Une nouvelle génération d’influenceurs écolos s’est emparée de TikTok pour sensibiliser aux enjeux de la crise climatique. S’appuyant sur l’humour et l’imitation, propres à ce réseau, ces activistes numériques font résonner le combat de la « génération climat ».
En août 2018, cette éco-activiste avait protesté, seule, devant le Parlement suédois alors qu’elle n’avait que 15 ans. Son sit-in avait duré plusieurs semaines et visait à dénoncer l’inaction du gouvernement face à la crise climatique. Depuis, la Suédoise a lancé les « grèves scolaires pour le climat », est apparue en Une du Time et a interpellé une soixantaine de dirigeants mondiaux d’un « Comment osez-vous ? », lors d’un sommet de l’ONU.
Devenue un symbole de la lutte écologique, Greta divise les boomers mais inspire les jeunes du monde entier.
Pour s’en rendre compte, il suffit de faire un tour sur TikTok. La plateforme chinoise de partage de vidéo regorge de contenus « green » dédiés à l’environnement et le hashtag #ClimateChange cumule plus de 930 millions de vues. A coups de challenges, musiques et formats courts, la « génération Greta » s’est emparée de TikTok pour poursuivre son combat.
Pour le climat, on participe
Lancée en 2016, l’application TikTok permet de créer et partager des vidéos d’une durée maximum de 3 minutes sur un fond musical. Pour qu’un contenu y devienne viral, il doit être percutant et surtout reproductible à foison.
Cet aspect participatif a inspiré le lancement de plusieurs défis environnementaux sur TikTok. En janvier 2019, le DJ Alan Walker encourage les utilisateurs du réseau à « faire une action pour protéger la nature » et à la diffuser avec le hashtag #DifferentWorld, en référence à son titre du même nom sur le changement climatique. Bingo, les millenials mordent à l’hameçon et les contenus postés cumulent plus de 150 millions de vues.
Flairant la tendance, TikTok lance à son tour le #CleanSnap challenge. Ce défi consiste à se filmer en train de nettoyer ce qu’il y a autour de soi en un claquement de doigt (vive le montage). Le réseau social promet de verser un don à l’association Wings of the Ocean qui lutte contre la pollution des océans à chaque nouvelle vidéo.
Nés autour des années 2000, la génération Z représenterait 60% des utilisateurs de TikTok aux États-Unis, selon l’agence de communication digitale Wallaroo Media. Le dérèglement climatique était la préoccupation principale des « zoomers » en 2020, selon une étude Deloitte, et les dernières nouvelles sur l’état de la planète ne risquent pas d’apaiser leurs craintes.
Alors au-delà des challenges, les jeunes générations proposent aussi sur TikTok des formats informatifs pour convaincre leurs homologues d’agir.
Leur arme fatale ? L’humour, of course ! Dans une vidéo vue plus d’1 million de fois, Alex Engelberg, micro filaire à la main, chante par exemple plusieurs conseils pour devenir écolo. Parmi eux : « Ne pas jeter 2,4 millions de barils de pétrole dans le golfe du Mexique » — en référence à l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon en 2010. Malin le lynx.
Des vidéos pour diffuser les bonnes pratiques
Face à l’engouement suscité par les contenus écolos sur sa plateforme, TikTok a lancé le hashtag #EcoUnited en juin 2020. L’objectif est simple : encourager les utilisateurs et utilisatrices à adopter un mode de vie plus écoresponsable.
Cette mission est entre autres portée par un collectif de militants réuni sur le compte EcoTok, créé en juillet 2020 et suivi par plus de 100 000 personnes. Ce groupe compte 16 membres dont des scientifiques, des étudiants, des éducateurs en environnement et des fonctionnaires.
Leurs vidéos n’ont rien à envier à celles des stars de la Hype House (une villa de Los Angeles où cohabitent des tiktokeurs populaires) et utilisent tous les codes de la plateforme pour diffuser des bonnes pratiques écolos, comme le recyclage des peaux de banane :
Et ils ne sont pas les seuls écoactivistes à toucher des milliers d’utilisateurs de TikTok. La Californienne Taylor Bright propose, par exemple, des contenus sur l’impact de la fast-fashion ; dans une vidéo vue plus de 900 000 fois, elle s’attaque aux « ordures » que sont les pantalons de yoga du fait de la pollution de l’eau émise lorsqu’on les passe en machine.
Sur le compte de Shelbizlee (190.000 followers), on aborde le sujet du recyclage ou de la durabilité avec pédagogie et humour, obviously. Sa cible préférée : les boomers.
La France aussi a son lot d’influenceurs verts sur TikTok. Cindy, du compte Beegreener, est suivie par plus de 63.100 abonnés ; cette « écolo imparfaite » divulgue ses astuces pour tendre vers le zéro-déchet et consommer de manière plus responsable.
Dans le même thème, Ludovic F., éboueur, publie des vidéos pour sensibiliser les jeunes à la surproduction de déchets.
« Nous avons besoin que tout le monde soit écolo »
Cette génération de militants écolos 2.0 inspire, mais est-elle vraiment persuasive ? Pour Romain Badouard, maître de conférences à l’Université Paris 2, l’utilisation de TikTok peut permettre de faciliter la mobilisation :
« C’est une plateforme participative donc on peut prendre part à la lutte de manière simple, en une vidéo, en un swipe. Pour certains, ce “slacktivisme” [ndlr : activisme sur Internet qui consiste à cliquer pour s’engager] est trop facile, mais cette facilité joue justement un rôle important car elle agrège des gens qui, peut-être, resteraient loin des mobilisations traditionnelles. »
Romain Badouard au micro de Thomas Rozec pour Programme B
D’ailleurs, l’application a déjà montré sa capacité à rassembler autour de causes politiques. Les luttes féministes, LGBTQI+ et antiracistes sont très présentes sur le réseau ; les vidéos #BlackLivesMatter se sont par exemple multipliées après la mort de George Floyd.
Pour ces sujets, comme pour le climat, le format et les codes de la plateforme permettent de propager le message au plus grand nombre, comme l’a confié Carissa Cabrera, TikTokeuse membre du collectif EcoTok, au média DW :
« Nous avons besoin que tout le monde soit écologiste. Les gens doivent se sentir motivés et inspirés pour le faire, au lieu d’être culpabilisés. Mais il y a ce cercle vicieux parce que c’est une urgence climatique. Nous n’avons pas beaucoup de temps. »
L’application la plus téléchargée du monde semble être une cible de choix pour les activistes de la lutte écologique. Attention toutefois à ne pas trop en abuser : son empreinte carbone est la plus élevée de tous les réseaux sociaux, devant Youtube, Twitch ou Instagram, selon une étude de Greenspector.
Alors pour sauver la planète, on peut aussi faire grève des réseaux ou de l’école, comme Greta.
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