— Article initialement publié le 21 novembre 2021.
Dans la vraie vie (ou IRL comme disent les plus anglophones d’entre nous), Elisabeth, 27 ans, vit dans le sud de la France, du côté de Montpellier, et travaille dans l’hôtellerie. Mais sur TikTok, @Eliefy cartonne avec ses vidéos.
Crash tests de produits de maquillage intrigants, tutos coiffures, ou encore hauls et conseils mode, Elie Fy se distingue et excelle surtout dans ses vidéos de développement personnel.
Avec autant d’éloquence que de décontraction, elle parle de surmonter ses complexes physiques, d’amour, d’autonomie, de solitude, et de santé mentale. Une meuf à la fois terre à terre et inspirante, loin des influenceuses classiques dont les contenus ont vite fait de complexer à force de verser dans la positivité toxique !
C’est pourquoi on a voulu poser à Elie Fy quelques questions pour mieux comprendre son travail, ainsi que la différence entre TikTok et les autres réseaux sociaux. Interview-portrait express.
Interview de la tiktokeuse @ElieFy
Madmoizelle : Comment et pourquoi t’es-tu lancée sur TikTok ?
@ElieFy : J’ai téléchargé l’appli dès 2019, et j’en avais une utilisation très passive au début. Après avoir commencé à poster de façon relativement irrégulière, je m’y suis attelée plus sérieusement au tournant de l’année 2020-2021.
La pandémie a clairement joué, vu qu’on était soudainement beaucoup plus nombreux à regarder TikTok — et à créer dessus, aussi. J’ai sûrement été influencée à acheter plein de vêtements à la mode sur la plateforme (rires) !
Depuis, je développe du contenu principalement autour du style et du développement personnel, car c’est aussi ce que je regarde et apprécie sur l’appli.
En quoi est-ce si pertinent d’allier des contenus mode et confiance en soi, selon toi ?
C’est difficile de se sentir élégante si l’on n’a pas confiance en soi. Quand on n’est pas bien dans sa peau, on aura beau acheter les plus beaux vêtements, même bien coupés, voire retouchés pour nous aller parfaitement, on ne se sentira toujours pas à l’aise.
C’est comme ça qu’on peut se retrouver à être cannibalisée par un vêtement plutôt que d’être sublimée par lui, selon moi.
Je ne pourrais pas présenter des looks et proposer des conseils mode sans parler de confiance en soi. Et c’est à force d’aborder des enjeux de développement personnel que j’ai commencé à recevoir de plus en plus de commentaires positifs et d’abonnées parce qu’elles matchaient avec ma personnalité !
Tu insistes aussi sur ta grande taille, dont tu sais aujourd’hui te servir comme un atout. Mais est-ce que ça te complexait avant ?
Oui, enfant et adolescente, ça me complexait énormément. Durant ma scolarité, j’étais souvent non seulement la seule noire, mais aussi la plus grande, alors je me faisais toujours remarquer malgré moi. J’étais énormément moquée.
Je revenais souvent en pleurant de l’école, demandais régulièrement à ma mère des mots d’excuses pour éviter les cours de sport où ma différence suscitait le plus de méchanceté…
J’étais aussi très mince, donc je mettais deux pantalons l’un sur l’autre pour essayer de me donner un semblant d’épaisseur supplémentaire, dans l’espoir d’être moins moquée.
Comme je faisais peur aux garçons, j’ai commencé à m’en servir pour défendre d’autres victimes de harcèlement scolaire. Et petit à petit, j’ai appris à m’affirmer et assumer ma taille.
Qu’est-ce qui t’a aidée à prendre confiance en toi et assumer le style vestimentaire qui te plaît ?
Une amie m’a inscrite au concours Miss Africa Montpellier. Ils m’ont contactée, j’ai été prise. On s’est entraîné pendant plusieurs mois, avec coaching et shootings photos. Au fur et à mesure, j’ai commencé à y prendre goût, et j’ai fini Première Dauphine en 2017.
À partir de là, j’ai réalisé à quel point j’avais toujours étouffé mon intérêt pour la mode. Auparavant, il y avait tellement de choses que je ne m’autorisais pas à porter, comme des robes ou des talons, en me disant que ce n’était pas fait pour moi, car je pensais ne pas avoir assez de formes, ou être trop grande !
Crois-tu qu’il soit plus difficile de réussir sur le marché de l’influence quand on est une femme noire, a fortiori foncée de peau ?
Je ne vis pas de l’influence, donc je n’ai pas assez d’expérience pour m’exprimer sur le sujet. Ce que je sais, c’est que, lorsque je suis arrivée du Sénégal en France à l’âge de 7 ans, avec mes parents et mon frère, j’ai beaucoup souffert de ne pas correspondre aux standards de beauté dominants, surtout côté cœur.
Il y avait une fille métisse dans ma première école, à laquelle j’étais toujours comparée pour me diminuer moi — par colorisme. Je subissais aussi des mauvaises blagues sur l’esclavage, on me disait qu’on ne me voyait pas sur les photos car j’étais trop noire, etc.
Aujourd’hui, ma plus belle revanche, c’est d’être bien dans ma peau. Et tant mieux si je peux aider d’autres personnes à se sentir représentée sur les réseaux sociaux. Mais ces derniers peuvent avoir pour effet pervers d’enfermer dans des bulles de goûts, où les femmes blanches ne verraient que des contenus produits par des femmes blanches, et inversement.
En quoi TikTok se distingue peut-être des autres réseaux sociaux, d’ailleurs ?
Ce qu’il y a de magique avec TikTok selon moi, c’est que vraiment tout le monde peut y trouver sa place, une communauté de goûts communs — même s’ils peuvent paraître de niche.
Je trouve aussi beaucoup de bienveillance, jusque dans les commentaires, où les gens prennent le temps d’écrire ce qu’ils ont aimé et pourquoi.
Comme TikTok, c’est surtout du contenu vidéo, on ne peut pas faire semblant : on entend ton intonation, voit ta manière de bouger, et même les contenus les plus spontanés peuvent cartonner autant que des superproductions.
À mes yeux, Instagram, c’est beaucoup plus une vitrine professionnelle, où l’on peut avoir intérêt à filtrer sa personnalité. YouTube, ça nécessite peut-être beaucoup d’expertise technique pour être au niveau, question lumière et caméra.
Les talents TikTok sont-ils autant considérés que ceux des autres plateformes aujourd’hui ?
C’est de mieux en mieux, j’ai l’impression.
Je ne me sens pas encore légitime sur le marché, car je ne cherche pas forcément à en vivre à l’heure actuelle. Mais ce que je constate et regrette un peu, c’est que les marques s’intéressent beaucoup trop au chiffre du nombre d’abonnés, sans considérer suffisamment notre créativité, notre ligne éditoriale, notre direction artistique, et surtout la qualité de notre relation avec notre audience.
Quelle est le TikTok dont tu es la plus fière à ce jour ?
La vidéo de mon anniversaire. C’est une sorte de vlog. J’y assume d’avoir voulu le passer solo d’abord, me gâter moi-même, me faire plaisir.
Je montre ma vraie personnalité, et je suis ravie et honorée que ça résonne auprès d’autres personnes. Certaines me demandent même des versions longues de ce genre de vidéo pour YouTube, donc j’y réfléchis sérieusement.
Si tu pouvais changer quelque chose dans l’industrie de la mode, qu’est-ce que ça serait ?
Qu’on arrête avec les tailles standardisées, ou qu’il y ait davantage de solution pour habiller toutes les morphologies.
En tant que femme grande, je suis trop frustrée de galérer à trouver des vêtements à ma taille. Et encore, je sais bien que je suis mince. C’est sûrement autrement plus compliqué pour des personnes avec d’autres morphologies, ou en situation de handicap.
Et si tu pouvais changer quelque chose sur TikTok, ce serait quoi ?
Je pense que la plateforme peut encore faire des progrès côté modération et sécurité. Ce n’est pas normal que, face à des vidéos de jeunes enfants, on puisse trouver des commentaires douteux d’adultes pouvant faire penser à des pédocriminels.
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Crédit photo de Une : ElieFy.
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