Il y a un mois, jour pour jour, je me suis fait tatouer. Après 3 ans de réflexion et 1 minute 30 de passage à l’acte, je me suis retrouvée avec un dessin ancré dans ma peau pour toujours. En quelques coups d’aiguille, j’étais changée sans vraiment l’être, mon tatouage étant discret et caché.
J’étais loin de penser qu’en un mois, ces huit petits centimètres de dessin changeraient mon rapport à mon apparence !
Mon corps et moi, une relation compliquée
Je n’ai jamais vraiment aimé mon corps, sans le détester non plus : pendant longtemps, je ne me suis tout simplement pas posé de questions. Je n’ai pas fait de régimes lors de mon adolescence, on ne m’a jamais mis la pression pour que je sois plus mince, plus ferme, plus sportive… Je suis consciente de ce à quoi je ressemble, même s’il y a des jours où je l’assume plus que d’autres.
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Un jour, alors que j’étais en train de traînasser devant le lycée entre deux cours de philo, ma meilleure amie m’a demandé de lui dire cinq trucs que j’aimais, et cinq trucs que je n’aimais pas chez moi. Pour ce que je n’aimais pas, ça m’est venu bien (trop) rapidement : mes cheveux, mon ventre, mon nez, ma tache sur le front (un grain de beauté sur lequel un moustique m’a piquée, ça donne un troisième oeil ad vitam eternam) et les joues qui m’ont valu le surnom d’Hamtaro pendant un petit temps.
Tout pareil.
Quant à ce que j’aimais, j’ai eu besoin de plus de temps de réflexion. Après quelques minutes d’un silence pesant, j’ai réussi à énumérer mes yeux bleus, les jambes héritées de ma mère, ma poitrine, mes mains et… Pas de cinquième point.
Cette difficulté à trouver des choses que j’aimais chez moi m’a confrontée pour la première fois à mon rapport à mon corps et au fait que je me sente incomplète. La puberté était passée par là, les travaux étaient presque terminés, j’ai réalisé que je pouvais passer à la décoration. J’avais 16 ans, et pour la première fois j’ai pensé à un tatouage.
« Alors, j’te maroufle un petit tribal en bas du dos ? »
Mon rapport aux transformations corporelles
Je viens d’une famille assez classique, d’un milieu social aisé, où le beauté est naturelle, point barre. Je pense que pour beaucoup d’entre nous, la première image que l’on se fait de la beauté, c’est par les femmes qui nous entourent. Pour moi, c’était ma mère : elle se maquille peu ou pas, elle est mince naturellement, je l’ai presque toujours connue blonde malgré son châtain d’origine, mais elle insiste sur le fait d’avoir des mèches au rendu naturel, histoire de ne pas avoir un tracé d’autoroute sur la tête.
Logiquement, j’ai commencé à me maquiller très tard, ayant une peau facile à vivre, des yeux qui ressortent naturellement et des lèvres rosées.
J’ai été initiée au maquillage, au vernis à ongles, aux colorations capillaires par mes copines qui en usaient (et parfois en abusaient) depuis le collège. En terminale, j’ai commencé à me faire une manucure hebdomadaire, à me maquiller quotidiennement et à utiliser des produits pour m’éclaircir les cheveux (grosse erreur sur ce dernier point : les sprays éclaircissants sur du châtain, ça donne un roux pas très joli qui vire ensuite au vert).
J’ai fait mes expériences, j’ai appris ce qui m’allait et ce qui ne m’allait pas, j’ai toujours cherché à avoir l’air naturelle tout en modifiant de plus en plus mon apparence. Il y a trois ans, j’ai commencé à me colorer les cheveux, pour aujourd’hui m’approcher discrètement d’un blond froid presque platine, et ça me va très bien — tout le monde me le dit ! J’ai commencé à comprendre qu’il était possible de changer son corps, et j’ai repensé au tatouage, cette idée qui me trottait dans la tête depuis quelques temps.
Mes parents étaient totalement opposés à cette idée, le tatouage ou les piercings ayant encore mauvaise presse en France, particulièrement auprès de la génération de nos parents ou de nos grands-parents. J’ai donc décidé que mon tatouage serait ma décision, que je ne prendrais pas à la légère, mais à propos de laquelle je ne me soumettrais à aucune influence, positive ou négative.
Moi et mes gow à la dernière kermesse de l’école.
Le passage à l’acte
J’ai donc commencé à chercher activement l’idée de dessin qui ferait battre mon petit cœur, en me posant plusieurs règles pour être sûre de moi et ne pas le faire sur un coup de tête : j’ai voulu être convaincue par un dessin pendant un an avant de me lancer et bien chercher mon tatoueur pour ne pas pousser la porte du premier salon venu. Je veux bien être une punk, mais l’hépatite non merci.
J’ai eu l’idée d’un dessin géométrique il y a un an et quelque, je ne sais plus trop comment, puis le triangle a tiré son épingle du jeu, et en septembre dernier j’ai pensé à le faire en pointillés. J’ai découvert la technique du dot, qui consiste à piquer en petits points, pour un tracé ou pour du remplissage, des ombres. La suite de ma décision a eu lieu grâce à madmoiZelle et les Streets Tattoos : tout d’abord grâce à celui de Johanna, qui m’a donné envie d’aller chez le même tatoueur qu’elle, puis à celui de Justine, qui expliquait que ses tatouages avaient un intérêt tout d’abord esthétique, avant de porter une signification.
J’ai compris qu’on pouvait être tatouée sans être une punk à chien, que je pouvais moi aussi en avoir un malgré mon style classique et mon parcours professionnel bien loin du monde du tatouage. J’ai décidé de me faire encrer sur les côtes, sous le soutien-gorge, car il est encore souvent mal vu (en entretien d’embauche) par exemple d’avoir un tatouage visible. De plus, je le ferais pour moi, ça serait mon petit secret sous mes fringues, mon originalité qui s’exprimerait quand je le veux et avec qui je le veux.
Et puis un jour, je l’ai fait.
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Mon tatouage et mon corps, ensemble pour la vie
Dire que j’ai envoyé valser tous mes complexes serait sûrement un peu exagéré. Je désespère toujours de voir que le sélectionneur des Victoria’s Angels ne m’a pas appelée et mon ventre me fait encore coucou après un gros burger. Mais quand je me vois sous la douche, quand je croise mon reflet dans le miroir, je ne le fuis plus. Je regarde dans la glace et je vois mon tatouage. Les bourrelets, les cicatrices diverses et ce que je n’aime pas sont là, mais je ne vois que lui.
Mieux vaut un bidon qui sourit qu’une estime de soi rabougrie. (Instagram par Scotty Sire)
J’ai réalisé, à 21 ans, que mon corps avait une emprise sur moi, certes. Il est l’enveloppe que tout le monde voit, mais il dépend de moi qu’on y fasse attention ou pas. Mon tatouage est une preuve supplémentaire que le rapport de force peut s’inverser et que je peux, selon mon bon vouloir, avoir moi-même une influence sur mon corps. Je peux le modifier, de façon permanente ou non, l’habiller, le camoufler, le maquiller, l’embellir, le rendre charmant, mystérieux ou sexy.
Je ne suis pas sûre de refaire un jour un tatouage, et si c’est le cas, je me donnerais les mêmes règles que pour le premier, et je le ferais toujours à un endroit discret. L’influence de mon tatouage sur mon estime de moi n’est qu’une étape et ce n’est en rien une motivation pour me faire un autre tatouage : si ça a marché aujourd’hui, rien ne dit que ça marchera encore demain, ou sur quelqu’un d’autre.
Promis maman, je ne serai pas comme ça de si tôt.
Mais pour l’instant, je souhaite un joyeux moisiversaire à mon tatouage, et je lui dis merci !
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