Depuis que l’étudiante belge Sofie Peters a révélé le harcèlement de rue grâce à sa vidéo réalisée en caméra cachée, la parole des femmes s’est libérée sur le sujet. Au delà des témoignages, des initiatives, des projets d’actions ont vu le jour, notamment avec le site Hollaback.
Ce week end à Paris, le collectif Stop harcèlement de rue s’est installé dans la rue de Lappe, à Paris, afin d’en faire une « zone sans relous ».
Le collectif Stop harcèlement de rue est « un ensemble d’individuEs qui se réunissent dans l’action contre le harcèlement de rue » selon leur communiqué :
« Nos trajectoires sont variées : certains d’entre nous ont un parcours militant, d’autres pas, certains sont engagés politiquement, d’autres non. Nous accueillons tous ceux qui souhaitent s’inscrire dans l’action : femmes et hommes, cis et trans*, lesbiennes, gays, bis, personnes handicapées, personnes racisées….
Cette diversité constitue la richesse de notre collectif. Afin de la respecter, nous n’engageons pas le collectif dans des actions ou des prises de position portées par d’autres mouvements. En revanche, nous relayons les informations que l’on nous transmet aux membres et aux sympathisants. Chacun est alors libre, en son nom propre, de s’informer sur celles-ci. »
Créer « des zones où non, c’est non »
À l’intérieur de la zone sans relous, les membres du collectif distribuent des tracts à l’attention des femmes qui subissent ces agressions verbales quotidiennes. Ils contiennent des conseils pour répondre, réagir lorsqu’on se sent agressé dans la rue :
Il y a quelques mois, l’auteur du Projet Crocodile avait illustré des conseils similaires, dont l’objectif est double :
- Garder le contrôle de la situation quand on ne se sent pas en sécurité.
- Mettre fin à une situation humiliante (faire en sorte que l’agresseur cesse ses invectives).
La deuxième partie du tract s’adresse aux témoins de ces scènes. En effet, la rue de Lappe est très animée, surtout le soir. Ses nombreux bars sont très fréquentés. Trop de gens pensent encore qu’aborder une fille qui marche seule dans la rue, c’est de la drague, sans réaliser que lorsqu’on marche seule dans une telle rue, et qu’on est alpaguée par un, deux, trois mecs, qu’on est insultée parce qu’on ne répond pas ou qu’on repousse ces « avances », ce n’est pas de la drague mais du harcèlement.
Impliquer les témoins
Pour sanctuariser une « zone sans relous », il ne suffit pas de dire aux femmes de réagir – si c’était facile, il y a belle lurette qu’on aurait élevé la voix, mais nous n’avons pas toutes la répartie de Bérengère Krief, malheureusement. Les témoins aussi doivent être impliqués : on ne tolèrerait pas que l’ami•e qui boit un verre avec nous lance une invective raciste à une personne noire qui passerait devant la terrasse. Alors pourquoi laisser un ami balancer des « hé miss ! » à la volée ?
S’il est difficile d’agir quand on est soi-même victime d’une situation de harcèlement, il est plus facile de s’interposer quand un ami, un proche, un membre de notre groupe interpelle une femme dans la rue, en notre présence. Car trop de gens autour de nous ne voient toujours pas le problème…
Impliquer les témoins est aussi une façon de recentrer le problème : trop de gens pensent que le harcèlement de rue n’est que l’apanage « des noirs et des arabes », comme on a pu l’entendre suite à la caméra cachée de Sofie Peeters. Or ce n’est pas le cas, ces comportements ne sont l’apanage ni d’une origine ethnique, ni d’une classe sociale : même un « quadra lambda » peut être un agresseur.
Stop récupération raciste
La campagne du collectif Stop harcèlement de rue a été reprise par F. Desouche, sorte de revue de presse de l’extrême droite. L’article est sobre, comparable à celui de Libération, si ce n’est pour les « rappels » ajoutés en bas du texte :
Ou comment faire un lien entre harcèlement de rue et immigration… Sauf que ce lien n’existe pas. Le relou dans la rue comme dans les bars, c’est aussi et tout autant « le bon français bien de chez nous ». Interrogée à ce sujet, Héloïse, membre du collectif, répond à ces affirmations racistes :
« Il n’y a aucun chiffre, aucune statistique qui vienne étayer cet argument [les « rappels » de Fdesouche]. En revanche, des centaines de témoignages de femmes victimes de harcèlement de rue attestent que ça se produit partout, que ce n’est pas lié à une origine ethnique ni une classe sociale, que ce n’est pas lié à l’alcool (même si l’alcool amplifie ces comportements). »
Le collectif a réaffirmé sa position très claire sur le sujet : « le relou » n’a pas d’origine particulière.
« Après quelques remarques et commentaires aux différents posts, tweets et articles concernant le harcèlement de rue, il nous semble important de préciser que le collectif #stopharcèlementderue refuse que notre lutte soit instrumentalisée à des fins racistes, xénophobes et islamophobes. On ne peut pas combattre une discrimination aux dépends d’une autre.
Le collectif se désolidarise et condamne les propos tenus visant à stigmatiser une partie de la population, ce type de discours permettant de voiler la réalité qui est que le harcèlement de rue est partout, tout le temps, et que c’est précisément cette persistance et cette omniprésence qui le rendent insupportable et qui motivent notre lutte. »
Reprendre l’espace, un•e allié•e à la fois
La zone sans relou, ce n’est qu’une illustration, une matérialisation de l’action symbolique qui consiste à accroître la prise de conscience, et notamment interpeller tous les témoins sur leur potentiel d’action.
La zone sans relou, ce n’est pas un lieu en particulier, c’est un espace au sein duquel les femmes peuvent circuler et stationner librement, un espace au sein duquel les témoins sont prêts à intervenir pour faire cesser une situation de harcèlement si la victime elle-même n’y parvient pas.
Si c’est plus facile d’entamer le dialogue quand l’auteur du comportement qui nous pose problème est un proche, il ne faut pas hésiter à intervenir et ne pas se laisser aller à l’effet témoin.
Chaque allié•e contribue à combattre le harcèlement de rue, bien au-delà d’un bar ou d’une rue parisienne !
Pour en savoir plus :
- Une « zone sans relou » contre le harcèlement de rue, Libération
- «Ma mini-jupe ne veut pas dire oui», 20 Minutes
- Mobilisation : des femmes se rebellent contre le harcèlement de rue, Le Parisien
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Les Commentaires
Bah c'est un peu le sentiment que j'ai aussi en fait, même si je sais que c'est pas dans le but d'autoriser les excès en dehors :/