Tao Lin n’est pas un romancier connu en France : il faut dire que Richard Yates est sa deuxième oeuvre (mais n’a rien à voir avec le « vrai » Richard Yates), mais seulement le premier traduit en français. L’écriture du jeune homme est rapprochée de celle de Bret Easton Ellis, Douglas Coupland ou encore Samuel Beckett… De quoi rendre le livre très intriguant. Alors, vrai génie ou roman dont on pourrait se passer ?
Résumé
Richard Yates n’a pas véritablement une histoire bien construite. Néanmoins, tout est concentré autour de deux personnages : Dakota Fanning (là encore, aucun rapport avec l’actrice), une jeune fille de 16 ans, et Haley Joel Osment qui est un garçon de 22 ans. Rien ne semble les rapprocher : c’est une lycéenne lambda du New Jersey, tandis qu’il travaille dans une bibliothèque de New York et écrit. Nous ne saurons jamais rien de leur rencontre, puisque nous sommes directement plongés dans leur quotidien sur un chat : ils passent beaucoup de temps à se parler sur le net, à parler de leur vie, leur désespoir, dans des dialogues sans fin. Tout l’intérêt du livre ne réside pas forcément dans l’arrivée IRL de Haley Joel Osment, mais plutôt dans les dialogues et les non-dialogues, dans les failles des personnages. Plus Haley Joel Osment et Dakota Fanning passent du temps ensemble, plus les écarts se creusent, jusqu’à la non-fin du roman.
Un roman de l’obsession
Les personnages du livre sont forcément obsédées par certaines idées. L’écriture de Tao Lin est bourrée de mots qui reviennent sans cesse, et les personnages ont des idées qu’ils ressassent sans arrêt au fil de la narration. On remarque rapidement que
ce roman tourne autour des névroses, des failles de ses personnages. Haley Joel Osment et Dakota Fanning paraissent tantôt vides, tantôt remplis d’émotions qu’ils ne contrôlent pas, qu’ils ne savent pas maîtriser.
L’idée de suicide est récurrente, apparaissant parfois comme l’ultime solution face à l’ennui, face à l’incompréhension, mais aussi comme fausse menace. La nourriture tient aussi une grande place dans le roman : vegan, Haley Joel Osment vole méthodiquement de la nourriture au magasin bio, tandis que Dakota Fanning n’a pas le droit de manger les repas qu’elle lui prépare. Un quotidien qui n’en est pas vraiment un, rythmé de lubies et d’habitudes.
Un roman du dialogue
De très nombreuses pages sont uniquement rythmées sur le dialogue, qu’il soit de vive voix ou sur le net. Du dialogue inintéressant de prime abord, le roman glisse petit à petit dans des discussions oppressantes. Les personnages parlent sans s’arrêter, entre excuses, justifications, allant jusqu’à l’interrogatoire poussé.
Le quotidien finit par être détaillé à la quasi-minute près, dans une traque du mensonge qui ne s’arrête finalement jamais. Ces dialogues ne servent pourtant pas spécialement à nous informer, mais avant tout à rythmer le roman et la relation entre Haley Joel Osment et Dakota Fanning. Une relation instable qui flirte parfois avec le massacre psychologique, ou plutôt qui met en avant les problèmes de chacun.
Ce roman, à l’écriture tantôt agaçante, tantôt captivante en raison de ses très nombreuses répétitions, semble nous offrir une bonne vision de ces personnes qui ne savent pas forcément ce qu’elles doivent faire.
Dans des comportements maladifs (Dakota Fanning souffre, on l’apprend plus tard dans le roman, de boulimie), chaque personnage tente de remplir cette coquille vide, sans forcément y parvenir.
Beckettien dans son atmosphère flirtant parfois avec l’absurde (le roman n’a d’ailleurs aucune indication temporelle réelle sur l’année, le fil du temps…) mais sans pour autant devenir incompréhensible, Richard Yates rappelle plus volontiers Breat Easton Ellis et ses personnages qui déambulent dans un monde avec lequel ils sont en décalage.
Richard Yates réussit néanmoins à poser cet univers sur des personnages très jeunes et sans atouts particuliers, de simples anonymes. Comme vous et moi, en somme.
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