Précédemment dans #62jours : L’échec est toujours une leçon, mais laquelle ?
J’avais commencé cette série de billets par une réflexion autour du plaisir et de la souffrance. Je sors d’une semaine de randonnée en montagne, pendant laquelle cette relation théorique a été soumise à une pratique intransigeante.
Mon Fitbit m’indique pas moins de 6 heures d’activité, dont 4 à 5 heures de « brûlage de graisses », à quoi s’ajoute plus d’une heure d’effort « cardio ».
Ci-dessus, un aperçu de mon vendredi : 800 mètres de dénivelé positif, 1 500 mètres de descente.
Ce qui fait mathématiquement : pas mal d’heures passées à en chier.
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Il y a bien sûr la beauté des paysages et les mignons petits bouquetins qui viennent rendre l’exercice agréable. Mais il y a surtout l’effort en lui-même et la satisfaction qu’il procure.
Et puis, pendant cette semaine, j’ai pigé un truc.
Le taquet de l’effort : un moment de bascule
Pas une matinée n’est passée sans que je ne me pose la question : « qu’est-ce que je fous-là » ? Pourquoi je suis pas en train de faire une grasse mat, avant d’aller faire la sieste à la plage, comme la plupart des gens normaux conçoivent la notion de vacances ?
Pourquoi je suis en train de gravir une montagne, sur un chemin dégueulasse, qui menace de me dévorer une cheville et de me dégommer un genou à tout instant ?
Si c’est pour la vue, y a National Geographic, c’est moins fatigant et les images sont de top qualité. Mais y a pas la satisfaction de grimper moi-même au sommet.
Ah, donc je tire une satisfaction de l’effort… Mais alors pourquoi je commence toujours par me plaindre intérieurement ?
Parce que mon corps proteste. Je le secoue, je le fais bosser, je le pousse même dans ses limites pour le renforcer.
Forcément, il râle. Les muscles tirent, se plaignent, et mon cerveau se fait le relais de ces complaintes croisées.
Jusqu’au taquet de l’effort : ce moment où la souffrance se mue en plaisir.
Il se passe quelque chose, de chimique sans doute, et mon cerveau passe de « c’est encore loin la mer ? » à « bordel, je veux faire ça toute ma vie
». (Oui donc c’est bien la drogue qui parle, parce qu’une fois redescendue, je me rappelle que le WIFI c’est pas mal, et qu’on en trouve peu dans les refuges de haute montagne…)
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À la recherche du kif, au-delà du taquet
En y repensant, je me suis rendu compte que ce taquet, je pouvais le retrouver dans de nombreux aspects de ma vie quotidienne qui impliquent un effort physique ou cérébral.
Me lever tôt le matin ? Épuisant, jusqu’à ce qu’à force de le faire, ça devienne naturel, voire carrément plus satisfaisant que de faire une grasse mat’.
Écrire tous les jours ? Épuisant, jusqu’à ce qu’à force de le faire, ça devienne un besoin, voire carrément une frustration de ne pas pouvoir le faire.
J’ai fait le même constat avec la méditation : pendant de longues semaines, je ne « trouvais pas le temps » de me poser 10 minutes par jour pour méditer. Puis je m’y suis astreinte. Dix-neuf jours plus tard, je ne conçois plus une journée sans ces 10 minutes.
Le taquet de tous les efforts : la frontière à dépasser
J’ai compris un truc, en marchant jusqu’à l’épuisement : au taquet de l’effort, la pénibilité devient un plaisir. Ou pas, d’ailleurs. Mais je ne peux pas le savoir AVANT d’avoir atteint le taquet.
Moi qui peux être persévérante jusqu’à l’obstination, j’ai enfin trouvé la frontière de mon équilibre : quand je m’essaie à quelque chose, un exercice, un sport, une expérience, je dois persévérer jusqu’au taquet de l’effort.
C’est là que je saurais si cette activité me plaît, malgré ses difficultés, ou si elle m’épuise (auquel cas, c’est le moment de l’abandonner sans regrets).
C’était exactement pareil pour la course à pied : insupportable exercice les premières fois, j’y étais devenue accro (avant de perdre le rythme).
Parce qu’il arrive ce moment où je n’ai plus à me pousser pour faire une sortie running. Comme il arrive cet instant où je n’ai plus à snoozer le réveil pour réussir à me lever.
Je peux faire le tri dans ma vie, dans toutes mes activités, grâce à cette clé : je pousse jusqu’au taquet de l’effort et ça devient limpide.
Je vois tout ce que ça m’apporte, tout ce que je peux améliorer chez moi en persévérant dans cette voie. Le taquet de l’effort, c’est le seuil du progrès.
Cette frontière n’est pas très loin de ma zone de confort, c’est ça son intérêt : elle est juste au-dehors. C’est pousser juste un peu plus loin, me forcer juste un peu plus, persévérer juste encore un peu.
Je le sais tout de suite, si je suis au taquet, ou si je suis en train d’abandonner… Avant d’avoir véritablement essayé, donc.
En randonnée, le taquet de l’effort pour moi est à 100 mètres de dénivelé. Soit environ 15 minutes de marche.
Je reste pour une deuxième semaine…
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