Je suis célibataire, donc insomniaque. Dernièrement, je suis tombée sur un documentaire qui traitait de l’amour dans le règne animal. Il se terminait avec une voix mystérieuse assénant que « Les lois de l’attraction sont triviales. D’après le chercheur norvégien Grütt Van Der Zørbdas??StreØm [sous-titrage jaune], elles s’appliquent de la même façon aux Hommes…« . Comprendre : « Bonjour + levrette + mouflet + bon bah on est potes ». Mouais.
J’ai une autre théorie (je suis le genre de meuf qui théorise sur à peu près tout, surtout la nuit vu que j’ai que ça à foutre). Chez nous, la race supérieure (ouh yeah), entre 15 et 30 ans on est attiré(e) par celui ou celle qui nous ressemble. Et c’est complexe. Dis-moi comment tu t’habilles, je te dirai qui tu chopes.
Branchouilles mes couilles
Mais qui est donc ce barbu dont tu as subtilement jonché l’appart’ de Vania Kotydia, rasoirs Vénus et autres steaks de soja ? Un chef de chantier plein aux as ? Un figurant canadien pour la prochaine pub McCain ? Erreur. C’est ton compagnon qui, faute d’être grutier au Havre, est graphisto-deejayo-photographo-rentier free-lance et vit dans le 19ème, parce que « C’est le nouveau 11ème« .
Tu es le genre de fille dont on ne sait pas vraiment ce qu’elle fait, mais qui est à fond. Tout comme tu n’avoueras jamais que tu portes des lunettes juste pour le style, il ne retirera jamais son bonnet Franklin & Marshall, quitte à cuire sa calvitie naissante jusqu’à ce que mort s’en suive. Totalement « workwear« , il appelle pourtant trois potes avant de monter une étagère Ikea en criant « C’est bon, je gère » à chaque fois qu’elle s’effondre. En parlant de Suède, c’est votre destination de vacances préférées parce que « Stockholm, c’est le nouveau Berlin« .
Bogdanoff de la hype, vous avez l’air de frères et sœurs incestueux : détente dans ton jogging-chic en molleton, il porte un pantalon à entrejambe basse déniché grâce à toi sur Asos, pour être free de la boule. Dans ton sac à dos en cuir vintage, il y a ton iPad, Libé et Grazia. Dans son sac à dos The North Face, il n’y a rien. Il porte un pull de marin danois APC, tu as un top fluide Vanessa Bruno, il t’a piqué ta parka American Apparel unisexe et toi, sa veste en jean Lee Cooper.
« La Nu Disco c’est géniaaâaal« , « Vice c’est de la baaâalle« , et Tracks, n’en parlons pas. Vos pieds sont un cri d’amour aux chaussures orthopédiques : des baskets compensées Isabel Marant pour toi, des Caterpillar coquées pour lui. Tu as la coupe de cheveux d’un petit garçon, il a le mi-long gras de tes 15 ans. Il est aussi hystérique pendant les soldes Fred Perry que toi à un concert de Nicolas Jaar.
Branleurs professionnels, vous avez voté Mélenchon la larme à l’œil, comme ne l’indique pas le poids de vos portefeuilles. On a très envie de vous frapper, et vous ne comprenez pas pourquoi. Cherchez la définition de « social-traître » sur Wikipédia. Merci Dana.
DONNE MOI TON 06 BABYyyY, JE SERAI TA LADYyyYY, oH oui LaDYYYyy yeaAAaaHH [vibes]
Mais qui est donc cet éphèbe qui boite à Châtelet-Les Halles? Un athlète handicapé ? Un top-model constipé ? Trop pas, c’est ton keum qui a pris ses quartiers dans le métro parisien et ne s’y déplace qu’avec ses dix congénères à la démarche de lépreux. Pour mettre la pression, t’as vu. Toi, énamourée à l’extrême, tu imposes à toute la rame le dernier Rihanna en groovant du boule sans complexes, perchée sur des talons aiguilles en plastique New Look (chose incroyable, puisque ces armes de destruction massive auraient fait un tartare de bœuf poêlé de toute autre paire de pieds).
Ne reculant devant rien pour mettre en valeur ton « bootylicious », tu es généralement saucissonnée dans le jean slim à paillettes de ta petite sœur, voire dans un simple legging noir que la majorité des filles a relégué au rang de pyjama depuis 2002. Sac clouté-frangé en skaï, boucles d’oreilles en toc et veste en simili, tu portes le cheap au rang d’art. Tes cheveux glossy méchés « caramel/cappucino » et ton maquillage « Diana Ross » fait maison te donnent un faux air de J.Lo ratée.
Lui, son crew et toi ayant l’étrange habitude de vous croire partout dans votre canap’, vous vous étalez, parlez très fort, et mangez « à emporter » en tous lieux. Quand un citoyen suicidaire a la folie de vous demander de vous faire plus discrets, il se voit répondre cette petite douceur : « Vazi ya quoi, enkchulé ?! R’garde par terre ou j’te djéfonce, t’as vu. Crainri, il a craqué, cousin
« . Car oui, ton Jules a quelques problèmes d’élocution. Et lui non plus n’a peur de rien. D’ailleurs, son look « Guantanamo » monochrome tendance « running » est étudié au cas où il faudrait se mettre à courir et/ou se fondre dans le décor : survêtement Sergio Tacchini (prononcer : « Takchini ») vert sapin de toute beauté, Nike Requin et casquette moule-crâne (en arrière, pour l’aérodynamisme). Toujours est-il que ça te fait glousser comme un veau émasculé, et que tu balaies les derniers regards récalcitrants d’une menace de faux ongles imprimés léopard. Autant se faire arracher un œil à la petite cuillère. Grosse ambiance
I’m a creep, I’m a weirdo
Mais qui est donc cet être mystérieux tout de noir vêtu, à la coupe « fixation béton », au bras duquel tu es pendue ? Putain, t’as pécho the Crow ?! Batman ?! Raté, c’est un geek qui a décidé de choper, et vous étiez faits pour vous aimer. Toute sa vie, il a rêvé d’être Luke Skywalker et vivait dans un monde parallèle peuplé d’elfes bondissants, de pornos japonais, de rock allemand et de codes informatiques. C’est son meilleur ami asiatique qui vous a présenté à la Japan Expo, alors qu’il lui affirmait « J’te fais le « Hello world » en python, C++ et html5« .
Lui qui pensait que toutes les jolies filles étaient comme les noms de domaine (déjà prises), son sang n’a fait qu’un tour. Tes cheveux bleus raides comme des baguettes surmontés d’un gros nœud rose bébé, tu portais une jupe plissée d’écolière et un bustier moule-nichons en plastique, une jarretière de mariée sur des bas résilles déchirés, et des petites socquettes trop kawaï dans des chaussures de travelo. Il t’a regardée. Tu l’as regardé. Tu lui as dit « Bonjour » en minaudant sous une ombrelle en dentelle anglaise. Il t’a répondu « Azertyuiopqsdfghjklmwxcvbn » en s’étouffant dans sa salive. Et la baguette magique lumineuse avec laquelle tu virevoltais avait une ergonomie plus qu’ambiguë… Tu étais la lolita lubrique pour qui il préservait sa vertu. C’est beau.
Sisi la famille
Mais qui est donc ce gros à carreaux qui accompagne chacune de ses phrases d’un pas de breakdance, de dix moulinets, vingt-cinq checks et cinquante « Yes la famille ! La forme? Prend un verre sur mon compte. J’te présente machin ! Yo Gégé, mets Afrika BambaataaAAaa !!! Putain t’es là toi ?? Aaaaaah comment ça vaa ???!! Embrasse ta mère/ta meuf/ton chien ! Vous êtes bien installés ? On s’voit jeudi (au Bataclan) ? Tu viens dimanche (à la manif ) ? » ? Un animateur de barmitzva cocaïnomane ? Jean Roch ? Pauvre de toi, c’est ton gars. Enfin, il paraît.
Dans la vie, il a trois passions : le hip-hop, les blablas et sa mère. Tu as réussi à le choper pendant ses 2 jours et quart de célibat (« Moi aussi, j’écoute 2Pac » #LOL), et ça fait cinq ans que tu rêves de l’enchaîner à un parpaing, tout en piratant sa discographie en scred’ pour ne plus avoir un regard de poulpe quand il te parle. Zouzeux trop bariolé pour être honnête, il comble sa peur du vide par une über-sociabilité flippante. Toujours partant pour tout (« Grave. J’suis chaud.« ), il a un planning de ministre hyperactif et est toujours dans la place, au premier rang.
Chroniqueur radio, organisateur de soirées, rappeur, beatmaker, producteur, cracheur de feu, il a quand même trouvé un « vrai » boulot le jour où tu as tenté de lui arracher la tête pour de vrai. Le tout planqué sous une dégaine de b-boy nostalgique à motifs : barbe de mille jours, casquette New Era, baggy Marithé + François Girbaud, chemise de bûcheron Carhartt, doudoune sans manches Penfield et des baskets. Beaucoup. Il a une paire de Dunk, une paire d’Air Jordan, une de Pump et une de Superstar blanches, au bas mot.
Et toi dans tout ça ? Bah rien. Quand vous vous êtes rencontrés, tu étais funky, sexy et épanouie. Aujourd’hui, tu es roulée comme un muffin et ce n’est certainement pas ton charisme qui lui fait de l’ombre, mais plutôt les 4 kilos de stress que tu as pris dans chaque fesse. Vestimentairement, t’as lâché l’affaire depuis des lustres et uses tes basiques/cache-misère jusqu’à la corde tel un bon passe-partout, gardienne du temple. Pas de quoi écrire un roman. Un appart’ commun ? Un enfant ? Un lapin ? Une balade ? Une fleur ? Garde la pêche. Et en plus, il est beau. Vis ma vie de groupie.
Ouais, on est trop des rebelz, ouais
Mais qui est donc cette fille à qui tu sembles vouloir détacher les amygdales à grands coups de langue ? Ta meilleure amie parce que c’est cool ? Ta petite amie planquée ? Ah pardon, c’est un jeune homme. La salive que vous vous partagez par litres est loin d’être votre unique point commun. À ton cul de petit garçon perché au-dessus de cuisses sous-alimentées répond son gabarit de nabot asthmatique. La mue de sa voix semble éternelle, vous lustrez vos mèches respectives avec grand soin, vous habillez dans les même boutiques, braillez devant des groupes nuls qui commencent par « The », vouez un culte à toutes les stars mortes dans leur vomi et vous retrouvez dans tous les lieux dont les toilettes sont un nid à chlamydias.
Vos amis sont d’autres rockeux pré-pubères qui trouvent que leurs parents « Eh bah d’abord, eh bah c’est trop des connards !« . Connards qui vous octroient pourtant leurs cartes bleues sans sourciller, cartes bleues que vous prenez grand soin de faire griller pour parfaire votre garde-robe « preppy-60’s-trash » à coups de pantalons moulax, perfectos, t-shirts crades, blazers à écussons et couvre-chefs vintages de chez Zadig & Voltaire, Noir Kennedy, des millions de friperies et – la base – The Kooples. The Kooples dont vous harcelez l’attachée de presse de mails incendiaires (« Eh bah d’abord, eh bah mon père il est avocat !« ) devant son refus catégorique de faire de vous leurs nouvelles égéries, but ultime de votre vie.
Constamment à califourchon l’un sur l’autre, les mots « pudeur » et « bienséance » vont sont totalement étrangers. Toujours vénères, vous adorez être bourrés dans le métro et que ça se voie, vous engueuler en pleine rue et que ça s’entende. Sailor et Lula au rabais, d’autres que vous auraient pris perpèt’ et que vos propres parents voudraient vous emmurer pour que vous la fermiez. À la place, ils vous parquent dans des écoles privées, et vous devenez riches et mielleux en deux-deux. 3615 Fracture Sociale.
Sur ce, j’en ai fini. Je vais dormir. Déchaînez-vous bien, et bisous.
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Les Commentaires
Bon en vrai même ce passage m'a fait rire mais j'en ai un peu ras le bol d'en entendre des vertes et des pas mures sur ma "tribu"