À la fois poreuse et imperméable, la mode adore s’inspirer de tous les milieux pour mieux affirmer son exclusivité. Parmi ses terrains de jeu préférés figure l’équitation, sport déjà plutôt excluant — puisqu’il nécessite d’avoir accès à des chevaux, un vaste terrain, en plus de beaucoup d’équipements rapidement onéreux.
L’histoire de l’équitation, d’utilitaire et guerrière à un loisirs d’aristo que la mode émule
Historiquement, l’équitation a longtemps eu une fonction purement utilitaire (pour se déplacer) ou guerrière, de la domestication du cheval durant l’Antiquité jusqu’à la démocratisation des pratiques sportives comme loisirs à partir du XXe siècle.
Comme les accessoires d’équitation nécessitent beaucoup de savoir-faire afin de protéger sans entraver ni blesser l’animal ou la personne qui le chevauche, et ce dans des matières nobles comme le cuir et de la métallerie, c’est donc aussi un espace pour montrer ce dont on est capable en tant que marque.
Pour accompagner la fièvre équine de classes suffisamment aisées pour s’adonner à ce genre de passe-temps, des créateurs se sont mis à s’inspirer de l’équitation pour mieux vendre des produits à leurs adeptes, tandis que des selliers ont commencé à se diversifier pour accompagner au mieux leurs clients.
Et c’est comme ça qu’on se retrouve avec une maison comme Hermès passant de vendre des selles à un acteur majeur du luxe !
Cela explique aussi en partie pourquoi les codes de l’équitation se trouvent aux fondements de l’esthétique de plusieurs maisons.
Par exemple, Gabrielle Chanel s’inspire beaucoup de chasseurs à cheval, et de ses amis-amants comme Etienne Balsan (fortuné officier qui quitte l’armée pour se consacrer à l’élevage de chevaux et aux courses) ou Arthur « Boy » Capel (homme d’affaires qui possède une écurie de polo).
C’est parce qu’elle se met elle-même à porter, non pas des robes amazone, mais des polos et des jodhpurs (pantalons d’équitation importés des Indes par les officiers anglais, ajustés du genou à la cheville et qui se portent sans bottes), que son style si cavalier détonne, se fait remarquer, et qu’elle le commerciale ensuite avec succès.
Du côté de la maison Gucci, c’est en travaillant comme groom à l’hôtel Savoy à Londres que Guccio Gucci voit défiler toute la journée une clientèle fortunée qui s’adonne à l’équitation.
Inspiré par leurs tenues et accessoires, il en tire les futurs détails signature de la maison, comme le fameux mors de cheval qui orne ses mocassins et sacs à main cultes.
Outre l’inspiration équestre pour vraiment équiper ou juste émuler le train de vie de classes dominantes comme chez Ralph Lauren dans une version plus ranch outre-Atlantique, cet univers de cuir et de cravache peut aussi inspirer une autre facette que la mode adore exploiter : le bondage !
Dans une veine plus BDSM, les harnais exploitent d’une toute autre façon cet univers — non dans sa dimension BCBG preppy, mais dans ce qu’il peut raconter de discipline, de dressage, de domination et de maîtrise de la souffrance.
S’éloigner de la performance de classe pour se centrer sur l’humain
Aujourd’hui, l’équitation séduit encore les jeunes générations, aussi bien dans sa dimension BCBG que plus BDSM. Mais c’est dans une veine plus nature-peinture, à la cool dans un ranch, qu’elle cartonne aujourd’hui sur TikTok, Instagram et consorts, avec des mots clés comme Horse Girl Energy !
Une façon de s’éloigner (un peu) de la performance de classe pour se centrer sur l’humain ?
Bella Hadid multiplie les photos Instagram avec ses chevaux (cavalière hors pair, elle devait même participer aux J.O de 2016 à Rio, mais sa maladie de Lyme l’en a empêchée) tandis que Beyoncé remet les chaps de cowboy au goût du jour pour sa collection Ivy Park Rodéo avec adidas.
De quoi rappeler qu’aux États-Unis,, le cheval a longtemps été le troisième animal de compagnie le plus commun — après les chiens et les chats — et qu’entre deux chevauchées par des aristos, c’est aussi des prolos qui s’en occupaient. Que l’amour des chevaux s’inscrit aussi dans l’ordinaire du quotidien, et pas que lors de grandes compétitions où voir les performances sportives comptent autant que se faire voir là.
Côté luxe, la tendance se montre également saillante : la mariée qui clôturait le défilé Chanel haute couture printemps 2021 est arrivée sur le podium accompagnée d’un cheval, tandis que la maison Céline a carrément embauchée la cavalerie lourde pour son défilé automne-hiver 2021-2022.
Pour fêter ses cent ans d’existence, Gucci dévoilait en avril 2021 une collection qui revenait aux inspirations équestres de ses origines. Sans oublier le sac Saddle de Dior dont les lignes s’inspirent clairement d’une selle de cheval, comme son nom l’indique.
Alors on n’a peut-être pas les moyens de s’offrir des cours d’équitation au quotidien, mais si vous souhaitez vous essayer aux chaps, aux bottes cavalières, ou même aux santiags, c’est clairement le moment de chevaucher cette intemporelle tendance qui raconte tant des rapports de classes !
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Crédit photo : Instagram de Bella Hadid, Instagram de Beyoncé, et défilé Chanel haute couture printemps 2021
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