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Culture

Stop the Traffik : la danse qui choque

Une performance dansée dénonce la traite des prostituées. Une opération qui fait polémique.

Vous l’avez peut-être vue circuler ces dernières semaines : une vidéo tournée dans le « quartier rouge » d’Amsterdam, où les prostituées en vitrine se mettent soudain à danser.

Les passants sont plutôt enthousiastes jusqu’à ce qu’ils découvrent le message, glaçant, qui s’affiche sur un écran au dessus des danseuses : « Chaque année, des milliers de femmes se voient promettre une carrière de danseuse en Europe de l’Ouest. Malheureusement, elles finissent ici ».

La vidéo date en fait d’avril 2012. Elle a recueilli 6 millions de vues sur YouTube et les médias la redécouvrent régulièrement. À l’origine de cette performance, l’agence de publicité Guillaume Duval Modem pour le compte de l’ONG Stop the Traffik. Si l’événement a réellement eu lieu, les « prostituées » ne le sont pas : ce sont en réalité des danseuses professionnelles.

Une opération de Stop the Traffik

Stop the Traffik lutte contre toutes les formes de trafic d’êtres humains : travail forcé, esclavage domestique, exploitation sexuelle… L’ONG est présente un peu partout dans le monde, davantage dans les pays anglophones.

Le but de l’association, et de cette campagne en particulier, est de sensibiliser les gens à l’existence du trafic. Selon Andy Turner, coordinateur à Stop the Traffik, « les personnes sachant ce qu’est le trafic pourront l’identifier, le dénoncer à la police, ou même s’identifier eux-même s’ils en sont victimes. » Il cite l’exemple des chauffeurs de taxis : « sans être impliqués dans le trafic, ils transportent des victimes de la traite. S’ils sont au courant, ils peuvent donc collaborer avec la police. »

Selon l’Organisation Internationale du Travail, 9000 personnes prostituées sont victimes de la traite aux Pays-Bas.

Des chiffres toutefois difficiles à établir, à cause bien sûr du caractère clandestin du trafic mais aussi des critères pour être considéré-e comme « victime de la traite » qui peuvent varier selon les points de vue : certains comptent toutes les personnes migrantes, sans vérifier si elles sont contraintes ou non.

La controverse

Cette performance a été critiquée car elle ne fait pas la différence entre le trafic et la prostitution en elle-même, entre les personnes se prostituant volontairement (qu’elles soient immigrées ou non) et celles forcées à le faire (par des trafiquants – la contrainte économique rentre dans le cadre d’un débat plus large sur la prostitution).

Pour Eithnecrow, blogueuse et travailleuse du sexe, la situation représentée est « un jour de travail au bordel ». « Cela n’a rien de triste en soi », commente-t-elle. Le choc ne fonctionne que parce que la prostitution est, dans l’inconscient collectif, forcément glauque.

Morgane Merteuil, secrétaire générale du STRASS (Syndicat du Travail Sexuel), se plaint également qu’on mette toujours l’accent sur la prostitution :

« Le problème, ce n’est pas le travail du sexe, le problème c’est l’exploitation; et ce problème de l’exploitation, il faut le prendre à la base ; la base, c’est la vulnérabilité des personnes à l’exploitation ; cette vulnérabilité qui est entretenue notamment par le refus d’accorder des droits aux personnes migrantes.

Tu peux faire passer toutes les lois que tu veux pour faire interdire l’industrie du sexe, tant que tu ne donnes pas de droits aux migrantes, tu ne feras qu’empirer les choses… »

Andy Turner se veut conciliant.

« Toutes les travailleuses du sexe ne sont pas victimes de la traite, mais nous voulons attirer l’attention sur celles qui le sont. D’ailleurs le spot original disait « beaucoup finissent ici » plutôt que « elles finissent ici », ce qui était plus nuancé. »

Il insiste également sur les autres campagnes de Stop the Traffik, qui n’ont rien à voir avec l’industrie du sexe. Celle sur le chocolat, par exemple : l’industrie du cacao est malheureusement gangrenée par le trafic d’êtres humains et l’association agit depuis des années pour du chocolat « traffik-free » (plus d’infos sur leur site, en anglais).

Aviez-vous vu ce spot ? Pensez-vous qu’il est efficace ?


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

25
Avatar de MissMachine
13 septembre 2013 à 13h09
MissMachine
@salvia

Ensuite, si l'on imagine une légalisation idéale qui permettrait uniquement à celles qui sont réellement volontaires de se prostituer, il y aurait alors un sacré décalage entre l'"offre et la demande"!!! Ce pourrait être une raison pour d'autres de tomber dedans à leur tour, sachant l'argent qu'il y aurait à se faire, et du coup on retombe dans un cercle vicieux.

Exactement, et c'est qussi ce que semble montrer l'expérience. Tous les pays qui ont rouverts les maisons closes ont dû faire face à une montée du traffic d'être humains. Pourquoi ? Parce que plus d'offre entraîne plus de demande, et les traffiquants vont là où il y a de la demande. C'est une vraie aubaine pour les proxénètes qui peuvent ainsi proposer des "services" moins chers. Et on peut aussi facilement s'imaginer que dans ce contexte-là, les femmes se trouvant dans une situation de misère financière seront plus facilement poussées vers la solution de la prostitution.
Sans compter que les maisons closes sont loin d'être ces espaces super safe qu'on veut bien nous vendre.

@salvia Tout ça pour dire que je comprends bien le point de vue qui consiste à dire : "Donnons des droits aux prostituées, comme ça celles qui veulent le faire pourront le faire tout en sécurité et celles qui ne veulent pas seront protégées", mais le problème c'est qu'en pratique, c'est beaucoup plus complexe que ça à mettre en place :/ Même avec la solution que tu proposes (qui inclut le revenu de base), il reste le problème de celles qui sont sous la coupe d'un mac.

ça ne veut pas dire que la solution abolitionniste est idéale, loin de là. Comme je l'ai dit plus haut et comme beaucoup l'ont souligné, elle entraîne une précarisation des prostituées. Mais si certains pays l'ont adoptée, ce n'est pas tellement à des fins moralisatrices comme beaucoup le sous-entendent souvent, c'est bien parce qu'il est très difficile de donner des droits aux prostituées sans entraîner derrière une augmentation de l'exploitation sexuelle.

Et pareillement, je comprends qu'on soulève l'argument des gens qui connaissent la misère sexuelle. Mais je rejoins également @M-arinette lorsqu'elle dit que le bien des uns ne doit pas se faire au détriment des autres. Et non, désolée d'insister encore là-dessus, mais elle ne rend pas plus violent. Si c'était le cas, les célibataires seraient beaucoup plus agressifs que les gens en couple :/
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