Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant, et par certains aspects… féministe ! Dans notre rubrique Règlement de comptes, des personnes en tout genre viennent éplucher leur budget, nous parler de leur organisation financière (en couple ou solo) et de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, c’est Tatiana* qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Prénom : Tatiana*
- Âge : 43 ans
- Profession : Assistante dans l’immobilier
- Salaire net avant prélèvement à la source : 2 530 €
- Salaire net après prélèvement à la source : 2 470 €
- Personnes (ou animaux) vivant sous le même toit : son petit garçon de cinq ans et demi
- Lieu de vie : une ville à l’ouest parisien
La situation et les revenus de Tatiana
Tatiana, 43 ans, travaille en CDI depuis vingt ans dans une agence immobilière. Si au début de sa carrière, son poste lui plaisait car « très complet », avec de l’administratif, des dossiers techniques et de la comptabilité, elle aimerait aujourd’hui changer d’entreprise.
« L’ambiance dégradée au fil des années, les possibilités d’évolution sont inexistantes et j’ai fait le tour de mon poste. Je consulte régulièrement les annonces, j’ai déjà répondu à des offres, mais ce qui bloque c’est surtout le salaire et parfois la distance, difficile à concilier avec ma vie de mère célibataire. Depuis peu, nous sommes passés à trois jours de télétravail par semaine, ce qui ajoute un niveau d’exigences supplémentaire dans ma recherche. »
Séparée depuis 2020, Tatiana a un petit garçon de cinq ans et demi, qui vit à temps plein avec elle, sauf un week-end sur deux et quatre semaines de vacances scolaires. Ils habitent un logement social T3 de 63m2 « dans une ville très bourgeoise des Yvelines ».
« J’ai toujours été locataire de logements intermédiaires dans des villes très cossues. J’ai déménagé en décembre 2023 pour mon appartement actuel qui se situe à 300 mètres de mon ancien logement, un quatre pièces de 80m2, que j’ai dû quitter à cause du montant du loyer que je supportais seule depuis le départ de mon ex-conjoint en juin 2020. »
Pour son job d’assistante dans l’immobilier, Tatiana touche un salaire mensuel net de 2 470 €. Elle a aussi perçu une prime de 569 € en janvier.
« Jusqu’ici je m’estimais bien payé compte-tenu de mon niveau d’étude (bac+2 assistante de direction, non bilingue) et du type d’entreprise dans lequel je suis. Cependant, après vingt ans d’ancienneté et compte-tenu de l’inflation galopante, je juge mon salaire correct mais sans plus. »
En tant que parent célibataire, la quadragénaire touche 339 € mensuels de pension alimentaire. Sa mère lui verse également 60 € par mois, et Tatiana réalise environ 300 € par an de ventes sur Vinted. Ce qui porte ses revenus totaux à 2 894 € par mois.
« Depuis ma séparation et en tant que mère célibataire, j’ai un sentiment de déclassement car malgré mon salaire et la pension, il m’arrive de connaitre des fins de mois difficiles, surtout quand je dois financer nos billets d’avion pour partir aux Antilles voir ma famille et mes parents. Jusqu’ici, j’y allais quasiment tous les ans mais depuis quatre ans c’est plutôt tous les deux ans. Dans l’idéal 250 ou 300€ net de plus par mois serait parfait. »
Le rapport à l’argent de Tatiana et son organisation financière
Tatiana a grandi aux Antilles, dans une famille d’origine modeste. Son père était le seul à travailler, sa mère « faisait des travaux de couture » mais en bonne gestionnaire, a réussi à se constituer une épargne.
« Enfant je ne portais pas de vêtements ou chaussures de marque, je me suis acheté mes premières marques au lycée, cependant je n’ai manqué de rien et j’avais plutôt l’impression d’être privilégiée par rapport à mes amies. Vivant aux Antilles, on ne partait pas en vacances, on allait à la plage chez la famille, c’était comme ça à l’époque. J’ai eu l’occasion de partir en vacances en France métropolitaine à trois reprises étant jeune et ça m’a suffit. »
Tatiana n’a pas reçu d’éducation financière de la part de ses parents, et cela lui a fait défaut étant jeune.
« Quand j’ai quitté les Antilles pour la France métropolitaine au début j’étais très cigale, je n’étais pas souvent à découvert mais j’épargnais très peu, voire pas du tout. J’ai connu deux années très difficiles lorsque j’ai passé mon permis, j’étais tous les mois à découvert. »
La jeune femme a néanmoins réussi à contrôler ses dépenses et à assainir ses finances.
« Je suis devenue addict de mon appli bancaire, que je consulte tous les jours, parfois même deux fois par jour. Je fais mes comptes trois à quatre fois par semaine sur un tableau Excel, c’est ce qui m’a permis de remonter la pente, d’économiser et d’éviter les découverts récurrents. »
De son côté, Tatiana souhaite transmettre ce rapport sain à l’argent à son fils.
« Il sait que je suis obligée de travailler pour avoir de l’argent et acheter ce qu’ils nous faut. Je souhaite ne pas reproduire avec lui ce que mes parents ont fait avec moi et lui inculquer très tôt la valeur de l’argent et lui apprendre à gérer son budget. »
En revanche, Tatiana reconnaît que sa séparation a eu un net impact sur ses finances. Aujourd’hui, même si elle fait très attention, il lui arrive régulièrement d’être à découvert de 200 à 300 € tous les mois, « notamment parce que j’évite de piocher dans mon épargne et parce que j’ai dû financer quelques travaux d’aménagement, l’achat de meuble et des réparations sur ma voiture qui va avoir quinze ans ».
Concernant son organisation financière, la mère solo dispose de deux comptes courants (un sur lequel est viré son salaire et sur lequel sont prélevées les charges ; un autre qu’elle utilise pour financer ses vacances, pour ses ventes Vinted, et où elle perçoit l’argent versé par sa mère et ses indemnités de congés payés). Elle dispose également d’une assurance vie et de cinq comptes épargne (2 LDD, un Livre A, un PEL et un LEP).
Les dépenses de Tatiana
Pour le logement social qu’elle occupe avec son fils, Tatiana règle 613,72 € par mois. Il s’agit de son principal poste de dépenses.
Elle règle mensuellement 286,47 € de factures courantes (150€ gaz et electricité + 136,47€ charges locatives) et 59,93 € d’abonnements (39,94 € pour son téléphone, 19,99 € pour internet). Les assurances lui reviennent à 61,25 € : 36,29 € pour la voiture, 17,66 € pour son logement et 7,30 de protection juridique.
Parce qu’elle est propriétaire de divers comptes bancaires, Tatiana paye des frais élevés : 21,50 € par mois.
En revanche, Tatiana ne paye pas d’impôts, si ce n’est 17 € tous les trois mois pour la pension alimentaire.
Pour se déplacer, la jeune femme utilise sa voiture, ce qui lui revient à environ 100 € d’essence par mois. « Cela peut monter à 150 € d’essence et de péages, quand je rends visite à des amis et la famille. »
Outre ces dépenses régulières, Tatiana voit aussi son budget diminuer en raison des dépenses de santé, par exemple : 240 € par an de séances chez un chiropracteur ; 415 € par an de soins à sa charge de consultations chez le pédiatre, l’allergologue, le dentiste ou chez le médecin généraliste ; 60 € par an de parapharmacie. Elle met aussi de côté 30 € de côté pour les frais d’entretien de son véhicule.
« Mon seul plaisir, c’est de me rendre chez le coiffeur »
Les courses alimentaires coûtent à Tatiana 330 € par mois, qu’elle dépense chez Lidl et Carrefour.
« Le seul commerce de proximité que je fréquente est la boulangerie. J’essaie de privilégier des produits de qualité, par forcément bio, surtout depuis ma grossesse et la naissance de mon fils. J’essaie de cuisiner un maximum de produits frais, mais j’avoue que c’est difficile, la fatigue ayant souvent raison de moi. Donc j’achète de la viande et des légumes surgelés. J’ai déjà pensé à m’inscrire sur des listes d’AMAP, mais j’ai peur que les paniers soient trop généreux pour mon fils et moi et payer pour gaspiller ça ne m’intéresse pas. »
Tatiana a aussi des frais liés à son statut de parent : elle paye chaque mois 94,35 € pour la cantine de son fils, 117,56 € par mois pour la garderie du soir et le centre de loisirs du mercredi, et 30 € de coopérative scolaire.
Concernant les dépenses dites « féminines », Tatiana les estiment à 130 € par mois environ.
« Mon seul plaisir c’est de me rendre chez le coiffeur tous les mois pour mon défrisage et l’entretien de ma coupe de cheveux, cela représente entre 97 et 130 € par mois, mais je ne veux pas y renoncer car c’est la seule chose que je m’octroie. Les protections hygiéniques passent dans le budget course et j’utilise en plus trois culottes menstruelles achetées il y a deux ans pour environ 60 €. Je ne vais jamais chez l’esthéticienne, je me maquille peu et quand j’en achète du maquillage et des produits cosmétiques, c’est certes un budget important sur le coup mais lissé à l’année, cela représente à peine 25 € ou 30 € par mois. Je n’ai aucun moyen de contraception, quand j’étais en couple nous utilisions des préservatifs qui eux aussi passait dans le budget course. »
Les loisirs de Tatiana
De son propre aveu, Tatiana explique ne pas avoir de loisirs. « C’est difficile en tant que mère célibataire de se dégager du temps pour faire du sport ou sortir boire un verre le soir ou les week-ends. Cependant, depuis trois mois je budgétise 50 à 60 € par mois pour des sorties avec mon fils. » Elle paye aussi 410 € de sport (judo et multisports) pour son fils à l’année.
Lissées à l’année, ses dépenses en vêtements lui coûtent environ 40 € par mois, majoritairement pour son fils, dans des enseignes comme Sergent Major, DPAM, H&M, Tape à l’Oeil, mais aussi Kiabi, Gémo et La Halle), ainsi que sur les sites de ventes privées.
« Je n’achète que du neuf pour les vêtements et chaussures, j’ai essayé la seconde main via Vinted, mais sur les trois ou quatre achats que j’ai pu faire, j’ai été majoritairement déçue. Pour l’instant, mon fils est petit donc j’achète peu de marques, il est content quand ses habits sont à l’effigie de ses supers héros préférés et c’est parfait. »
Pour elle, Tatiana fait du shopping trois à quatre fois par an. Elle s’appuie sur sa large garde-robe constituée avant sa séparation pour s’habiller au quotidien.
Il lui arrive de faire des « craquages », comme les 200 € de parfum et produits de beauté qu’elle s’est offerts récemment.
« La bonne question serait plutôt quels sont mes prochains craquages ? Et la liste est longue : finir l’aménagement/l’ameublement de mon nouvel appartement, m’acheter un air fryer, financer une semaine de vacances en France pour mon fils, ma mère et moi, et à moyen terme, changer de véhicule. »
L’épargne et les projets d’avenir de Tatiana
Même si elle n’est pas très dépensière, Tatiana a souvent du mal à mettre de côté une fois toutes ses traites réglées.
« Avant ma séparation, j’économisais environ 80 € par mois, répartis sur mes livrets et une assurance vie. Depuis ma séparation, je ne fais plus de virements automatiques, je me contente de mettre de côté en totalité ou en partie mes primes annuelles et l’argent que mes parents me donnent à Noël et pour mon anniversaire. En tout, je dispose de 55 000 € répartis sur plusieurs supports, dont 30 000 € placés uniquement par ma mère que je m’interdis de toucher. Avec le temps et depuis la naissance de mon fils, je deviens fourmi. J’évite le plus possible de piocher dans mon épargne, ce mois-ci j’ai dû le faire mais à contrecœur. Cet argent me sert principalement de matelas de secours, au cas où. »
Tatiana a aussi ouvert un livret A à son fils dès sa naissance. Depuis trois mois, elle a mis en place des virements automatiques de 85 € par mois, qui lui permettront, à sa majorité, de financer son permis et ses études. « J’envisage de lui ouvrir l’année prochaine une assurance vie et d’y placer 50 € par mois. »
Quand on demande à Tatiana comment elle envisage son futur, elle nous répond qu’elle « rêve de devenir propriétaire, dans l’idéal d’une petite maison de ville ». « Mais je n’ai pas beaucoup d’espoir compte-tenu de la région dans laquelle je vis. »
De manière plus réaliste, elle aimerait changer de véhicule d’ici deux ou trois ans et réussir à économiser pour partir une semaine en vacances avec son fils, aux Antilles ou à l’étranger.
« Au quotidien, je ne dirais pas que je suis heureuse, car je n’imaginais pas la charge mentale que ça représentait d’être mère célibataire. Cependant je m’estime chanceuse, car malgré les difficultés financières que j’ai rencontrées, j’ai toujours payé mon loyer, mangé à ma faim et mon fils ne manque de rien jusqu’ici. Donc je ne me plains pas et je continue de faire attention car je sais que cela peut très vite déraper. »
Merci à Tatiana* de nous avoir ouvert ses comptes !
* Le prénom a été modifié.
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Les Commentaires
je me retrouve beaucoup dans le témoigagne de Tatiana, mais sans l'enfant, mais je vis en couple!
Nous aussi on part en vacances chez nos familles tous les deux ans , mais à la Réunion, et les billets d'avion vers les îles ont bien augmenté, force est de le constater au moment de l'achat des billets d'avion tous les deux ans, ca pique!!!
Par contre ne serait il pas plus judicieux de piocher dans l'épargne en cas de force majeure, plutot que d'être à découvert et de payer des agios? moi aussi je déteste piocher dans l'épargne, mais heureusement qu'elle existe!!
en tout cas, je trouve que le budget est plutot bien géré!
moi non plus je n'ai pas eu d'éducation financière, et c'est super de vouloir apprendre à son enfant la gestion d'un budget, c'est tellement important!!