Publié initialement le 13 août 2013
Tu ne viens pas de te faire larguer, ni de rompre avec qui que ce soit. Tu n’es pas particulièrement malheureuse, pas spécialement seule, rien ne va vraiment mal. Y a peut-être même deux ou trois personnes dans ton collimateur, qui te tiennent compagnie et passent dans le coin une fois de temps en temps, suffisamment pour t’apporter de quoi tenir.
Tu ne t’imagines pas vraiment vivre quoi que ce soit de plus dans l’immédiat : pas le temps, pas envie, pas besoin, trop compliqué. Peut-être que tu as besoin d’une pause, d’un peu de repos, de recul, que ces histoires finissent par te faire peur, t’emmerder ou te fatiguer. Et pourtant tu te retrouves le cul vissé sur ta chaise, devant une playlist spéciale coeurs brisés, et soudain, les vannes sont ouvertes.
Avec un petit film pour se changer les idées, tiens.
Tout s’écroule, tout fout le camp, tout s’écoule par tes yeux, par ton nez, une vieille mélasse poisseuse s’échappe de tes oreilles et tu ne comprends pas vraiment pourquoi. Tu pleures des fantômes, des souvenirs, des histoires imaginaires, des relents fictifs. Tu fais le deuil de ce que tu as eu, ce que tu as perdu, ce que tu as voulu.
Tu sors un mouchoir, puis deux, puis trois, tu fais des petits tas et tu laisses tes yeux dégouliner de tes orbites sans trop comprendre pourquoi. C’est la rupture imaginaire, qui sort de nulle part, qui ne s’accroche à rien, qui n’a pas vraiment de sens mais qui prend ton coeur entre ses griffes et qui s’en sert comme grattoir. Un sentiment te prend par surprise et qui te laisse en lambeaux, et tu ne sais toujours pas pourquoi.
Alors tu hurles, tu hurles les paroles de cette chanson qui ne te rappelle rien, qui n’a pas vraiment de signification à tes yeux mais qui pourrait en avoir, un jour, si tu passais par un épisode similaire. Ça pourrait te parler, tu imagines très bien ce que ça ferait, si ça t’arrivait.
http://youtu.be/SmVAWKfJ4Go
Tu repenses à cet-te ex d’il y a trois ans, cinq ans, dix ans, et tu te demandes ce qui se serait passé si tout n’avait pas fini comme ça. Où tu serais, ou vous seriez, ce que vous auriez traversé, ce que vous auriez partagé.
Tu penses aux prochain-e-s, aux suivant-e-s, à ceux et celles qui figurent déjà sur la liste mais que tu ne connais peut-être pas encore, que tu n’as peut-être même jamais rencontré-e-s, mais qui finiront bien par débarquer un jour, parce que c’est comme ça que ça se passe.
Tu penses à vos débuts, aux moments que vous passerez à vous tourner autour, avant de conclure, de choisir de vous lancer dans quelque chose de nouveau. Vous vous découvrirez, et tu te laisseras aller — encore une fois, il faudra tout recommencer, il faudra tout réexpliquer, redécouvrir quelqu’un, se redécouvrir soi-même
. Faire des constats : est-ce que j’ai changé ? Est-ce que j’ai évolué ? Est-ce que j’ai toujours ce problème ? Est-ce que je suis toujours capable de faire ça ? Est-ce que je suis de bonne compagnie, là, tout de suite ? Est-ce que ça vaut le coup ?
Et si ça marche pas ? Et si je dois encore changer quelque chose ? Il va falloir prendre sur soi, faire des efforts, des compromis, faire la moitié du chemin, être à l’écoute. Il va falloir contrôler ses démons, encore une fois, remettre un tour de clé, reprendre le contrôle sur ses vieilles pulsions. Se retenir de tout foutre en l’air, mettre son orgueil de côté, ménager sa fierté, se mettre à nu. Abattre des barrières, des limites, abaisser le pont-levis.
Tu changes de chanson, et tu reprends un mouchoir.
Ça a l’air chouette, chanté comme ça. Ça a l’air d’en valoir la peine. Si on persiste à y revenir constamment, malgré les coups et les chutes, c’est que ça doit pas être si mal, au final. Alors peut-être que tu devrais essuyer tes larmes, respirer un bon coup, et te convaincre que tout finira par bien se passer.
Mais la playlist s’enchaîne et on te rappelle, sans cesse, que l’issue reste toujours la même : quoi qu’il arrive, tu finiras le nez dans la boue, c’est sûr.
Mais ça fait partie du jeu, il faut affronter les bas pour avoir les hauts. Il faut prendre des risques, tenter le diable, l’inviter à danser, à se coller contre toi, à te suivre partout où tu vas. Il faut croire, faire confiance, écouter, accepter, sans émettre trop de réserves. Il faut se lancer, fermer les yeux et avancer, avaler chaque promesse comme une couleuvre, même si elles ont toujours tendance à te rester sur l’estomac. Il faut croire à un « toujours » qui ne viendra jamais, et tout le monde le sait — « toujours » n’existe pas, mais si on y croit pas, ça n’a pas vraiment d’intérêt.
Il faut encaisser les discours : ceux qui t’incitent à te détendre et à te laisser aller, et ceux qui te mettent en garde contre l’issue inévitable de cette nouvelle aventure. Il faut accepter de ne les écouter que d’une oreille et de se manger des « Je te l’avais bien dit » au prochain virage. Il faut ravaler sa fierté, l’installer près des couleuvres, et apprécier le spectacle.
Chaque pas fait trembler l’épée de Damoclès qui te pend au-dessus de la tête, mais c’est pas grave, faut avancer, c’est jamais bon de stagner. Il faut vivre, essayer, tenter, tester, expérimenter.
Et tant pis si ça brûle. Tant pis si tout vole en éclat.
Et toi t’es là, et tu penses à tout ça alors que t’en es encore loin — loin derrière et loin devant — et tu te fais du mal pour rien parce que là, maintenant, tu pourrais en profiter pour faire autre chose. Parce que quoi qu’il arrive, ça finira par revenir, et que tu ne seras jamais assez prête pour affronter la nouvelle vague, et que tu n’as aucune idée de comment ça finira. Tu ne peux pas lutter contre la vie, et tu n’en as pas vraiment envie, de toute façon.
Tout finira par revenir, et aucune de ces chansons ne t’aura donné les clés pour en découdre avec ce gag récurrent, mais tu fonceras quand même tête baissée. Parce que quoi qu’on en dise, le jeu en vaut quand même la chandelle.
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