Pour une association comme Stop Harcèlement de Rue, le 8 mars n’est pas une date anodine. Pour les membres du collectif, organiser une action relevait de l’évidence…
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S’appuyant sur ses antennes régionales, Stop Harcèlement de Rue a ainsi mis en place des évènements à Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Poitiers, Toulon, Toulouse, Tours… et évidemment Paris, berceau de l’association.
Hier, j’ai eu la chance de suivre une poignée de militant•e•s dans la manifestation organisée rue de Lappe, à Paris. Si j’avais déjà entendu parler des « zones sans relou » mises en place par l’association, le vivre de l’intérieur, c’est autre chose.
Comment fabrique-t-on une « zone sans relou » ?
Le choix de la rue de Lappe n’est pas neutre, quand on veut instaurer une zone sans relou… Même le mardi soir, la ruelle parisienne est noire de monde. Les bars qui bordent les trottoirs sont remplis. On imagine bien en quoi cette ambiance est propice au harcèlement de rue…
Deux groupes se dispersent dans la rue, armés de banderoles, de flyers et de pancartes aux slogans bien tournés. Les militant•e•s interpellent les passant•e•s. Je suis frappée par l’ambiance joyeuse qui ressort de leur action. Ils et elles n’hésitent pas à plaisanter avec les badaud•e•s, à répondre avec humour aux provocations, ou encore à scander de grands classiques de la « drague de rue » pour mettre en lumière leur caractère ridicule.
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Un autre groupe fait la tournée des bars environnants, non pas pour lever le coude, mais pour distribuer des flyers spécifiques aux patrons des bars. Sous forme de lettre, l’association explique aux gérants que veiller à faire de leurs établissements des « zones sans relou » relève de leur seule responsabilité et peut changer drastiquement l’expérience d’un•e client•e. Suivent quelques conseils pour repérer le harcèlement, et y mettre fin.
Ouvrir un dialogue
Pour être honnête, je ne savais pas trop à quoi m’attendre en me rendant à cette manifestation. Je craignais des réactions trop violentes de certaines personnes qui pourraient se sentir trop concernées… J’ai été frappée, a contrario, de constater que le public était plutôt bienveillant ! Mieux : je voyais s’ouvrir la possibilité d’un véritable dialogue.
Un jeune homme a même demandé un autographe à l’une des adhérentes de l’association, arguant que sa copine était super féministe (oui, j’ai ri).
Alors que je m’étonnais de cette bonne humeur ambiante, une militante m’a confié :
Les choses changent. Au début, quand on allait dans la rue, les gens ne savaient pas de quoi on parlait. Aujourd’hui, ils savent de quoi il s’agit, et ils nous disent qu’on a raison de se battre contre ça.
Karen, adhérente elle aussi, justifie elle sa présence à la manifestation en ces termes :
Ce genre d’action est à mon avis hyper important, parce que ça nous donne de la visibilité. Ça permet de toucher des gens qui ne viendraient pas d’eux-mêmes vers nous et d’échanger avec eux, leur faire comprendre que leurs comportements peuvent être problématiques, blessants, agaçants. Ça permet aussi peut-être d’aider des victimes du harcèlement à mettre des mots sur ce qu’elles vivent et à prendre la parole, à ne plus se laisser faire (même si, de mon point de vue, c’est à celle et ceux qui ont un comportement pas correct de changer, pas aux victimes).
Je me dis toujours que le moindre petit tract distribué pourrait faire germer un petit truc positif dans la tête d’au moins une personne et rien que pour ça vaut le coup.
Arnaud, quant à lui, seul homme présent ce soir-là, m’explique son engagement :
J’ai été très sensible aux récits de mes amies, qui vivent le harcèlement de rue au quotidien. Je n’en ai pas été témoin directement, c’est difficile de s’apercevoir de tout ça quand on est un homme. Mais je n’ai jamais remis leur parole en doute, et je me suis dit qu’il fallait agir contre cet environnement nocif.
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Et après, on fait quoi ?
La soirée s’est terminée par un collage d’affiches dans les rues environnantes, histoire de continuer à interpeller les passant•e•s une fois l’évènement terminé. Une manière comme une autre, aussi, de se réapproprier la ville, de donner la parole et une visibilité à celles et ceux qui en ont le plus besoin.
À travers les affiches de la dessinatrice nantaise Anna Lkiss (dont on avait déjà parlé ici), l’association parle du harcèlement qui peut toucher les jeunes mamans, les personnes transgenres, les personnes en surpoids ou encore les handicapé•e•s. Des minorités que le harcèlement de rue n’épargne pas, mais dont on parle pourtant encore trop peu.
Si toi aussi, tu es touché•e par cette démarche de sensibilisation, tu peux devenir adhérent•e de Stop Harcèlement de rue et participer aux actions de l’association. La Rochelle, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Paris, Poitiers, Rennes… Il y a sûrement une antenne régionale près de chez toi !
Karen, qui a sauté le pas en janvier, ne le regrette pas une seule seconde :
Ça m’a toujours paru important de faire ma part pour faire bouger les choses quand elles ne vont pas dans le sens où j’aimerais qu’elles aillent.[…]
J’ai choisi cette asso parce que c’est une des seules qui lutte contre un problème qui est encore pas assez pris au sérieux, alors que c’est tellement saoulant de sortir dans la rue et de se dire qu’on va pas pouvoir marcher tranquille ni même être en sécurité.
Et puis, j’aimerais bien pouvoir dire à ma mère que c’est pas à moi de rentrer plus tôt et/ou moins bourrée, c’est aux harceleurs/agresseurs d’être plus respectueux. Et j’ai pas envie que mes nièces connaissent ça, surtout j’ai pas envie qu’elles se retiennent de sortir par peur d’être traitées comme des bouts de viande (elles sont jeunes mais comme les choses ne changent pas vite autant s’y prendre maintenant).
Ce qui est cool chez SHDR, c’est qu’on est tout de suite légitimée à prendre la parole et à organiser des choses, donc c’est chouette de pouvoir s’impliquer et agir dès qu’on arrive (dès qu’on devient adhérent•e quoi).
Et toi, as-tu déjà songé à t’engager dans une association ? Quelles sont les actions qui, selon toi, permettraient de mieux sensibiliser la population au problème du harcèlement de rue ?
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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