplement commandée par le seul principe de précaution.
Le risque d’atteinte à la santé publique doit être sérieux, fondé sur des éléments de preuve pertinents données techniques, apports scientifiques et statistiques (CJCE aff. 270-02 Commission / Italie – Rec. 2004).
Aucune interdiction générale ne peut raisonnablement être considérée comme proportionnée.
En tout état de cause, pour qu’une interdiction puisse être évoquée pour des raisons de santé publique, il faut que soit mise en place préalablement une procédure spéciale d’autorisation, aisément accessible permettant à des fabricants d’obtenir le droit de commercialiser leurs produits (CJCE aff. C344-90 Commission / France).
Or, sauf erreur de notre part, aucune procédure de cette nature n’est aujourd’hui inscrite dans le dispositif contesté (…) »
Pour lire la lettre en entier c’est par ici.
Le 13 novembre 2013, le SNAT s’est rendu à un congrès sur les encres à Copenhague. Étaient présents des fabricants, des dermatologues, des médecins et des personnes évoluant dans le monde du tattoo. Pourtant le corps médical est resté sur ses positions.
Le SNAT a été convié à une audition à l’Assemblée Nationale le 27 novembre pour parler de législation. En gros, c’est pas gagné du tout.
Une pétition a été mise en ligne pour tenter d’envoyer bouler cette législation qui, il faut le dire, pourrait totalement faire couler le tatouage en France.
Quant à toi, tatoué-e en couleur, si tu as peur pour ta santé, il ne te reste plus qu’à te frotter dans les herbes médicinales, ou prendre un rendez-vous pour les faire retirer au laser… chez le dermato !
Pour aller plus loin…
- Le communiqué de la SNDV « tatouages=danger »
- Le site officiel du Syndicat National des Artistes Tatoueurs et leur page Facebook
- L’arrêté du 6 mars 2013
- Vidéo de Tattoo LifeStyle
- Les Street Tattoos by MadmoiZelle
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
rien que le titre.... edo:
oui bon j'éxagère peut-être un peu mais qu'est-ce que vous voulez j'suis contente !!!