Publié le 25 mars 2018 — Sois gentille, dis merci, fais un bisou : ce n’est pas un hasard si cette phrase m’a inspiré une série d’interviews de femmes aux parcours extraordinaires.
Pas « extraordinaire » au sens de Wonder Woman ou de Black Widow, mais tout simplement au sens de « pas commun », qui sort de l’ordinaire, littéralement.
Si je m’émerveille face à quelqu’un qui a envoyé valser les attentes qui pesaient sur elle, c’est que j’ai eu tant de mal, moi-même, à oser affirmer mes propres envies, mes ambitions et mes projets.
En cause, une malédiction qui me colle à la peau : le syndrome de la bonne élève.
Les symptômes du syndrome de la bonne élève
Si le syndrome de la bonne élève était une maladie chronique, ses symptômes pourraient être :
- Un perfectionnisme exacerbé : si c’est pas parfait, c’est nul. Capacité de discernement et de nuance : zéro.
- Un imprescriptible besoin d’être utile et serviable au reste du monde : s’occuper de soi plus de 12 minutes cumulées par jour relèverait d’un égoïsme intolérable. Minimum.
- Une incapacité totale à dire non : refuser un service, c’est plus qu’impoli, ce serait « faire de la peine » à l’autre, et ça, c’est insupportable.
- Une inébranlable croyance en l’adage « si je travaille bien, j’ai des bonnes notes », qui se traduit par l’attente perpétuelle d’une reconnaissance jamais exprimée : passé le diplôme, plus personne ne nous remet de « bonnes notes ».
- L’extrême difficulté à accomplir une tâche sans demander la permission avant, et obtenir une approbation après.
- Un rapport quasi-religieux à toute forme d’autorité : du prof aux parents en passant par tous types de conseillers, si c’est une figure d’autorité, elle dit détenir la vérité. Conséquence : mort clinique de l’esprit critique.
Si tu présentes l’un ou plusieurs de ces symptômes, à un stade plus ou moins avancé, ne panique pas, et poursuis calmement la lecture de l’article.
Être une bonne élève, est-ce un problème ?
Le syndrome de la bonne élève n’est pas un problème tant qu’on reste au sein du système scolaire : bien travailler pour avoir des bonnes notes, jusque-là, pas de souci.
Au pire, lorsqu’on est une indécrottable Hermione Granger, on risque de s’attirer les moqueries et les jalousies de ses petits camarades.
En règle générale, cela touche assez peu la bonne élève, qui reporte son besoin de reconnaissance et d’acceptation sur les adultes : professeurs, encadrants, parents.
On valorise l’obéissance chez les filles, et la désobéissance chez les garçons : ils sont encouragés lorsqu’ils occupent l’espace et prennent la parole, tandis que les filles sont encouragées à être gentilles, discrètes, patientes, à faire le moins de bruit possible et prendre le moins de place possible.
« Ne pas déranger », être soigneuse et appliquée, voilà ce que l’on cultive généralement chez les filles.
D’où le fait qu’à l’âge adulte, le syndrome de la bonne élève frappe essentiellement les filles, et très peu les garçons.
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La bonne élève et l’autorité, une relation compliquée
Le véritable problème du syndrome de la bonne élève, c’est d’apprendre la docilité et l’obéissance comme règles immuables de comportement vis-à-vis de toute forme d’autorité.
C’est bien d’écouter ta prof quand elle t’explique une règle de grammaire, c’est beaucoup moins bien de boire ses paroles lorsqu’elle t’explique que « le rose c’est pour les filles », ou que tu devrais te « laisser faire un bisou » par Mathieu pour qu’il te laisse tranquille dans la cour de récréation.
La même en grandissant : c’est très bien d’écouter ton prof de maths lorsqu’il t’explique la résolution des équations différentielles, c’est moins bien d’écouter ton père s’il te dit qu’il n’y a QUE médecine qui vaille dans la vie, alors que tu veux devenir pâtissier.
Dans quel état tu te mets pour respecter les attentes des autres ?
Comment bien travailler sans bonnes notes ?
Pour ma part, le rapport à l’autorité ne m’a pas tant posé de problèmes. J’avais surtout le sentiment que certains adultes donnaient des mauvais conseils, et si je me gardais de le leur dire, je ne les suivais pas pour autant.
C’est en quittant l’école, diplôme en poche, que mon syndrome de la bonne élève a commencé à me causer des problèmes bien plus sévères.
Tant que j’étais à l’école, j’avais un cadre de règles, d’objectifs, de contraintes à respecter. Comme si j’avais les règles du jeu de la vie devant les yeux. Il suffisait de les suivre.
Mais dans la vie, justement, comment savoir si je fais les bons choix, si je vais dans la bonne direction, si je fais bien mon travail, si je suis une bonne personne ?
Sans notes, sans bulletin, sans conseil de classe et sans classement, comment savoir qui suis-je, où vais-je, dans quel état j’erre ?
Une bonne élève, à l’âge adulte, ça donne quoi ?
C’est en entrant dans la vie d’adulte que le syndrome de la bonne élève peut véritablement commencer à t’empoisonner l’existence.
- Je ne veux pas déranger, alors je n’ose pas poser de question.
- Je veux faire mon travail au mieux, alors je pose trop de questions : au-lieu de réfléchir au sens de mon travail, je cherche à le faire « bien ».
- Je cherche le barème des choses au lieu de chercher leur sens.
- Je cherche à être évaluée au lieu de chercher à être considérée.
- Je cherche l’approbation et la gratitude des autres au lieu de chercher leur respect.
- Je cherche à rendre les autres heureux et fiers, au lieu de chercher à être heureuse et à être fière de moi-même.
Tu vois le problème ? Le syndrome de la bonne élève me pousse perpétuellement vers une perfection complètement illusoire : plaire aux autres, placer leurs attentes au-dessus des miennes, avant les miennes, tout le temps.
À l’école, c’était facile : je fournis un bon travail, j’obtiens une bonne note. Mais dans le monde professionnel, changement de paradigme : il ne suffit pas de bien travailler pour être récompensée !
Bien faire son travail est un pré-requis : la récompense du travail bien fait, c’est le salaire. La sanction du travail mal fait, c’est le licenciement.
Les augmentations et les promotions ne sont pas des « bons points », ce sont des outils d’avancement de carrière.
Il faut vouloir faire avancer sa carrière pour qu’elle avance. Il faut donc se montrer volontaire, aller chercher les promotions et les augmentations, et ne surtout pas attendre qu’elles tombent automatiquement parce qu’on aurait « bien travaillé ».
Le piège des bonnes élèves dans le monde professionnel est d’attendre une forme de reconnaissance sans avoir ni cherché quel engagement était attendu, ni sollicité la reconnaissance de cet engagement.
Comment se défaire du syndrome de la bonne élève ?
Le syndrome de la bonne élève n’est pas une maladie incurable, le traitement est assez simple à appliquer, ses effets se produisent plus ou moins rapidement selon les individus.
Après avoir passé toute sa scolarité à apprendre l’obéissance, la patience, à être gentille, sage et docile, il faut désormais apprendre à désobéir, apprendre l’insolence.
Et ça peut procurer UN BIEN FOU
Je ne parle pas de commencer à insulter les gens qui t’adressent la parole de façon un peu cavalière, mais plutôt de te brusquer toi-même.
Par exemple, imaginons un collègue ou un camarade de promo, qui vient te voir pour te refiler une partie de son travail. Mise en situation :
« Hé Josée, est-ce que tu pourrais s’il te plaît me faire la mise en page du rapport, partie 4 à 8 ? Tu me SAUVERAIS LA VIE ! »
Au lieu de répondre :
« Oui bien sûr Maurice, je m’en occupe ! »
Opte plutôt pour une répartie humoristique :
« Ah bah toutes mes condoléances, Maurice ! »
Si Maurice ne connecte pas ta réponse à sa question, n’hésite pas à lui en faire posément le décryptage :
« Bah oui, si je ne peux pas te sauver la vie, c’est donc que tu vas mourir. Désolée ! »
Soyons honnêtes un instant : ce n’est pas une question de vie ou de mort, c’est une question de principe. Si tu n’as pas envie d’accepter, pourquoi accepter ?
Cet exemple est à décliner dans tous les aspects de ta vie, personnelle ou professionnelle. La clé pour se défaire du syndrome de la bonne élève, c’est d’apprendre à désobéir.
Apprendre à désobéir, pour tuer sa bonne élève
Désobéir, ce n’est pas nécessairement un acte de rébellion, ça n’a pas besoin d’être violent. Ça peut juste être écrire et suivre ses propres règles, au lieu de systématiquement respecter celles des autres.
Ça vaut pour tous les aspects de ta vie :
- Pourquoi c’est toujours les autres qui choisissent le resto ?
- Pourquoi c’est toujours ton mec qui choisit le film ?
- Pourquoi c’est tes parents qui choisissent tes études ?
- Pourquoi c’est ta soeur qui choisit ta tenue ?
- Pourquoi c’est tes profs qui décident de ton avenir ?
- Pourquoi c’est ce job qui serait ton futur ?
- Pourquoi c’est les autres qui décideraient de quoi que ce soit à ta place ?
Chaque fois qu’une situation te crée un inconfort, demande-toi « pourquoi », pose-toi cette question.
À chaque fois que la réponse sera « parce que c’est comme ça » ou « parce que ça se fait comme ça », tu sauras que tu peux désobéir. Non pas parce que je viens de te donner la permission de le faire, mais parce que tu as le droit de décider ce qui est le mieux pour toi-même.
Personne ne ramasse les copies à la fin de l’heure. Sois ton propre juge si tu veux l’être, sois exigeante si tu veux l’être, arrête d’attendre que les autres te donnent le barème de l’existence !
Ta liberté commence le jour où tu te l’octroies !
Hermione approuve !
Posologie anti-syndrome de la bonne élève
Si le syndrome de la bonne élève était une maladie chronique, je te prescrirais le traitement suivant :
- Lecture quotidienne des articles de madmoiZelle, principalement ceux des sections développement personnel
- Un shot d’empouvoirement, à retrouver sur le mot-clé dédié, aussi souvent que nécessaire (tu ne risques pas le surdosage)
- Une exposition régulière à des modèles féminins inspirants, que ce soit par nos témoignages ou par l’écoute assidue du podcast Sois gentille, dis merci, fais un bisou.
- Apprendre à dire « non » : entraînement quotidien
- Participation au groupe de soutien des bonnes élèves qui ont envie d’arrêter de l’être, dans les commentaires de cet article !
Courage, sois forte, et surtout sois libre : c’est le meilleur moyen d’être toi-même !
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