En novembre dernier, je préparais mon sac à dos pour ce qui serait à mes yeux le périple de l’année. Je partais un mois en Thaïlande, seule ! Je voyais ça comme une transition entre ma feu vie étudiante et mon futur d’adulte-responsable-avec-le-job-qui-va-bien-et-les-impôts-aussi. Une sorte d’épreuve du feu pour me montrer que oui, j’étais capable de me débrouiller toute seule dans un endroit et une culture que je ne connaissais pas.
Ça faisait déjà pas mal de temps que je vagabondais sur de nombreux blogs de voyages, en rêvant de prendre moi aussi le large à la découverte du monde. Un jour, alors que je noyais mon ennui sur la Toile, je suis tombée sur cet article très intéressant.
Ce couple de voyageurs nous explique le processus de dressage et les moyens utilisés pour domestiquer les éléphants en Thaïlande, et c’est rudement bien expliqué. Il décrit aussi le traitement barbare que l’on réserve à une majorité de pachydermes dans ce pays (et dans toute l’Asie du Sud-Est en général).
Je ne m’étais jamais posé de questions sur cette activité touristique, je l’avoue. Pour moi, comme pour beaucoup d’autres, la promenade à dos d’éléphant était un peu LA chose à faire quand on partait en vacances dans ce coin du monde…
Un projet à taille humaine pour améliorer les conditions de vie en captivité
Saisie par ce problème, mon prétexte pour partir découvrir la Thaïlande était tout trouvé. J’ai donc cherché une manière alternative d’approcher les éléphants d’Asie. Et je suis tombée sur le Surin Project. C’est en réalité une sorte de « projet annexe » à l’Elephant Nature Park de Chiang Mai, qui est le sanctuaire d’éléphants le plus connu de Thaïlande.
Le Surin Project est implanté dans la bourgade de Ban Ta Klang (dans la région de Surin, à l’Est de la Thaïlande) depuis 2009. Ban Ta Klang est un village qui a été créé par le gouvernement thaïlandais afin de lutter contre la mendicité des cornacs accompagnés de leur éléphant. Pour info, la définition de cornac sur Wikipédia :
Un cornac (dérivé du mot indien cornaca) ou mahout, est à la fois le maître, le guide et le soigneur de l’éléphant. On est cornac de génération en génération. Normalement un cornac s’occupe d’un seul éléphant au cours de sa vie. Cette relation entre l’homme et l’animal est particulièrement développée en Asie où l’éléphant reste encore un moyen de transport de matériaux dans les zones difficiles.
Le gouvernement a rassemblé ces cornacs dans ce village, en échange de quelques centaines d’euros d’aides par mois. Malheureusement, les conditions de vie pour les éléphants sont loin d’être parfaites, essentiellement à cause du manque de terrain.
Un éléphant enchaîné, comme tous ceux du village.
Le Surin Project essaie donc de venir en aide aux cornacs et à leurs éléphants afin d’offrir à ces derniers de meilleures conditions de vie. Pour l’instant, il y a 14 pachydermes dans le projet (pour 200 dans le village) : le chemin est encore long.
Le projet agit de différentes façons. Il prend en charge les coûts de l’entretien des éléphants (très importants pour un cornac). Les animaux sont aussi laissés en liberté la majeure partie de la journée (le reste du temps, ils sont enchaînés comme les autres, faute de place et d’infrastructure sécurisée). Le but du Surin Project est aussi de montrer aux cornacs que l’on peut travailler différemment avec son éléphant.
Pour ça, lorsqu’ils font partie du projet, ils ont l’interdiction de posséder un « hook » (marteau à bout pointu, dont on se sert pour se faire obéir de l’animal — on peut le comparer à un pic à glace). Le bâton simple est autorisé, mais seulement en cas de danger. Grâce à ça, une nouvelle relation se crée entre le cornac et son éléphant, puisque celui-ci ne lui obéit plus qu’à la voix.
Su Chad, un cornac, qui adore regarder les pachydermes jouer dans l’eau.
Un village bourré de paradoxes
Malheureusement, tout n’est pas rose à Ban Ta Klang. Il est connu dans la région pour être « le village des éléphants », et draine donc quotidiennement beaucoup de touristes venant profiter des activités proposées.
C’est ainsi qu’on trouve, à l’autre bout du village (assez éloigné du coin où se trouve le Surin Project), un cirque et un endroit pour faire des balades à dos d’éléphants. Ces activités servent à faire vivre les centaines de cornacs qui ne font pas partie du projet, et étaient présentes bien avant l’arrivée de celui-ci.
Vous pouvez voir ci-dessus la fin du spectacle de cirque : les éléphants sortent de la piste. On peut voir le crochet dans la main du cornac. Quand il est sorti de scène, il l’a brandi pour intimider l’animal et le faire avancer plus vite. (Photo de piètre qualité, mais les cornacs du cirque redoutaient les photos prises par des volontaires, susceptibles d’atterrir sur Internet… Oups.)
Un éléphant qui attend les prochains touristes, toujours sellé, avec quelques cannes à sucre à grignoter.
En arrivant au village, je m’attendais à voir des grands coins de verdure, où les éléphants se détendraient les pattes, toutes trompes en l’air. Mais je me suis vite rendue compte que cette vision était assez utopique pour ce coin de Thaïlande. D’ailleurs, le Surin Project n’est en aucun cas un sanctuaire d’éléphants (comme c’est le cas à Chiang Mai). Le projet est justement là pour aider les cornacs à améliorer leurs conditions de vie. Et en fait, c’est juste magnifique de voir la relation privilégiée qu’entretiennent l’éléphant et son maître.
Certes, ils ne sont pas en liberté 24h/24, mais quand je pense que le projet n’existe que depuis 6 ans, je me dis qu’un jour, peut-être, ils le seront.
Quand j’y étais, il y avait 11 éléphants dans le Surin Project. En janvier, il a accueilli une mère accompagnée de son éléphanteau et en février, un nouvel animal est arrivé. Le projet grandit à vue d’œil, et l’envie de reprendre un billet d’avion me démange depuis que je suis rentrée… Franchement, comment résister à ça ?
Moi aussi je te fais des bisous.
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Les Commentaires
La vie au sein du projet est très paisible. Il y a 12/13 volontaires maximum par semaine, et pendant que j'y étais, nous n'étions que 9, ce qui rend l'ambiance très familiale. Au niveau des commodités, c'est assez spartiate. Il y a différentes "maisons" dans le village réservées aux volontaires, avec deux personnes dans chacune d'elles. Les maisons sont en bois, il n'y a que deux chambres en fait, avec juste un matelas et une moustiquaire (faut pas avoir peur des bêtes :taquin. La salle de bain est une petite pièce à l'extérieur avec une douche "à la thaï" (c'est une genre de poubelle en plastique remplie d'eau avec une grosse louche pour s'arroser). Mais en vrai, ça a son charme. J'étais un peu flippée au début mais à la fin de la semaine, je ne prêtais même plus attention à ce manque de confort, et j'étais vraiment la plus heureuse du monde là bas (et j'ai même tenté de gratter une semaine de plus, mais c'était malheureusement complet).
Si je pouvais y retourner, je le ferai sans hésiter, c'était vraiment une expérience de dingue. En plus, quand tu voyages seule, c'est cool d'aller dans des endroits comme ça, ça te permet de tisser des liens forts avec d'autres personnes.
Si tu as d'autres questions, n'hésites pas, je serais ravie d'y répondre !