— Publié pour la première fois le 27 avril 2014
En ce moment, je prépare un projet de recherche pour entrer en master. Il concerne un sujet qui me passionne depuis plusieurs années et sur lequel j’ai acquis au fil du temps de nombreuses connaissances. Seulement voilà : ce sujet, je ne l’ai jamais étudié à l’université.
Ma surprise n’était donc pas bien grande lorsque j’ai vu revenir à la charge mon meilleur ennemi : le syndrome de l’imposteur.
Le syndrome de l’imposteur, c’est cette petite voix qui te dit que non seulement tu n’es pas assez bien, mais que tu es une menteuse qui cache à tout le monde à quel point tu es nulle.
Le syndrome de l’imposteur, c’est croire que tes réussites sont dues à la chance, ou à n’importe quel autre facteur autre que toi, autre que le fait que tu puisses réellement être doué-e pour quelque chose.
Malgré son appelation de « syndrome » et le fait qu’il a été étudié par des psychologues, le syndrome de l’imposteur n’est pas considéré comme une pathologie par le DSM-5, le répertoire des maladies mentales.
Le syndrome de l’imposteur, cet ami de longue date
Difficile de dire quand j’ai rencontré le syndrome pour la première fois. Je sais que lorsque j’étais à l’école primaire je me pensais stupide ? jusqu’à ce que je sois diagnostiquée « intellectuellement précoce ».
Si cette étiquette m’a rassurée dans un sens (sur le moment j’ai beaucoup repris confiance en moi), elle ne m’a pas empêché de considérer mes facilités comme une absence de mérite ? ça s’appelle « utiliser tout ce que tu peux pour nourrir ton syndrome » et c’est probablement une constante dans tous les problèmes d’estime de soi.
Dans Casanova de la BBC, le héros n’est pas seulement un coureur de jupons, mais aussi un imposteur professionnel. Et lui semble bien le vivre.
Les premières manifestations claires de ce syndrome remontent au collège, où j’avais de très bonnes notes en français et où je ne comprenais pas vraiment ce que les profs me trouvaient.
C’est d’ailleurs vers ce moment que j’ai commencé à attribuer certaines bonnes notes (surtout dans des matières comme le français où les résultats sont plus subjectifs qu’en maths ou en sciences) au fait que les enseignant-e-s m’aimaient bien.
Un raisonnement duquel je n’ai pas démordu même lorsque j’ai eu une prof que j’énervais mais qui me mettait quand même des bonnes notes.
J’ai beaucoup pratiqué ce que l’on appelle « l’underdoing », c’est-à-dire le fait de mal se préparer à un examen pour être protégé en cas d’échec ; mais cela renforce aussi le sentiment d’illégitimité, et c’est en me renseignant sur l’imposteur que j’ai découvert que c’était un comportement typique de ce syndrome.
Sentiment d’illégitimité et syndrome de l’imposteur, le joyeux mélange
Tout s’est aggravé après le bac, quand j’ai délaissé la prépa qu’on me conseillait (je ne m’en sentais pas du tout capable ? et j’ai sans doute eu raison, pas pour une question de capacités intellectuelles mais de résistance à la pression) pour aller à la fac puis dans une petite école de journalisme, qui ne nécessitait pas d’avoir fait Science Po ou réussi un concours hyper difficile.
J’ai donc réussi à cumuler un sentiment d’illégitimité parce que je ne faisais pas « de grandes études » et un sentiment d’imposteur qui disait que ces « petites études » étaient déjà plus que ce que je méritais. Ce n’est pas aussi mutuellement exclusif que l’on pourrait le penser.
Hélas, je n’ai pas l’aisance et l’absence de scrupules de Leonardo Di Caprio dans Attrape-moi si tu peux (ni son charme en costume de pilote)
Comment les directeurs de mon école avaient-ils pu ne pas se rendre compte que j’étais bien trop timide pour être journaliste ? Comment les médias qui m’ont acceptée en stage avaient-ils pu ne pas se rendre compte que je n’avais aucune valeur ?
Mon Dieu, je les ai floués à l’entretien et ils allaient s’en rendre compte !
Pourtant, si je suis honnête avec moi-même et que j’arrête de paniquer trente secondes, je suis probablement meilleure dans mon boulot qu’aux entretiens : les claviers d’ordinateur m’intimident moins que les recruteurs !
Le « syndrome de l’autodidacte »
Je me bats très fort contre mon propre syndrome pour dire ce qui suit : je ne suis pas totalement sans ressources. Depuis plusieurs années que je lis des livres et que je zone sur la Toile en dévorant tout sur les sujets qui m’intéressent, j’ai acquis certaines connaissances, par exemple sur le féminisme, la sociologie ou les sciences de l’éducation.
Comme je les ai acquises en autodidacte, je vais sans cesse douter de ces capacités. Même en écrivant ces lignes, j’ai un énorme sentiment d’imposture ? « mais tu ne vas quand même pas dire que tu as des connaissances en sociologie juste parce que tu as lu quelques livres ! » (Tais-toi, voix intérieure.)
Je ne vais pas dire qu’aujourd’hui j’ai réussi à dépasser ce syndrome. Au contraire, comme je le disais au début, il y a des chances qu’il aille en s’empirant si je suis admise en master (« oh mon Dieu je n’ai pas du tout ma place ici au milieu d’étudiants qui sont à l’université depuis plusieurs années alors que je viens d’une école professionnelle et que je ne sais rien de ce qu’il faut savoir ! »).
Mais en avoir conscience… déjà, ça aide. Même si le sentiment reste, quelque part je sais que ce n’est pas vrai. Enfin, certains jours. Parce que parfois je me dis que je n’ai pas le syndrome de l’imposteur et que je suis juste vraiment nulle. D’ailleurs, écrire ce témoignage me laisse un peu une impression d’imposture. Je ne sais pas ce que ça prouve…
Et vous, le syndrome de l’imposteur, ça vous parle ? Avez-vous déjà paniqué à l’idée que votre nullité éclate à la face du monde ?
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