Jeudi 13 août 2015. Après une expérience en train sans clim’ et avec une belle proximité humaine, je traverse le pont par-dessus le Danube et débarque sur l’île d’Óbuda. La poussière mêlée de paillettes, les gens en maillot ou en girafe et le fond musical éclectique quasi-constant me mettent la puce à l’oreille : je suis bien arrivée au Sziget, célèbre festival insulaire et insolent de bonne humeur !
J’arrive en plein dans les festivités. La 23ème édition du festival Sziget a démarré il y a déjà trois jours, artistes et festivalier•e•s en slip semblent avoir pris leurs aises… Et moi, je chausse mes lunettes noires de l’air le plus digne possible et me demande, d’une, par où je vais commencer, et de deux, pourquoi, moi, je ne suis pas encore en slip. Quand soudain, un inconnu m’asperge de flotte. (« You’re welcome », dit-il.)
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Heureusement, Marine Stieber, qui sera ma photographe et fidèle acolyte toute la semaine, connaît déjà bien l’île de la Liberté. Elle vient me cueillir à l’entrée, et nous nous engouffrons dans mon nouveau quotidien déluré. Il y a du monde, du bruit, de la poussière, le mercure flirte avec les 38°C. Et toute claustro que je suis, je me sens déjà bien.
Le Sziget : bienvenue sur l’île de la liberté
Il faut dire que le Sziget Festival a été conçu dans l’idée de faire de l’île un vaste espace d’évasion, de détente et de craquage de slip de fun au milieu du Danube. Le cadre, digne de Budapest, est beau. Pour Károly Gerendai, fondateur du Sziget, le but est autant d’accueillir les grands artistes du moment que d’offrir « une grande aventure, des vacances culturelles, et des tonnes d’expériences surprenantes et inoubliables ». Programme alléchant, s’il en est.
D’ailleurs, le saviez-vous ? Sziget signifie « île » en Hongrois ! … Bon d’accord, ça ne fait kiffer que moi (j’ai mis une semaine à retenir que c’était « île » et pas « liberté », hein, bon). Non, en vrai, l’info intéressante, c’est que le Sziget a été fondé sur un ancien terrain militaire abandonné datant de l’époque communiste. Joli symbole que d’en faire un lieu d’échange, culturel et éclectique, chargé en rencontres et de confettis… non ? (Moi j’aime bien.)
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Parce que c’est vrai, ici, tu peux parler avec n’importe qui. Trinquer avec des Allemands sur le chemin pour rejoindre le Sziget. Chanter avec un groupe de Polonaises au concert de Marina and the Diamonds. Faire un high-five au 34ème individu de l’après-midi qui t’asperge d’eau, parce qu’il fait CHAUD même pour la sudiste insupportable que je suis (et je dors sous la couette en été).
Oh, et commencer à parler anglais avec des Français. Qu’est-ce qu’il y a comme Français, au Sziget ! 95 nationalités différentes dans tout le festival, et des Français partout. Il y a même un espace camping plus au moins dédié à eux, et qui donne le ton : l’Apéro Camping.
On s’y rend le premier soir, avec Marine, en longeant des performances en tous genres, dans l’obscurité éclairée par les mille couleurs des rétroprojecteurs. Il y a des poufs énormes, des gens épuisés mais heureux dessus, et une petite touche DIY pas désagréable en mode « ma cabane dans le jardin ».
Des festivalier•e•s bien fifous venu•e•s de partout
Ceci dit, même au fin fond du camping, vous n’aurez pas le calme absolu. Au-delà du brouhaha musical omniprésent, cette année, le festival a reçu un total de plus de 441 000 festivalier•e•s — au cas où vous ne vous représenteriez pas bien la chose, ça fait beaucoup. Beaucoup. Le record du Sziget, pour être précise.
Et vous aviez bien lu : selon les statistiques officielles du festival, ce sont autant de festivalier•e•s originaires de 95 pays différents qui se sont rendu•e•s à Budapest pour arpenter l’île en long, en large et en travers. Ça se passe bien et dans la bonne humeur, parce que l’île est assez grande pour tout le monde, mais aussi et surtout parce que tout le monde vient dans l’idée de s’amuser, et avec une ouverture d’esprit grosse comme ma impressionnante.
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Pour le coup, on ne pouvait rêver meilleur emplacement qu’une île isolée au coeur d’une capitale. Nombreux•ses sont celles et ceux qui dorment sur place, mais même les autres adoptent un mode de vie 100% fête estivale. La ville de Budapest, déjà époustouflante, devient encore plus belle lorsqu’on part à sa découverte au sortir de l’île de la liberté. Pour visiter les Bains avec application, par exemple.
Je ne vais pas vous mentir : le Sziget, c’est un festival, avec tout ce que le mot implique. À la fin de la journée, on pue, on est crevé•e, on a mal partout, les pieds noirs de crasse et la marque de bronzage ridicule des badges au poignet (soupir). Or paradoxalement, l’ambiance y est à la fois énergisante et détendue comme pas permis. La faute à qui ? La faute à ce mec qui boit sa bière déguisé en chameau, à ces filles qui dansent devant la scène, ou ces mini-fiestas improvisées tous les soirs à base de poudres colorées, de confettis, de paillettes ou même de maracas !
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Une atmosphère décalée, qui est parfois comparée au Burning Man pour son côté « déconnexion avec la réalité »… et que l’on doit aussi à la bonne organisation du bouzin.
Dans les coulisses du Sziget…
Au bout de la 23ème édition, le Sziget Festival est assez au point. Bien sûr, il y a des détails à revoir, comme le fait de faire jouer un artiste sous la seconde tente principale, et faire péter des feux d’artifices juste au-dessus. Ou le manque CRUCIAL d’aération dans certaines tentes (mon petit record perso est une conférence à 43°C : une belle proximité avec mes consoeurs et confrères journalistes).
Ceci dit, il apparaît clairement que Károly Gerendai et son équipe prennent en compte le moindre souci chaque année, pour le régler à la prochaine. C’est un peu toute leur vie, le Sziget. Vingt-trois ans, je vous dis ! Au fil des éditions, ils ont fait grandir de ce qui était jadis un rendez-vous d’originaux : le Sziget occupe pratiquement toute l’île, tous les domaines artistiques ou presque ont droit à leur tribune, et ils ont encore des projets.
La dignité : vue d’artiste. © Marine Stieber
Ajoutez à une ambiance « bon enfant » un festival qui s’appuie fortement sur un système élaboré et plutôt honnête de bénévolat, et vous avez la sécurité et les services divers et variés offerts avec le sourire. C’est pas des blagues : cette année, le Sziget a compté sur environ 600 bénévoles. Ce système, en plus de compléter le nombre nécessaire de petites mains pour soutenir un tel évènement, permet d’offrir une alternative aux jeunes qui n’ont pas forcément les moyens de se payer le ticket d’entrée.
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Car le prix des billets est l’un des aspects négatifs du Sziget. En devenant international, le festival a aussi, forcément, vu ses prix augmenter afin de soutenir les infrastructures grandissantes. Or débourser plus de 200€ pour une semaine n’est pas évident pour beaucoup de Hongrois•es — et c’est quand même dégueulasse si un festival à côté de chez toi ne t’est soudain plus accessible.
La solution du Sziget, c’est donc le bénévolat, et d’étroites collaborations avec les universités. Bon, il y a parfois des moments de creux, qui font que, par exemple, ce jeune homme à l’entrée avait l’air de tellement s’ennuyer qu’il était prêt à mettre le doigt sous l’agrafeuse pour voir ce que ça faisait…
…mais ça reste un cas assez isolé, et le Sziget s’engageant à rendre l’île dans son état d’origine à la fin de la semaine, il y a du boulot.
Hé, toi, là, ne pars pas trop loin ! On est loin d’avoir fini de parler du Sziget Festival ! Alors rendez-vous très vite pour parler, cette fois, des nombreuses scènes et multiples facettes du festival…
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
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