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Féminisme

Sur MYM, les travailleuses du sexe peuvent encore poster du porno. Mais jusqu’à quand ?

MYM, plateforme concurrente d’OnlyFans, continue son ascension. Sur ce réseau social où le porno est roi, des travailleuses du sexe échangent leurs talents contre des abonnements payants. Madmoizelle les a rencontrées.

MYM compte plus de 8 millions d’utilisateurs. Tout le monde peut s’y inscrire : célébrités, mannequins, stars de téléréalité, du porno — mais aussi étudiantes ou boulangers. Sur MYM, deux options sont possibles : 

  • Être créateur ou créatrice de contenu et poster des médias (c’est-à-dire des photos, des vidéos, échanger du contenu exclusif avec ses abonnés et abonnées)
  • Être un ou une abonnée et payer pour accéder à du contenu

Ces médias prennent le plus souvent une tournure érotique, voire pornographique. Pierre Garonnaire, cofondateur de la plateforme, explique :

« Sur MYM, nous avons une grande majorité de modeling. C’est ce que font Clara Morgane ou Mathilde Tantot. C’est un contenu qui flirte avec l’érotisme et le sexy sans pour autant tomber dans le X. »

L'influenceuse Mathilde Tantot prend une pose lascive en bikini.
Mathilde Tantot — Instagram

L’érotisme ? OK. Le modeling ? OK. Mais quid du porno, qui représente une immense partie de la plateforme ? Selon Juliezeh_bzh2, inscrite sur la plateforme depuis avril 2021 :

« Si MYM marche si bien c’est que l’application surfe sur le succès du porno amateur, qui paraît plus crédible qu’un porno professionnel. »

MYM ou l’ubérisation de la pornographie 

Pour les travailleuses du sexe qui profitent de la plateforme pour mettre du beurre dans les épinards, ce n’est pas toujours simple de faire respecter leurs droits. Beverly Ruby, 21 ans, trans et travailleuse du sexe, déplore :

« J’aimerais que les gens arrêtent de nous utiliser. Derrière ces plateformes se cachent toujours des vieux “mascu” qui ne connaissent rien au travail sexuel et posent leurs gros sabots pour faire de l’argent sur notre cul. »

L’argent, justement, parlons-en.

Sur MYM, le prix des abonnements varie (de 9,99€ à 49,99€) ; ce sont les créateurs et créatrice de contenu qui choisissent sur quel tarif elles souhaitent partir. Certains modèles, promet la plateforme, peuvent être rémunérées à hauteur de 25.000€ mensuels, voire plus !

Les revenus sont gérés de la manière suivante : 75% de chaque abonnement ainsi que 90% des pourboires vont aux créateurs et créatrices. Les frais prélevés tombent dans la poche de MYM pour l’hébergement et l’entretien du site. 

Au quotidien, MYM peut rapporter gros. Mais pour devenir la Crésus du porn et de l’érotisme, il faut être assidue et travailler sa communication telle une véritable business woman. Un schéma qui change du porn « classique », comme le note Beverly Ruby :

« Sur MYM, je fais tout de A à Z, mais j’ai également plus de liberté que sur les tournages. C’est cool : si tu bosses à fond, ça peut vite décoller, alors qu’en production on est payée juste pour notre scène et après plus rien. On ne touche rien sur les visionnages, on n’a pas de statut d’intermittent du spectacle. On est vraiment dans un flou juridique. »

Vous vous en doutez, toutes les « mymeuses » ne sont pas richissimes : sur la plateforme, la concurrence est rude. Chaque nouvelle créatrice de contenu obtient une pastille « new », qui donne une certaine visibilité, mais les utilisatrices régulières, ou qui ont peu d’abonnés, se retrouvent vite évincées par ce système. 

Cependant, la véritable précarité réside ailleurs. À la manière d’OnlyFans qui envisage de bannir les contenus explicites, le porno sur Mym risque de s’arrêter du jour au lendemain, ce qui angoisse beaucoup Juliezeh_bzh2.

« On ne sait pas encore combien de temps les contenus X seront autorisés. Le doute plane toujours, ce qui rend l’activité précaire. Les plateformes tendent à autoriser la pornographie car elle génère des sommes astronomiques avant de s’ouvrir à d’autres marchés et l’invisibiliser. »

Beverly Ruby aussi s’inquiète :

« On a appris que MYM venait de créer un comité éthique dont fait partie Danielle Bousquet, qui est une “abolitionniste” du travail du sexe. On sait qu’avec des personnes comme ça, ce sera rapidement la fin du porno sur MYM. Alors j’anticipe et je prépare ma sortie. »

Sur MYM, porno breton, érotisme de boudoir et exhib’ 

EnjoyAngy, 28 ans et barmaid, est inscrite sur MYM depuis un an. Ce qu’elle préfère ? La liberté de pouvoir poster du contenu érotique sans contrainte.

« Avant, je n’osais pas poster sur Instagram. Déjà, parce que la censure y était trop forte et ensuite parce que je n’avais pas envie que n’importe qui me voit en petite tenue.

Sur mon feed, on trouve de la lingerie et du nude artistique. À la demande, je fais du nu intégral. Ça reste très érotique mais je ne fais pas de porno. »

Quant à Juliezeh_bzh2, elle s’est vite prise au jeu du porno :

« Je poste des vidéos de masturbation, de l’anal, des vidéos duos, exhib’ en extérieur, danse, mises en scène, massages ou strip-tease. Mon contenu, même soft, est toujours pornographique car il consiste à susciter de nouveaux désirs ou exciter ceux déjà existants.

Je joue beaucoup sur le côté “bretonne” et “amoureuse de la nature”, en proposant des scènes d’exhib et de baise sur des chemins de randonnée ou encore dans des lieux forts du patrimoine breton. »

Berverly Ruby trouve aussi son épanouissement en créant du contenu porno extrêmement varié :

« Je suis très ouverte. J’aime plus que tout découvrir de nouvelles pratiques.

Avec mes photos et vidéos, je fais par exemple du contenu fétichiste des pieds, du scato, de la domination et des jeux de rôle. Je prends aussi les demandes personnalisées de mes abonnées. Je vends mes sous-vêtements, je fais des audio, des séances de sexto et même du téléphone rose ! »

Être féministe et mymeuse, un équilibre délicat

Peut-on être engagée sur le plan du féminisme et active sur MYM ? Oui, mais le sujet est complexe. Juliezeh_bzh2 livre sa vision :

« Sur MYM, on trouve du contenu sexuel car ce contenu fait vendre, et non pas parce que les femmes modernes sont prises d’une pulsion de liberté en voulant partager leurs ébats pour se détacher des carcans du patriarcat.

Attention, je ne dis pas qu’on ne peut pas être une meuf engagée, féministe, émancipée en faisant du porno mais MYM reste un business dans lequel on vend un service sexuel. Quand on est une amatrice qui produit de la pornographie, on s’adapte forcément un peu à ce “male gaze” et non l’inverse. »

Mais il est bon de rappeler que le travail du sexe et l’engagement féminisme ne sont pas incompatibles, comme le détaille Beverly Ruby.

« Je suis totalement féministe. Je milite depuis 2018, année où je me suis aussi syndiquée au STRASS [le syndicat du travail sexuel en France, ndlr].

Je fais aussi partie de l’association FRISSE à Lyon. On y fait beaucoup de prévention, de la réduction des dommages concernant la santé sexuelle et la consommation de psychotropes. »

Alors, à quand une plateforme dans le style de MYM ou d’OnlyFans, mais fondée par des femmes et qui respecterait les droits et besoins des travailleuses du sexe ? Beverly Ruby en rêve.

« Je pense à lancer mon projet. Une plateforme par les travailleuses du sexe et pour les travailleuses du sexe (TDS).

Je connais le métier, je sais comment ça marche. Et surtout, je connais les besoins des TDS, chose que les dirigeants de plateformes ne connaissent pas. Les plateformes comme MYM prennent toujours des commissions énormes ou censurent certaines pratiques, ce qui a tendance à stigmatiser notre travail. »

Les travailleuses du sexe ont indéniablement besoin d’une telle plateforme. Alors chère Beverly Ruby, au nom de tout Madmoizelle : si tu t’y mets, on a hâte de voir le résultat !

À lire aussi : Porno féministe, queer, sensuel… 6 sites pour changer vos branlettes

Crédit photo : Dainis Graveris / Unsplash


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