— Article publié le 17 novembre 2014
Le syndrome de Stockholm désigne un « processus d’attachement » réciproque entre ravisseurs et otages. Autrement dit, il est possible que des otages et des ravisseurs développent des sentiments positifs réciproques, qui aideraient les victimes à « traverser » leur captivité.
Pourquoi parle-t-on de « syndrome de Stockholm » ?
Le concept de « syndrome de Stockholm » est apparu il y a une quarantaine d’années, à la suite d’une prise d’otages à Stockholm.
En août 1973, un détenu en permission, Jan-Erik Olsson, braque une banque et retient quatre employé·es en otage. À la fin des 6 jours, les négociations aboutissent à la libération des otages sains et saufs.
Pendant ces jours, le ravisseur raconte que, si au début de la prise d’otages, ses victimes étaient très effrayées, leurs sentiments ont rapidement évolué et la situation est devenue pour lui quasiment « amicale ».
Par la suite, les otages ont refusé de témoigner contre leur agresseur. Ils sont allés le voir en prison et l’une des victimes aurait même entretenu une relation amoureuse avec Jan-Erik Olsson.
Dans Buffalo ’66 de Vincent Gallo, un ex-détenu kidnappe une jeune femme et une relation complexe se développe entre eux.
Le syndrome de Stockholm, comment ça marche ?
La caractéristique principale du syndrome est qu’il apparaît dans une situation de tension extrême entre deux parties.
C’est le point commun entre les otages et leurs ravisseurs. En effet, chacune des parties est en danger de mort, même si leurs chemins sont évidemment très différents.
Lorsque la prise d’otage débute, les victimes subissent un choc psychologique extrêmement puissant. En quelques secondes, leurs vies basculent et deviennent subitement menacées.
D’un coup, leur sécurité est remise en question et leur survie est menacée à court terme, alors même que quelques minutes auparavant, leur vie était tout à fait ordinaire.
Imaginez. Vous sortez de chez vous pour aller poster un truc, passez dans votre banque… Et soudainement, votre vie se transforme, et peut se terminer d’un instant à l’autre.
Cette situation mène à un stress psychologique extrême. Souvent, face à un stress intense, nous pouvons passer par un état de sidération.
Notre cerveau doit alors gérer un trop grand nombre d’informations, nous devenons incapables de réagir, de prendre des décisions…
Après ce premier temps, les otages traversent une « réorganisation » psychologique. Ils doivent alors s’adapter à la nouvelle situation et à toutes ses nouvelles données.
Lors d’une prise d’otages, les victimes perdent tous leurs repères. Non seulement leur vie est menacée à court terme, mais en plus, elles sont complètement dépendantes de leurs ravisseurs.
En fin de compte, elles n’ont plus aucune autonomie. Elles ne peuvent plus gérer leur temps et sont dépendantes de leurs bourreaux pour tous leurs besoins. C’est « grâce » à leur bourreau qu’elles peuvent bouger, manger, aller aux toilettes…
Face à ces nouvelles données, le psychisme des otages doit se réorganiser, s’adapter, et la seule personne qui est en face d’eux, outre les éventuels autres otages, c’est le ravisseur.
Dans certains cas, le sentiment de dépendance peut s’accompagner d’un sentiment de gratitude envers le bourreau.
Finalement, le preneur d’otages devient quelqu’un qui choisit de ne pas vous tuer – qui ne serait pas reconnaissant pour ça ?
Le syndrome de Stockholm, mécanisme de survie psychologique
Pour le docteur Franck Garden-Breche, le syndrome de Stockholm est un mécanisme adaptatif qui permettrait aux otages de survivre et de composer avec leur nouvelle situation.
Certain·es professionnel·les de la santé mentale font un parallèle entre la prise d’otage et la relation parents-enfants.
Pour eux, lorsqu’on est un jeune enfant, on expérimente également une dépendance totale par rapport à nos parents. Les otages vivraient cette même dépendance, et revivre ce lien pourrait les mener à vivre à nouveau un schéma affectif « parents-enfant ».
Dans ce cas, les otages adopteraient les attitudes d’un enfant vis-à-vis de ses parents (ils pourraient ainsi ressentir des sentiments positifs à l’égard de leur bourreau, s’identifier à lui…).
Pour aller plus loin, dans un papier pour Cerveau&Psycho, le médecin Eric Torres souligne que l’otage craint, plus ou moins consciemment, un assaut des forces de l’ordre.
Cet assaut pourrait mettre sa vie en danger, et dans ce cas, le coupable devient son défenseur… Ce qui pourrait expliquer que certains otages finissent par adopter les points de vue de leurs bourreaux.
Ainsi, dans une prise d’otages, les victimes perdent leurs repères, mais ce n’est pas tout. Ils deviennent également une monnaie d’échange entre les ravisseurs et les autorités.
Ils sont déshumanisés, cette situation leur enlève leur identité et, lorsque le ravisseur s’adresse à eux, il leur rend leur humanité…
Somme toute, le syndrome de Stockholm serait marqué par deux mécanismes : tout d’abord, les otages sont victimes d’un choc psychologique extrême qui fout en l’air tous leurs repères et valeurs.
Ensuite, ils reconstruisent une nouvelle manière d’appréhender une situation dans laquelle ils dépendent entièrement de leur agresseur.
Collaborer avec le bourreau et développer des sentiments positifs à son égard, ce serait peut-être la stratégie qui donnerait à l’otage les meilleures chances de survie…
Pour aller plus loin sur le syndrome de Stockholm
- Un article du médecin Eric Torres pour Cerveau&Psycho
- Une interview du preneur d’otages à l’origine du Syndrome de Stockholm
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Les Commentaires
Ça s'observe aussi dans les situations de violences conjugales. On se met à éprouver de la sympathie pour le conjoint violent, ce qui nous attire vers lui. Dans ce cas-ci, le syndrome de stockholm peut potentiellement nous coûter la vie. C'est assez ironique qu'un mécanisme censé assurer notre survie finisse par nous mettre en danger de mort.
Il y a aussi une hypothèse (à confirmer) qui veut que ce soit aussi lui qui nous pousse à mettre nos propres bourreaux à la tête de l'état, soit après qu'il ait dit des horreurs à propos de notre groupe social (coucou les «women for Trump»), soit après un mandat durant lequel on a eu de bonnes raisons de se plaindre de lui. Ça expliquerait comment des magouilleurs éhontés parviennent à se faire réélire à chaque élection.
Notre cerveau ne nous veut pas que du bien.