- Prénom : Suzy
- Âge : 27 ans
- Occupation : Commerciale
- Lieu de vie : Petite ville en Ontario (Canada)
Comment décririez-vous votre rapport au féminisme ?
Sain ! Le féminisme fait partie de ma vie professionnelle et personnelle. Je travaille dans un monde d’hommes et j’ai appris à mes dépens à prendre la place qui m’est due. Pas celle de la « nice girl », mais celle qui me revient en tant que personne compétente. Je suis aussi dans une dynamique de sororité envers toutes les femmes que je peux côtoyer de près ou de loin.
Avez-vous grandi dans un milieu féministe ?
Oui et non. J’ai été élevée pour devenir une femme forte et indépendante. Malheureusement, plus je devenais forte et indépendante, plus mes parents (ma mère surtout) avaient peur que je sois exclue de notre société. Avec le temps, cette peur est devenue toxique. Mon grand frère ne se revendique pas féministe mais il l’est et sa copine l’est.
À quand remonte votre déclic féministe ?
C’était lors de ma dernière année d’études supérieures en 2018 que j’ai réellement pris conscience de ce qu’était le féminisme. J’ai découvert Swann Périssé. Je pense que c’est la première réelle féministe que j’ai commencé à suivre sur les réseaux sociaux. Ma réelle prise de conscience et de position est venue en 2020 pour plusieurs raisons : le COVID (j’avais soudainement plus de temps pour me renseigner sur le sujet), mon déménagement à l’étranger (Pays-Bas) et j’ai commencé à travailler dans une entreprise en adéquation avec mes valeurs. Je me suis rendu compte que ce que je trouvais normal dans ma boîte était loin d’être normal pour la plupart des gens.
Ça m’a pris environ 2 ans avant d’être fière de me dire féministe. J’avais surtout besoin de m’émanciper et de découvrir qui je suis. Aujourd’hui, ça fait vraiment partie de mon identité.
Comment le féminisme infuse-t-il votre vie aujourd’hui ?
J’ai l’impression d’avoir mis des lunettes qui me font voir tout de manière plus claire. Ou que ma vie entière était couverte d’un voile qui a disparu aujourd’hui. Évidemment, il y a encore beaucoup de choses que je découvre petit à petit, notamment sur les inégalités raciales et mes privilèges en tant que femme blanche. Je travaille dessus de plus en plus.
Dans le domaine professionnel, le sexisme ordinaire me révolte. Lorsque je parle avec des amies, j’ai l’impression de remettre les pendules à l’heure continuellement afin de leur rappeler qu’elles valent mieux que ça.
Avec mes parents, c’est très compliqué, car ils ne comprennent pas mes positions.
Côté sentimental et sexuel, j’ai beaucoup de mal. J’ai eu beaucoup de relations où j’ai dit oui par « obligation » sans savoir que c’était une erreur. Mon éducation sexuelle va de pair avec mon éducation féministe.
Aujourd’hui, j’ai peur d’avoir des relations sexuelles avec un homme. Je ne souhaite pas être en couple car tous les hommes autour de moi traitent les femmes avec qui ils partagent leurs vies comme des objets acquis. Ça me manque d’avoir des relations sexuelles, mais pas au point de faire des concessions sur mes valeurs féministes.
Suzy, 27 ans
Je vois une psy féministe depuis peu, affaire à suivre…
Avez-vous laissé de côté certaines habitudes, déconstruit certaines croyances, ou posé de nouvelles limites ?
J’ai arrêté de m’excuser pour tout et trop rapidement. Je n’ai pas de problème à m’excuser si je sais pourquoi et comment j’ai heurté l’autre. Si ça ne me concerne pas, je ne m’excuse pas. Exemple : Je dis quelque chose, qui n’est pas forcément blessant, à un homme. Il est touché dans son égo. Ce n’est pas mon problème et on avance.
Je soutiens les femmes que j’aime quoi qu’il arrive, même si elles font de la merde et que je ne suis pas d’accord. Je pars du principe que si je les aime, c’est qu’elles en valent la peine et donc je les soutiens sans être d’accord avec elles. Ça change tout quand on sait que quelqu’un sera toujours là pour soi, on a tous nos hauts et bas.
Je ne maquille plus systématiquement, je ne porte plus de soutiens-gorge systématiquement, je ne me coiffe plus parfaitement, je m’épile par ce que j’ai envie d’avoir la peau douce une fois tous les 6 mois…
Je pense à mon bien-être avant celui des autres quand je prends des décisions qui me concernent. Mon corps, ma vie, mes choix, mes rêves.
Je ne supporte plus les vieux Disney et cette idée d’attendre un homme pour être délivrée et heureuse.
J’ai remis la religion chrétienne à sa place dans ma tête, c’est-à-dire que c’est une croyance comme une autre et elle peut évoluer. Je suis athée depuis toujours et toute ma vie, j’ai côtoyé des personnes catholiques. Toute ma vie, j’ai fait attention à ce que je disais pour ne pas blesser la foi de l’autre et ses valeurs. Il y a un an, mes valeurs ont été piétinées par des personnes catholiques extrémistes. Durant toute cette conversation, je marchais sur des œufs. J’étais la seule à le faire. J’ai décidé que ce manque de respect n’était plus possible. Mes valeurs et mes croyances sont tout aussi légitimes que n’importe quelle religion.
Je ne parle plus à ma mère car elle est pire que tous les haters sur internet (sans les dick pics !).
Je passe beaucoup de temps au volant pour mon travail, donc j’écoute énormément de podcasts :
- À bientôt de te revoir (Binge Audio)
- Afrotopiques
- Am I normal? With Mona Chalabi (TED Audio Collective)
- Body stuff with Dr. Jen Gunter (TED Audio Collective)
- Camille (Binge Audio)
- Championnes du monde
- Cherchez la femme
- Chronique du sexisme ordinaire
- Contre soirée par AnnaRvr
- Discultons
- Emotions (Louie Media)
- En tête à tête avec Colette Williams
- Encore heureux (Binge Audio)
- Entre nos lèvres
- Entre (Louie Media)
- Ex… par Agathe Lecaron
- Femmes Puissantes (France Inter)
- Fixable (TED Audio Collective)
- How to Be a Better Human (TED Audio Collective)
- Injustices (Louie Media)
- Kiffe ta race (Binge Audio)
- Le Cœur sur la table (Binge Audio)
- Soulever des montagnes
- Le podkatz par Juliette Katz
- Les couilles sur la table (Binge Audio)
- Les seins : toute une histoire par Gala Avanzi
- Manger (Louie Media)
- Mansplaining (Slate Audio)
- Mécréantes
- Miroir miroir (Binge Audio)
- Nourrir le vivant (Le Cirad)
- Nouvel œil
- On peut plus rien dire (Binge Audio)
- On s’tient au jus (Camille et Justine)
- Papatriarcat
- Pedagojouie (Passage du Désir)
- Rappelle-toi demain (Binge Audio)
- Regard (Louie Creative pour Blissim)
- Salut, ca va ? (Take Kare)
- Tchatcheuse par Marie de Brauer
- Un podcast a soi (Arte radio)
- Une Autre Histoire (Louie Media)
- Venus s’épilait-elle la chatte ?
- Vulgaire (Slate Audio)
- Y’a plus de saisons (Binge Audio)
Évoluez-vous aujourd’hui dans des cercles féministes ?
Officiellement non. L’entreprise pour laquelle je travaille ne se revendique pas féministe mais la parité est quasi là à tous les niveaux et beaucoup de choses sont mises en place pour aider à atteindre une équité à tous les niveaux de l’entreprise.
L’ensemble de mes amis savent que je suis féministe et le respectent, mais aucun ne l’est et/ou ne l’assume. J’ai énormément de questions et discussions sur ce sujet avec mes amies.
Par ailleurs, je vis actuellement à l’étranger et j’ai beaucoup de mal à trouver des associations féministes là où je vis.
Votre féminisme est-il parfois source de friction autour de vous ?
Oui, notamment avec mes parents. Très peu avec mes amis, car j’ai énormément de repartie et beaucoup ne cherchent pas à me contredire en face. Je soutiens publiquement les gens facilement, et donc si j’ai besoin de soutien lors d’un débat, je n’ai pas de problème à le trouver.
Avez-vous l’impression d’être arrivée au bout de votre éveil féministe ?
Non. Être féministe, c’est vouloir changer notre société fondée sur le patriarcat. C’est partout, tout le temps. Chacun ouvre les yeux à des vitesses différentes et c’est déconstruire et reconstruire chaque jour un petit peu.
Ce sont des travaux énormes, si on ne fait pas petit à petit, à son rythme, il est facile de se sentir découragé•e ou de vouloir tout envoyer valser. Bienveillance, temps et confiance sont les piliers pour réussir à évoluer vers une société plus équitable, inclusive et juste.
Les Commentaires
Ah si je pouvais lire ça, et vivre ça plus souvent...
Gros big up à cette mad'z