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Féminisme

Doit-on supprimer « la journée des femmes » ?

Aujourd’hui, 8 mars, nous fêtons « la Journée Internationale des droits des femmes ». Alors que l’heure est à la célébration de la moitié de l’humanité, certaines voix s’élèvent pour dénoncer une journée « sexiste et contre-productive ».

Elle a été officialisée par les Nations Unies en 1982 : cette année, la Journée Internationale de la Femme fête ses 30 ans. Cet événement fait-il l’unanimité ? De moins en moins, selon toutes ces femmes pour qui cette journée est une aberration.

Vous avez souvent entendu (ou vous même dit) que « la journée des femmes, ça devrait être tous les jours » ? C’est un des arguments avancés par les détractrices de cette journée. Voici les autres.

Zweig

1. La Journée internationale des droits des femmes serait une commémoration figée : de la même façon que l’on fête les mères, les pères et les défunts, on fêterait les femmes de façon mécanique. Le sentiment convoqué se limiterait à celui d’une espèce de compassion à un instant T.

2. Une telle journée tend à alimenter dans notre imaginaire collectif l’idée selon laquelle « la femme est une entité à part entière ». La femme serait alors perçue comme un concept, tandis qu’on continuerait à considérer les hommes comme des individualités.

3. L’histoire du 8 mars est controversée : on ne sait pas bien s’il faut en attribuer la paternité aux femmes socialistes d’Oslo (à moins que ce ne soit Copenhague ?) qui auraient choisi cette date pour lutter en faveur du vote des femmes ou (et c’est l’origine la plus probable) à une fête bolchévique (des ouvrières manifestent pacifiquement dans les rues de Saint Petersbourg pour réclamer du pain et le retour de leurs maris partis au front). Dans tous les cas, le constat est le même : le 8 mars n’est pas né d’un lot de revendications universelles, mais d’une lutte précise et ancrée dans le temps. La journée des femmes telle qu’on la connaît aujourd’hui ne serait qu’une vitrine édulcorée et bien-pensante des luttes qui animent les féministes, pour le coup, 365 jours par an.

4. Si les féministes oeuvrent pour l’égalitarisme, comment justifier une telle journée tandis qu’une journée des hommes n’existe pas ? La Journée internationale des droits des femmes serait alors une forme de discrimination positive, mais comme toute discrimination positive, elle subirait clichés et compassion. En devient-elle contre-productive ? Au lieu de revendiquer cette journée, gagnerait-on à la supprimer et à rendre incontournables les problématiques des femmes tous les jours de l’année ? Le risque d’une journée décidée sur le calendrier ressemble au concept de la bonne action : une fois que c’est fait, on est rassurés de ne plus rien avoir à se reprocher.

5. La célébration dure 24h et a pour caractéristique principale d’être un événement médiatique. Or, comme n’importe quel événement médiatique inscrit au calendrier, la Journée internationale des droits des femmes n’a pas vocation à entrer dans le débat en profondeur. Une telle journée fonctionne surtout comme une affiche, la « tête de gondole » d’un militantisme plus complexe.

Ainsi, en consommant une telle journée, on consomme aussi des clichés, puisque toutes les femmes du monde sont soudainement restreintes à la même terminologie : celles de femmes, en tant qu’être biologique. À ce propos, Béatrice Vallaeys (directrice adjointe de la rédaction de Libération) parle d’une  » dégoulinade de clichés plus sinistres les uns que les autres  » :

« Encore faudrait-il s’entendre sur le fameux sort qui nous est réservé partout dans le monde. N’y a-t-il pas là encore beaucoup d’indignité à mettre dans même panier les «misères» infligées aux femmes sur toute la planète ? Peut-on sérieusement mettre sur le même plan les Pakistanaises aux prises avec des Talibans, véritables bourreaux et assassins, et les Occidentales, certes toujours défavorisées par rapport aux hommes mais qui possèdent des lois pour se défendre. Et s’il est vrai qu’en France, les violences domestiques entrainent la mort de beaucoup de femmes, les maris torgnoleurs sont condamnés chez nous par la justice, quand la charia encourage au contraire les hommes à battre leurs épouses. »

6. La journée internationale des droits des femmes serait donc un simple folklore. Un événement contre-productif, car sexiste malgré lui. Le constat de Lydia Guirous, présidente de l’association féministe « Future, au féminin », sur le Plus du Nouvel Obs, est sans appel :

« C’est un engagement quotidien que cette journée vient ridiculiser. Condescendance et infantilisation sont au menu de cette journée où l’on entend en boucle les éternels discours victimaires et compassionnels qui augmentent les clichés sur les femmes (vulnérables, faibles, fragiles, etc). Si on les écoute, les complexes et un sentiment d’oppression  émergent …sournoisement. Est-ce vraiment le but ? »

7. Cette journée est un instrument politique. À ce propos, Lydia Guirous ajoute :

« [La journée internationale des droits des femmes] place l’engagement féministe au rang de gadget politique que l’on sort une fois par an. D’ailleurs, les politiques ne se gênent pas pour l’instrumentaliser, surtout à la veille d’élections nationales. »

On pourrait alors reprocher à l’événement d’être davantage un « gadget politique » qu’un vrai appel à débattre et à sensibiliser.

Au delà de ces 7 arguments en défaveur de la Journée, beaucoup d’autres femmes avancent les points positifs d’une telle initiative : 

Ainsi, la journée des femmes permettrait une mise à l’agenda des problématiques liées aux femmes. Même si cette journée peut facilement être récupérée, c’est la logique du moindre mal qui s’imposerait : mieux vaut une date fixe et mécanique plutôt que des actualités diverses, parsemées ci et là dans les médias, et sans cohérence sur une année entière.

Par ailleurs, symboliquement, la journée des femmes serait un moyen de rappeler que beaucoup de choses restent à faire. Que ce n’est pas parce qu’il y a aujourd’hui des nanas à des postes de direction, et du cul libéré dans les magazines que les femmes auraient terminé leur émancipation dans la société. Ainsi, Françoise Giroud disait très justement : « Le problème des femmes sera résolu le jour où l’on verra une femme médiocre à un poste important ».

Selon Isabelle Alonso (membre des « Chiennes de garde ») persiste à dire que  « le 8 mars est une occasion d’affirmer, une fois encore, qu’une réelle politique de lutte contre la violence faite aux femmes exige le vote d’une loi anti sexiste » :

« Une journée de LA femme ? Et pourquoi pas une journée du pingouin de la Baltique ou du caramel au beurre salé ? Sans compter qu’il y a déjà la Fête des Grand-mères, celle des Secrétaires, sans compter la Saint Valentin et les trois jours des Galeries Farfouillette ! En d’autres termes, y’en a que pour les gonzesses, alors qu’est ce qu’elles veulent encore et à quand une journée de l’Homme ? Tous les ans, on a droit à ce genre de tir à vue sur la journée des femmes. Alors affûtez vos arguments. »

Et vous, en tant que jeunes femmes de notre XXIe siècle, que pensez-vous de cette célébration qui fête aujourd’hui ses 30 ans ? Est-elle salvatrice ou contre-productive ? Essentielle ou sexiste ? Symbolique ou tournée en ridicule ? Dites nous tout.


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

34
Avatar de Princess Disease
13 mars 2012 à 13h03
Princess Disease
Faut pas la supprimer, faut en faire 365 par an
(& on peut éventuellement laisser les 29 février aux mecs, parce qu'on est sympa quand-même)
0
Voir les 34 commentaires

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