Le 3 février 2018, après une soirée où je fêtais mon anniversaire, j’ai vécu un viol ainsi que des faits de voyeurisme avec l’enregistrement de vidéos, ainsi que la diffusion du contenu.
Le lendemain, en état de choc, je me suis confiée à une copine. Je n’oublierai jamais ses mots employés, comme un poignard : « Tu ne te respectes pas ». Cette phrase a résonné en moi des années et je m’identifiais comme une femme qui ne se respecte pas et qui mérite cette situation.
J’ai également subi des intimidations pour que je ne parle pas de cette nuit-là. Ce qu’il s’était passé avait été banalisé. J’avais tellement honte que je ne voulais plus en parler.
La culture du viol, c’est justement ça : l’environnement social qui se permet de normaliser et de justifier les violences sexuelles, alimenté par les inégalités persistantes entre les sexes et les attitudes à l’égard des femmes.
Le déni et la culpabilité
Je n’avais pas été entendue ni reconnue dans mes souffrances alors que j’avais besoin d’aide ! À la place, je me suis retrouvée enfermée dans la culpabilité.
Je n’ai pas porté plainte directement puisque je ne me considérais pas comme une victime de viol. J’avais si peur à propos des vidéos. Je me sentais sale, coupable et je voulais à tout prix oublier.
Je suis alors entrée dans le déni et dans des conduites dissociantes pour tenter d’apaiser mes maux. J’ai rapidement développé du stress post-traumatique, des troubles du comportement alimentaire, ainsi qu’une fibromyalgie.
Le déclic et la dépression
Un an après les faits, c’est en discutant avec une copine que j’ai réalisé la violence que j’avais subie. C’est la première fois que le mot viol était associé à mon histoire. Ce fut un choc pour moi, à vrai dire, je ne sais même plus la réaction que j’ai eue car le traumatisme altère ma mémoire.
Suite à cela, j’ai réussi à demander de l’aide psychologique. Cela m’a aidée à sortir du déni. Ce qu’on ne dit pas, c’est que le déni est confortable. Une fois que tu ouvres la porte, c’est le début d’une longue descente aux enfers : le repli sur soi, la dépression, les crises d’angoisses, les pensées suicidaires…
Après un long parcours du combattant, j’ai finalement déposé plainte le 9 mars 2021, soit 3 ans après cette nuit-là. C’était tellement énorme pour moi d’avoir franchi cette étape.
À ce moment-là, je n’avais pas d’attente, je voulais surtout dénoncer les faits. Je ne m’attendais pas à ce qu’une enquête soit menée, car on m’avait déjà préparée au pire. Quand l’inspecteur de police m’a vivement conseillé de prendre un avocat, je me suis sentie entendue et de l’espoir est né en moi.
Un an plus tard, ma plainte a été classée sans suite. Désespérée par cette situation d’injustice, j’ai tenté de mettre fin à mes jours.
Pour rebondir, j’ai dénoncé anonymement les faits sur les réseaux sociaux et cela s’est mal passé. Je fais l’objet de plusieurs plaintes pour calomnies, diffamation et harcèlement. Convoquée par la police pour être entendue en tant que suspecte, j’ai vécu une audition violente et culpabilisante.
Reprendre le pouvoir sur ma vie
Avec l’accumulation des violences et des injustices que je vis, mes peurs se sont transformées en colère. Pour ne pas être consumée par ce feu, j’ai décidé de parler publiquement de mon histoire. J’avais ce besoin vital de me libérer et de reprendre le contrôle de ma vie.
Le 30 décembre 2022, j’ai ouvert une page Instagram pour raconter mon histoire. Dans un premier temps en restant anonyme.
Mais plus le temps passait et plus je me demandais pourquoi c’est à moi d’avoir honte, de me cacher alors que le véritable coupable c’est le violeur ?
Je me suis débarrassé de mes peurs et c’est pour cela que 5 ans après les faits, j’ai participé à une séance photo symbolique. Le soir même, j’ai publié une photo de moi pour dévoiler mon identité. C’est ainsi que j’ai choisi de renaître tel un papillon.
Cette séance photo était une manière pour moi de me réapproprier mon corps que j’ai tant détesté et maltraité ces dernières années. Comment l’aimer après ce qu’il s’est passé ? Je l’ai déserté, lui qui m’a trahie en ne résistant pas à la violence du choc.
J’espère un jour être totalement en paix avec mon enveloppe corporelle et avec moi-même. La guérison n’est pas linéaire, mais le premier pas est l’acceptation de ces maux. J’accepte que mon corps a changé, qu’il n’a plus les mêmes capacités. J’apprends à être plus douce envers lui, à l’écouter et à le regarder avec amour et bienveillance.
Survivante, pas victime
Avec mon pseudo @celine_la_survivante, je balaie le terme de victime dans lequel je ne veux pas être enfermée. Je suis une survivante car j’ai décidé de reprendre le dessus et de me battre pour faire valoir mes droits.
Aujourd’hui, j’ai trouvé du sens à ce que j’ai vécu. C’est un travail de prévention et de réparation que je mène en libérant ma parole.
À travers ma page, j’accompagne les personnes survivantes de violences sexuelles dans leur parcours de reconstruction grâce à mes compétences d’assistante sociale et de coach de vie. Je sensibilise aux violences sexuelles, à la santé mentale et je dénonce les violences institutionnelles que nous pouvons rencontrer.
Mon but est d’en faire mon activité principale en proposant mes services dans l’accompagnement individuel, mais aussi en proposant des interventions dans les écoles et les lieux socioculturels.
De nature peu à l’aise en société, c’est un défi pour moi, car je sors de ma zone de confort en prenant la parole face caméra et en menant des actions de prévention et de sensibilisation sur le terrain, en allant à la rencontre des citoyennes et citoyens.
J’aborde des sujets tels que le consentement, la santé mentale, les ressources d’aides en cas de violences sexuelles, accepter ses maux et les soigner, la réappropriation de son corps, etc.
Éveiller la société
C’est important d’en parler, pour ne plus que ces sujets restent tabous. Il faut éveiller la société, déconstruire les idées reçues pour aider d’autres personnes survivantes à se libérer et avancer vers la résilience. Alors parlons-en tant que possible, car la honte doit changer de camp.
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
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