Vous n’avez pas su convaincre vos mouflets que vous étiez libre et autonome et cette bande d’ingrats vous a flanquée en maison de retraite ? Soyons clairs, il n’y aura qu’une seule vengeance : virer tout le monde du testament (faire semblant de radoter lors des visites mensuelles peut également être un bon moyen d’enquiquiner).
En attendant, la psychologie sociale* vous donne quelques astuces pour ne pas décrépir dans votre nouveau lieu de vie.
Depuis les années 70, les chercheurs se sont intéressés à nous et à nos modes de vie en institution. Et puisqu’il faut bien que les chercheurs trouvent, ils sont parvenus au constat suivant : avoir un sentiment de contrôle et de responsabilité sur les évènements quotidiens a des effets positifs sur le fonctionnement psychologique et la santé physique. Camarades, vous m’avez bien entendue, croire que l’on est maître en sa propre demeure pourrait bien nous allonger l’espérance de vie !
Pour arriver à cette découverte, Langer et Rodin (1976, 1977) ont comparé deux groupes de personnes âgées vivant en institution :
? Groupe 1 : on explique aux individus l’importance de prendre conscience qu’ils peuvent influer sur leurs conditions de vie au sein de l’institution, notamment en communiquant leurs souhaits au personnel.
? Concrètement, les résidents sont informés de la possibilité d’avoir une plante dans leur chambre et de s’en occuper eux-mêmes, d’aménager leur chambre comme ils le souhaitent et de choisir quelle soirée ils préfèrent consacrer à regarder un film.
? ==> Les individus de ce groupe auraient ainsi la possibilité d’avoir une responsabilité sur leur propre vie.
? Groupe 2 : cette fois-ci, ce sont les membres du personnel qui ont une responsabilité vis-à-vis du bien-être des résidents. Une plante est offerte aux personnes âgées, mais c’est le personnel qui en prendra soin; leur chambre sera aménagée du mieux possible, mais par le personnel; une soirée cinéma leur est imposée.
? ==> Ici, les responsabilité va du côté du personnel, et le groupe est un groupe de comparaison.
Suite à l’expérience, l’équipe de chercheurs constate que les résidents du groupe 1 (groupe « responsabilité ») se sentaient plus heureux, plus actifs et plus vifs que les autres résidents.
De la même manière, le personnel soignant observe que les personnes du premier groupe se sont améliorées, ont plus d’activités interpersonnelles (interaction avec les autres), passent moins de temps devant la télévision, se rendent plus à la séance de cinéma… et montrent une amélioration plus importante de leur état de santé général.
Et puis, parce que les chercheurs nous prennent parfois pour des rats de laboratoires, n’oublions pas la conclusion la plus impressionnante : après un suivi de 18 mois, deux fois plus de personnes du groupe 2 (« comparaison ») sont décédées par rapport aux personnes du groupe 1 (« responsabilité »).
Malgré tout, le principe ne fonctionne pas pour tout le monde et selon l’avancée en âge, avoir plus de contrôle peut également mener vers plus de stress et d’inquiétudes (Rodin, 1986).
Évidemment, je suis peut-être grisonnante, mais je n’ai pas encore perdu la boule : dites, ils ont pas un peu joué aux apprentis sorciers, là, les psy ? N’y a-t-il pas un léger débat éthique là-dessous ? Peut-on tout tenter au nom de la science ?
Quoiqu’il en soit, avec l’idée que tout conseil est toujours bon à prendre, retenons que :
? Adopter un bégonia peut nous sauver (momentanément) des pattes de la Grande Faucheuse. N’hésitez pas à l’arroser, le ré-arroser et lui susurrer des mots doux (mieux vaut mettre toutes les chances de notre côté) et envoyez bouler chacune des personnes qui voudrait le faire à votre place (s’ils ont lu cet article, c’est qu’ils sont mal intentionnés).
? Ranger et organiser soi-même sa chambre est salvateur. Et là, j’y vois une blagounette du karma, ce sacré farceur : alors même que l’on a seriné des années durant à nos mômes qu’il fallait qu’ils rangent leurs chambres à grands renforts de menaces plus ou moins sympathiques (« Oui, Jean-Claude, l’inspection des chambres est faite la nuit par le dahu et si la tienne est sale, il va te MANGER » – l’énervement parental peut mener à des manquements pédagogiques majeurs), voilà que l’épée de Damoclès change de camp et vient se coller au dessus de nos têtes. Grosso modo, le dahu sera plus conciliant si l’on aménage soi-même son espace à tout âge de la vie. Soit.
? Choisir le jour que l’on consacrera à regarder un film nous offre quelques jours de plus. Je crois que personne ne regardera plus jamais le programme télé de la même manière. Autant vous dire que les disputes sur le choix du film seront désormais plus virulentes que jamais, question de vie ou de mort oblige.
Camarades, Mamizelles, vous êtes prévenues et je n’ai qu’une chose à vous dire : bonne chance, la route est longue et les emmerdeurs nombreux, mais à nos âges respectables, on peut aisément dire merde sans se faire engueuler !
* si tenté que l’on puisse prendre au sérieux les dires de ces nouveaux astrologues… Parler, parler, parler… C’est par parler qui va stopper la faim dans le monde, crénom !
Pour aller plus loin :
– L’expérience relatée
– Un article sur les personnes âgées en perte d’autonomie
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
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