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Cinéma

Suprêmes, ou le pari réussi d’un biopic de NTM aussi réaliste que politique

30 ans après la sortie du premier album d’NTM Authentik, le biopic du groupe qui a marqué le rap français sort ce mercredi 24 novembre. Un long-métrage qui nous plonge dans la vie de jeunes artistes pleins d’envies.

« J’ai le toucher nique ta mère

Sur les côtés comme par derrière, c’est clair

J’ai le toucher nique ta mère 

Donc à l’endroit comme à l’envers,

Sur les côtés comme par derrière, c’est clair » 

Si vous allez voir le nouveau film d’Audrey Estrougo, Suprêmes, vous aurez certainement ces paroles dans la tête à la fin de la séance. Qu’elles vous rappellent des souvenirs de jeunesse ou non, elles représente l’histoire d’un groupe de jeunes de Saint-Denis, qui ont marqué leur époque et l’histoire du rap français.

Suprêmes, un film fidèle à la réalité

Qu’on soit familier avec l’histoire du groupe Suprêmes NTM ou pas, ça n’a pas vraiment d’importance pour apprécier ce biopic porté par une prestation très impressionnante de Théo Christine et Sandor Funtek. 

Avec sa réalisation qui nous plonge dans le Saint-Denis des années 90, Audrey Estrougo nous fait découvrir la genèse d’un mouvement entier de jeunes qui voulaient créer des choses, faire entendre leurs voix haut et fort, et prouver que le rap n’était pas fait que pour les Américains. 

La réalisatrice, qui a travaillé en étroite collaboration avec JoeyStarr (Didier Morville) et Kool Shen (Bruno Lopes), a voulu à travers ce biopic retracer l’histoire de cette jeunesse ignorée par les politiques mais qui avait beaucoup de choses à dire. Venant elle-même du 93, Audrey Estrougo raconte une histoire qui avait marqué son époque. 

« L’ambition, c’était de raconter l’histoire des mecs qui ont amené le rap à nous tous, car c’est eux qui l’on sorti de terre et qui l’on rendu populaire. C’est aussi parce que moi j’ai grandi dans le 93 et c’est nos mythes à nous. C’est les mecs qui on placé le 93 sur la carte, autrement que pour des faits divers. Et qui nous ont raconté qu’on pouvait faire quelque chose de notre vie. Qu’en passant le périph’ c’était possible. 

Et j’avais surtout envie de raconter 40 années d’abandon des jeunes de quartier par les politiques. » 

Plus qu’un travail de retranscription d’une époque clé de l’histoire du rap français, le film Suprêmes est le fruit de plus d’un an de préparation quasi-obsessionnelle de la part des deux acteurs principaux. 

Une préparation suprême

En effet, on pourrait craindre que demander à deux acteurs d’apprendre à rapper comme le faisait JoeyStarr et Kool Shen donnerait lieu à une exécution caricaturale qui ne collerait pas à la réalité.

Mais le travail d’incarnation de Théo Christine et Sandor Funtek est impressionnant — il nous ferait presque croire qu’ils étaient rappeurs avant d’être acteurs !

Pourtant, devenir les jeunes JoeyStarr et Kool Shen a demandé une préparation intense à ces comédiens déjà connus du grand et du petit écran (Théo Christine, initialement passionné de surf, a notamment joué dans SKAM en 2018, et Sandor Funtek a été aperçu dans La Vie d’Adèle ou plus récemment dans L’Étreinte). 

Pour la préparation des rôles des deux jeunes rappeurs d’NTM, ils ont dû se conditionner a un rythme intense : trois heures de danse tous les matins, du coaching en attitude scénique, en graffiti sauvage, et évidemment en rap. En plus de toute cette préparation, le conditionnement pour leurs rôles est devenu une obsession. Sandor Funtek confie à Madmoizelle :

« C’était un an de visionnage quasi obsessionnel, à regarder des interviews… On pouvait pas envisager ces rôles sans une forme d’obsession. »

Et Théo Christine de renchérir :

« Une forme d’obsession et de connexion aussi. Parce que l’un a besoin de l’autre. Comme Sandor avait déjà le hip-hop et tout cet univers en lui, et que moi j’avais rien… Je me rendais pas compte de la dimension de tout ce qu’on avait à raconter, donc j’étais toujours un peu à la bourre, et j’avais absolument besoin de lui. »

Suprêmes, fidèle au réel

L’histoire raconté dans Suprêmes est au plus proche de la réalité vécue par Joey Starr, Kool Shen, mais aussi l’entièreté de leur groupe. Audrey Estrougo a fait un vrai travail de documentation pour ce film. Elle nous explique :

« On est sur une frontière entre le documentaire et la fiction très fine. Et c’était d’ailleurs l’enjeu d’un point de vue scénaristique : comment rendre ça intéressant et transmettre des émotions comme on l’attend au cinéma, garder la force de la fiction tout en étant un pied dans la réalité en continu. » 

Si l’on se réfère a cette archive vidéo de l’INA, qui était parti à l’époque à la rencontre du collectif 93NTM, on constate que le film retranscrit avec beaucoup d’exactitude l’énergie de ce groupe qui voulait s’exprimer librement et secouer la routine.

Suprêmes, une histoire d’hommes et de pères

En plus de cette histoire globale d’un groupe de jeunes qui taguait « 93NTM » sur les wagons du RER en pleine nuit, Audrey Estrougo se concentre aussi sur le parcours personnel des deux jeunes rappeurs, particulièrement celui de Joey Starr.

La réalisatrice met notamment l’accent sur sa relation conflictuelle avec son père, une trame parallèle forte de ce film qu’elle a voulu raconter. Audrey Estrougo explique qu’en préparant Suprêmes, les entretiens avec Joey Starr et Kool Shen on permit de tisser des liens ; le premier, note-t-elle, s’est toujours facilement livré sur sa vie, et notamment sa relation avec son père.

« J’ai pour habitude de dire que Didier s’est déconstruit autour de son père. Et sa relation aux autres, sa relation à lui même, son côté auto-destructeur, sa relation avec Bruno, tout ça est lié à son père. Son père a même une place dans ce groupe, avec tout ce que ça implique d’affronts, d’incompréhension, d’énergie, de transcendance…

C’était important pour moi de comprendre tout ça, c’était même indispensable, on peut pas passer à côté. »

Cette partie de l’histoire apporte énormément au film et montre la vulnérabilité d’un jeune garçon face à un homme qui ne lui apporte pas forcément la reconnaissance qu’il voudrait. 

Audrey Estrougo avec Théo Christine et Sandor Funtek à Cannes
Source : Instagram de Audrey Estrougo

Suprêmes, en plus de nous plonger dans l’effervescence électrique du rap des années 90, permet de mieux connaître les membres de ce groupe historique et d’embarquer dans une aventure fidèle à la réalité et touchante. À voir donc au cinéma dès le 24 novembre !

À lire aussi : Cinq rappeuses françaises réunies sur un morceau, c’est AHOO et ça donne envie de turn up

Crédit photo : Gianni Giardinelli / Sony Pictures Entertainment France


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

4
Avatar de Cha_215
26 novembre 2021 à 15h11
Cha_215
Étrange idolâtrie de la masculinité traditionnelle et du virilisme.
Je pense qu'il faut plutôt le voir comme un film qui explique les débuts du groupe, comment ils ont marqué le rap et le hip-hop en France à une époque où c'était vu comme un truc d'américain, et surtout comment leurs paroles et leur style s'inscrivent dans un contexte politique bien particulier (et comment ce contexte les influence d'ailleurs aussi).
À cet égard, il est plutôt bien fait et honnêtement je trouve pas qu'il fasse "l'apologie de la masculinité traditionnelle et du virilisme". C'est juste que c'est pas le sujet en fait ...
Maintenant c'est clair que je préfère que mon fils ait d'autres exemples de mecs qui réussissent que Joey Starr ^^
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