— Article initialement publié le 19 octobre 2013
Certes, la Suisse n’est sans doute pas la destination la plus exotique du monde. Néanmoins, c’est un chouette pays, avec de très beaux paysages et le nec plus ultra des habitants. (Comment ça « je ne suis pas objective » ?)
Bon, blague à part, c’est surtout un pays assez méconnu du reste du monde, même de la France, qui est pourtant notre voisine (allez, j’offre une plaque de chocolat à toutes celles qui me disent la capitale du premier coup sans tricher !). À travers ce grand filtre que sont les médias, seuls quelques points assez peu reluisants passent les frontières, comme par exemple les banques, quelques votes assez limites (notamment celui sur les minarets et le refus de passer de quatre semaines de vacances obligatoires à six)…
Il existe aussi pas mal de clichés sur les Suisses : ils seraient froids, xénophobes et, bien sûr, tous riches. On trouve heureusement d’autres adjectifs plus sympa, comme accueillants, humbles, polis et respectueux de l’environnement. Comme je l’ai dit plus haut, ce sont des clichés, on ne peut pas réduire toute une population à ces qualificatifs, mais je vais tenter d’en expliquer quelques-uns !
Les Suisses sont xénophobes
Une campagne de l’UDC toute en finesse.
Il est vrai que la plupart des Suisses sont attachés à leur pays et à ses traditions. Cela n’en fait pas des xénophobes pour autant, alors pourquoi ce cliché ?
Eh bien il est dû en bonne partie à l’UDC, l’Union Démocratique du Centre — ne vous fiez pas au nom, il s’agit d’un parti d’extrême-droite. L’UDC est le plus grand parti de Suisse, celui qui compte le plus grand nombre de sièges à l’assemblée fédérale (je reviendrai une autre fois sur le système politique), celui avec le plus de moyens, qui peut donc le plus s’afficher.
C’est en partie à cause de leurs initiatives et de leurs campagnes de communications douteuses, relayées à l’étranger, que les gens font le raccourci Suisses = xénophobes.
C’est un raccourci assez simple, car l’UDC doit, je pense, une bonne partie de son succès au taux d’abstention assez fort dans le pays. En effet, peu de gens votent (et c’est un paradoxe, étant donné que la Suisse est un pays où l’on a des occasions de voter très nombreuses), donc les personnes qui le font sont les plus extrêmes. CQFD.
Néanmoins, même si le parti a pas mal de similitudes avec le Front National français, ses membres sont tout de même un peu plus modérés et savent, malheureusement, mieux déguiser leur intentions pour paraître plus « tout public ». « Les Suisses » ne sont donc pas xénophobes/racistes : certains le sont. Je n’ai d’ailleurs pas l’impression qu’il y ait plus de racisme en Suisse qu’en France…
Les Suisses sont tous riches
Quand on pense à la Suisse, on pense assez souvent aux banques, aux montres de luxes, etc. Mais bon, ça se saurait si on était tou•tes pété•es de fric, et c’est loin d’être le cas !
Je dois reconnaître que le niveau de vie est assez élevé. D’ailleurs, la Suisse est le « Pays où il vaut mieux vivre en 2013 » selon The Economist Intelligence Unit. Elle a aussi un des PIB (produit intérieur brut) par habitant les plus élevés, toujours devant la France.
Pourtant, tout le monde n’est pas riche en Suisse : la pauvreté ainsi que le chômage existent aussi, même si le pays a été globalement épargné par la crise et a quasiment le plein emploi (environs 3% de chômage, un taux stable). Même si la situation de la Suisse est enviable, gardez en tête que la grande majorité des habitant•es ne sont pas pleins aux as ; certes, à côté d’autres pays, on peut faire des envieux, mais il y a plein de gens qui ont du mal à finir le mois en Suisse aussi.
Ah, la vie est si simple avec une Rolex…
Et surtout,
la vie est très chère ! Si un Suisse vous révèle combien il gagne, vous serez sans doute estomaqué•es. Le salaire moyen, toutes branches et qualifications confondues, est de 6052 CHF par mois (4900€) dans la région lémanique.
Ça peut sembler beaucoup par rapport aux revenus moyens en France, mais c’est un salaire qui, certes, permet de ne pas trop avoir à se soucier de ce qu’on va manger à la fin du mois, mais qui n’est pas non plus mirobolant (le seuil de pauvreté était, en 2011, fixé à 2200 CHF par personne seule, soit 1700€).
Il faut aussi dire que les logements sont très rares, et surtout très chers : dans l’arc lémanique, on tourne facilement autour des 830 CHF (690€) pour un studio en ville ! Genève, Lausanne et Zurich sont les villes les plus chères.
Et ça ne s’arrête pas là : les assurances sont chères, de même que la nourriture, et beaucoup d’assurances sont obligatoires, ce qui plombe pas mal le budget des foyers.
Les Suisses n’aiment pas les Français
Voici mon cliché préféré, qui est selon moi, à demi-vrai. Quand je parle des Suisses ici, je parle surtout des Suisses Romands, ceux qui parlent français.
C’est un peu une relation amour-haine qui nous lie : on a quasiment tous accès aux médias français, on suit de près ou de loin la politique en France, il y a quand même, mine de rien, beaucoup de franco-suisses (moi la première)… Bref, il y a beaucoup de choses qui nous rapprochent (à commencer par la langue qui, même si certaines expressions changent, reste la même). Alors pourquoi ne vivons-nous pas heureux main dans la main ? J’ai plusieurs pistes !
Comme je l’ai déjà signalé plus haut, la Suisse est un peu ignorée par les autres pays : les Français ne nous connaissent pas bien, et le reste du monde non plus. Si je suis dans un pays étranger, et que je parle français, on me demande toujours si je suis française, et quand je réponds « non, Suisse » les gens sont toujours étonnés et avouent qu’ils ne savaient pas que les Suisses parlaient français.
Combien d’entre vous connaissent la capitale de la Suisse, pays limitrophe de la France ? (Petit indice : ce n’est pas Zurich !).
On se sent donc un peu niés à l’étranger, on a parfois l’impression d’être « écrasés » par la France. Mais ça ne s’arrête pas là : on se sent aussi parfois un peu écrasés… dans notre propre pays !
En Suisse on parle quatre langues, officiellement, mais dans la réalité, on en parle principalement trois : l’allemand (environ 60%), le français (environ 20%) et l’italien (environ 7 %). La Suisse romande et la Suisse italienne (le Tessin) sont un peu « écrasées » par le poids des Suisses-allemands, et ça ne s’arrête pas à la langue : la mentalité est aussi différente, et cela se ressent lors des votations (je reviendrai aussi là-dessus). On est donc doublement ignorées, alors pour se venger un peu, on râle sur les Français et sur les Suisse-allemands (qu’on appelle les « bourbines ») !
C’est un peu complexe.
Au sujet de Genève et de quelques autres zones frontalières… Beaucoup de personnes n’aiment pas, ou je dirais même (pour certaines) détestent les Français, parce qu’elles voient en chacun un frontalier potentiel, et donc une personne qui pourrait venir leur « voler » leur emploi.
Genève est, avec Neuchâtel, un des cantons où le taux de chômage est le plus élevé : même si celui-ci ne dépasse pas les 5%, c’est plus que dans le reste de la Suisse, et beaucoup de personnes sont convaincues que cela est dû aux frontaliers. Je pense qu’il est impossible de dire si oui ou non ce taux de chômage est vraiment dû à la présence des frontaliers : après tout, certains d’entre eux occupent des postes pour lesquels peu de Suisses sont formés. Certains disent même qu’ils occupent des postes dont les Suisses ne veulent pas…
Il est vrai que certains employeurs peu respectueux de l’éthique emploient des frontaliers car ils peuvent les payer bien moins qu’un Suisse : cela sera toujours plus élevé qu’un salaire en France. Mais certains Genevois semblent oublier que les échanges à la frontière vont dans les deux sens…
Certes, les Français sont heureux d’obtenir un poste en Suisse, car il sera mieux payé (et pourquoi leur en vouloir de tenter leur chance pour mener une vie plus confortable ?), mais en contrepartie, beaucoup de Genevois vont faire leurs courses en France, car les denrées y sont bien moins chères (même si c’est moins avantageux depuis l’arrivée de l’euro) ! Beaucoup de Suisses ont également décidé de passer la frontière pour trouver un logement, car les habitations à Genève sont rares et très coûteuses.
En bref, je pense que chacun trouve son compte en passant la frontière, et que ça n’avance à rien de vouloir à tout prix tirer dans les pattes des autres frontaliers.
Ne pas confondre racisme et taquineries
Néanmoins les Suisses sont aussi très moqueurs entre eux et les habitants de chaque canton font des blagues sur ceux des autres ! Les vaudois sont toujours en retard (le fameux « quart d’heure vaudois »), les valaisans sont portés sur la bouteille et conduisent mal, les fribourgeois sont sales, les bernois sont lents, les genevois sont des grandes gueules…
Les blagues sur les Français me semblent souvent être au même niveau que ces petites « rivalités amicales » entre cantons. Si vous venez en Suisse et qu’on vous taquine un peu sur votre nationalité, il y a de grandes chances que la personne ne pense pas vraiment à mal : elle essaie sûrement de faire la même chose qu’avec les personnes venant d’autres cantons, il faut plutôt y voir un signe d’amitié !
Pour terminer, je dirai qu’il n’y a pas de « vrais » ou de « faux » clichés sur les Suisses, puisqu’on ne peut pas réduire une population à quelques idées reçues. Et si vous voulez vous faire votre propre avis sur la Suisse et ses habitants, le meilleur moyen, c’est de venir et de voir par vous-mêmes ! Promis, on ne vous mangera pas.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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