Vous avez très certainement entendu ce couperet tomber au moins une fois dans vos petites vies : « Tu dois être stressé-e ». Que vous ayez la mine mauvaise, les cheveux cassants, les ongles dédoublés, le ventre en vrac, le palpitant qui s’emballe, les dents qui grincent, il y aura toujours quelqu’un pour vous expliquer que tout ça, « C’est le stress » – comme pour vous dire surtout que « Tout ça, c’est dans ta tête ».
Le « diagnostic » fourre-tout permet d’expliquer tout et son contraire, les tracas quotidiens ou les grandes plaies, les contrariétés de bureau ou les drames familiaux.
Peut-on définir le stress ?
En psychologie, le stress a été trituré sous tous les angles.
Dans un modèle dit « interactionniste » ou « transactionnel » élaboré par les psychologues Lazarus et Folkman (1984), le stress est défini comme « une relation particulière entre la personne et l’environnement, relation qui est évaluée par l’individu comme excédant ses ressources et menaçant son bien-être ».
Autrement dit, le stress résulterait à la fois des exigences de votre environnement, de vos ressources individuelles et sociales pour faire face… Ainsi que de votre perception de cette relation, de cette situation.
Exemple :
- Votre environnement : votre bureau grouille de cafards, votre collègue d’en face se cure le nez et vous devez rendre un dossier pour hier.
- Vos ressources individuelles : d’un naturel joyeux, vous êtes de bonne humeur et vous savez très bien encaisser sans broncher.
- Vos ressources sociales : vos proches deviennent vos cheerleaders et vous soutiennent par statuts Facebook interposés.
- Votre perception de tout ce schmilblick : BAH, TGIF (Thanks God It’s Friday – Dieu merci, c’est vendredi), les cafards ne vous ont jamais effrayé-e et vous avez toute la nuit pour fignoler le dossier à faire pour hier.
- Le stress ne vous atteint pas.
En fin de compte, peu importe les caractéristiques « objectives » de la situation, ce qui compte, c’est ce que vous percevez comme « menaçant » et la manière dont vous vous adapterez à cette menace… C’est ce que l’on appelle le « stress perçu ».
Globalement, cette histoire de « perception » est cruciale lorsque l’on parle de stress : par exemple, percevoir que notre entourage amical, familial et professionnel est disponible pour nous semblerait avoir des effets bénéfiques sur notre bien-être (Rascle, 1994). De la même manière, lorsque nous avons l’impression de « contrôler » la situation (c’est-à-dire d’avoir la certitude de pouvoir répondre efficacement à une menace), l’impact de stress est réduit.
Le modèle de Lazarus et Folkman, s’il a le mérite de mettre l’accent sur l’interaction entre l’individu et son environnement, a toutefois été critiqué : il minimiserait le rôle des facteurs environnementaux (votre culture, le pays où vous vivez, votre situation économique, vos groupes d’appartenance…) et des antécédents personnels (votre histoire, vos croyances, vos antécédents familiaux…) – alors même que ceux-ci pourront moduler votre rapport au stress, vous fragiliser ou au contraire vous protéger (Marilou proposera ainsi en 2002 un modèle « intégratif et multifactoriel », intégrant ces types de facteurs).
Faire face au stress : les stratégies de « coping »
Lorsqu’un problème survient, de quelle façon réagissez-vous ?
- A) Je redouble d’efforts et je fais tout mon possible pour y arriver.
- B) J’espère qu’un miracle va se produire, ou j’essaie de tout oublier.
- C) Je demande des conseils à une personne compétente et je les suis.
Comme vous n’êtes pas de petits agents complètement passifs, face à des évènements que vous percevez comme stressants, vous allez certainement tenter de « faire face » : en psychologie, on nomme ça le « coping »
(non mais hé, on ne va pas s’emmerder à traduire, si ?), qui pourrait aussi être appelé « stratégie d’ajustement ». En bref, le coping désigne les réponses et les réactions que vous allez avoir pour rester flex face au stress.
Plus scientifiquement, Lazarus et Folkman définissent le coping comme « l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources d’un individu ».
Généralement, les recherches identifient trois grandes stratégies pour lutter contre le stress :
Le coping centré sur le problème (réponse A)
Vous tentez de contrôler ou de modifier la situation. Vous mettez en place des plans d’actions, faites des listes… Par exemple, si l’approche d’un contrôle d’histoire vous file les chocottes, vous apprendrez inlassablement vos leçons, ferez des petites fiches stabilotées et collerez des schémas sur la porte de vos toilettes.
Le coping centré sur le problème serait plus efficace sur le long terme et dans les situations où vous pouvez contrôler les choses.
Le coping centré sur l’émotion (réponse B)
Cette fois, vous tentez de contrôler la tension émotionnelle que la situation vous fait ressentir. A l’approche du fameux contrôle d’histoire, vous essayez de relativiser (« Ce contrôle d’histoire ne va pas déterminer le reste de ma vie et personne ne va mourir si je ne connais pas exactement les dates importante de la guerre froide« ), vous fuyez allègrement le problème en regardant toutes les saisons de The Big Bang Theory, vous positivez et faites appel à la pensée magique (« Je n’apprends rien mais JE SUIS LE MEILLEUR« ), vous dormez, vous exprimez votre colère, votre angoisse, votre tristesse.
Cette stratégie serait à l’inverse plus efficace sur le court terme et pour des évènements incontrôlables (à quoi ça sert que Ducros se décarcasse, sinon ?).
La recherche de soutien social (réponse C)
En marge des deux stratégies précédentes, vous pourriez également décider de vous tourner vers autrui pour obtenir de la sympathie, un peu d’aide, un peu d’écoute – c’est un peu « l’appel à un ami » du coping, en somme.
De nos jours, j’imagine que la recherche de soutien social pourrait passer par un petit statut Facebook cryptique, par un appel aux RT sur Twitter, par des messages groupés à votre bande pour avoir un peu de réconfort…
Finalement, l’état de stress ne proviendra pas des mêmes choses et n’aura pas les mêmes impacts pour chacun-e d’entre nous ; nous n’avons ni les mêmes préoccupations, ni la même tolérance aux évènements. Par exemple, attendre sagement la réponse potentielle d’un employeur potentiel pour un super job potentiel va s’apparenter pour moi au supplice de Tantale, et je préfère encore nager avec des requins que passer un entretien d’embauche. En revanche, je suis généralement détendue du boxer lorsqu’il s’agit de présenter des trucs en public – et ça peut parfaitement être l’inverse pour vous.
Dans ce papier, nous avons survolé la notion de stress et de coping de façon légère, mais les recherches en psychologie de la santé sur ce sujet sont extrêmement importantes et permettent par exemple d’étudier la manière dont on vit avec une maladie, dont on peut réagir lorsqu’un de nos proches souffre d’une maladie, et de mettre au point des thérapies et interventions pour réduire le stress vécu dans ces cas-là et produire des « coping » adaptés.
Pour aller plus loin :
- Un article de Marilou Bruchon-Schweitzer : le coping et les stratégies d’ajustement face au stress
- Un article de N. Rascle et S. Irachabal : Médiateurs et modérateurs : implicateurs théoriques et méthodologiques dans le domaine du stress et de la psychologie de la santé
- Un article d’I. Paulhan : le concept de coping
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Les Commentaires
en fait c'est ma définition de la vie en général, et de la vie active en particulier.
J'utilise systématiquement la stratégie "B" qui ne me réussit pas toujours. J'arrive souvent pas à faire face aux trucs importants qui nécessitent une vraie volonté de ma part, et j'ai tendance à laisser traîner les choses de moindre importance, voire à ne jamais les faire.