Stop cyber-sexisme est une campagne lancée dans les transports d’Île-de-France par le Centre Hubertine Auclert, qui, depuis 2013, fait partie de l’Observatoire régional des violences faites aux femmes. Elle veut sensibiliser les adolescent•e•s au harcèlement en ligne, plus particulièrement aux propos sexistes tenus sur le Web, pour les aider à identifier ce harcèlement et à le combattre.
Début 2015, le gouvernement français avait déjà lancé la campagne #NAH, pour lutter contre le harcèlement scolaire, qui incluait notamment une partie sur le harcèlement en ligne.
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La loi française le définit ainsi :
« Le harcèlement en ligne est un harcèlement s’effectuant via internet (sur un réseau social, un forum, un jeu vidéo multijoueurs…). Les propos en cause peuvent être des commentaires d’internautes, des vidéos, des montages d’images, des messages sur des forums… Le harcèlement en ligne est puni que les échanges soient publics (sur un forum par exemple) ou privés (entre « amis » sur un réseau social). »
Le cyber-sexisme, du harcèlement en ligne par le biais de la misogynie
La campagne Stop cyber-sexisme a choisi de se concentrer sur l’aspect sexiste de ce harcèlement en ligne. Dans cette optique, le terme de cyber-sexisme est utilisé pour désigner :
« […] les comportements et propos sexistes sur les outils numériques : Internet, réseaux sociaux, texto. »
Par « propos sexistes », on entend par exemple :
« Stéréotypes sur les filles et les garçons, injonctions concernant la sexualité, la manière de s’habiller, l’apparence physique ou le comportement : le sexisme instaure une hiérarchie entre les sexes et perpétue un système de domination des hommes sur les femmes. »
Selon une enquête Ipsos relayée par le Centre Hubertine Auclert, « une adolescente sur quatre déclare être victime d’humiliations et de harcèlement en ligne concernant son attitude » qui visent particulièrement son apparence physique ou son comportement amoureux ou sexuel.
Le cyber-sexisme englobe donc le slut-shaming, mais ne touche pas que les femmes : les injonctions à la virilité adressées aux garçons en font aussi partie. Stop cyber-sexisme note ainsi que garçons homosexuels « dont le comportement sexuel n’est pas jugé « conforme » aux normes sociales dominantes de la masculinité » sont victimes de cette forme de harcèlement.
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Les exemples de harcèlement en ligne sont nombreux, que soit dans le milieu des jeux vidéo ou du harcèlement scolaire qui se prolonge même une fois la porte de l’école fermée.
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Usurpations d’identité et voyeurisme font aussi partie de ces violences
Les violences sexistes en ligne peuvent se manifester sous différentes formes. Outre le cyber-harcèlement et les agressions discriminatoires, humiliantes et les menaces sur le Web, peuvent ainsi rentrer dans le champ des cyber-violences sexistes ou à caractère sexuel :
- l’usurpation d’identité, c’est-à-dire le fait de poster des images ou des textes sous le nom de quelqu’un d’autre, ou de créer un compte à son nom sur un réseau social
- le voyeurisme : le fait de diffuser sur le Web des images intimes ou prises à l’insu de la personne qui est dessus. Partager ou encourager le revenge porn, c’est-à-dire la diffusion de photos à caractère privé sur le Web en guise de vengeance après une rupture sentimentale, c’est du voyeurisme.
D’autres termes sont définis en détails sur le site du centre Hubertine Auclert.
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Une violence amplifiée par son support
La campagne met en avant deux points qui rendent le cyber harcèlement particulièrement violent. D’abord, grâce aux outils numériques, la diffusion des contenus est beaucoup plus rapide. Cette forme de harcèlement est donc susceptible de se propager très rapidement. La sociologue américaine Katherine Cross, interrogée par Le Monde en mars dernier, explique bien ce phénomène :
« En ligne, il est beaucoup plus facile de mener une foule hostile. Ce qui prendrait du temps, par exemple organiser un réseau de centaines de gens qui s’en prennent à une cible dans le monde physique, est très aisé à réaliser en ligne. L’idée que cette personne est mauvaise, doit être punie, agressée, se répand par mimétisme. »
Autre point qui rend le harcèlement ligne particulièrement virulent : derrière son écran, la personne qui harcèle se sent invulnérable. Les outils numériques instaurent une certaine distance avec la victime, qui fait qu’il est plus difficile de prendre conscience de la gravité de ses actes. Comme le dit encore Katherine Cross au Monde :
« Le problème n’est pas l’anonymat, c’est le manque de responsabilité, facilité par le fait que l’on croit qu’Internet n’est pas réel. […] Les interactions sociales sur Internet sont de vraies interactions. »
Comment lutter contre ce cyber-sexisme ?
Les conséquences des cyber-violences peuvent être dramatiques : culpabilité, état dépressif, difficultés à entretenir des relations sociales, échec scolaire, absentéisme, difficultés à s’insérer plus tard dans la vie professionnelle… L’objectif de Stop cyber-sexisme est non seulement de permettre aux adolescent•e•s d’identifier les violences sexistes en ligne, mais aussi de fournir des pistes pour les combattre.
Il est déjà possible de prévenir le cyber-sexisme, en réfléchissant à l’aspect sexiste de ce qu’on peut partager en ligne :
Stop cyber-sexisme conseille ainsi de protéger ses mots de passe pour éviter l’usurpation d’identité, et de penser à configurer ses paramètres de sécurité sur les réseaux sociaux pour que le contenu partagé ne soit pas accessible à tous.
Pour se défendre face au harcèlement sexiste en ligne, Stop cyber-sexisme suggère quelques pistes — qui, malheureusement, ne permettront évidemment pas de faire instantanément le problème, mais peuvent aider à se protéger.
- Bloquer les auteur•e•s du harcèlement lorsqu’on en est victime.
- Signaler sur les réseaux sociaux ce comportement et la présence de contenu sexiste. Il est possible de le faire sur le portail du gouvernement, mais aussi sur les réseaux sociaux eux-mêmes. Twitter a d’ailleurs testé il y a peu de temps la création d’un filtre contre le harcèlement en ligne, et a renforcé ses règles pour lutter contre le revenge porn.
- Différents numéros, gratuits et anonymes, existent pour les personnes qui auraient besoin d’aide face au cyber-sexisme :
- Le numéro vert net-écoute : 0800 200 000
- La Plateforme Jeunes Violences Écoute : 0808 807 700
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Stop cyber-sexisme rappelle enfin que la plupart des actes cybersexistes sont punis par la loi sur la base de délits déjà existants. Le harcèlement en ligne est un délit en lui-même. Une personne qui fait du harcèlement en ligne risque ainsi deux ans de prison et 30 000€ d’amende. Si la victime a moins de 15 ans, ou si le harcèlement a causé une incapacité totale à travailler de plus de huit jours, la peine peut monter à trois ans de prison et 45 000€ d’amende.
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Sensibiliser au harcèlement sexiste en ligne
Pour l’instant, la campagne Stop cyber-sexisme est menée principalement en Île-de-France. Des panneaux d’affichage ont été installés dans le métro parisien et le RER, et un kit pédagogique devrait être fourni aux établissements scolaires d’Île-de-France qui accueillent des adolescent•e•s. On peut sans doute regretter que la campagne se cantonne à une échelle régionale, puisque le cyber-sexisme, comme le Web, ne connaît pas de frontières géographiques…
Pour les internautes qui n’habitent pas dans les alentours de la capitale, Stop cyber-sexisme a ouvert aussi un Tumblr de gifs décrivant les réactions d’une personne qui se retrouve confrontée au cyber-sexisme.
Quand on te dit que c’est marrant de bâcher le profil d’une copine
La campagne propose aussi aux victimes de harcèlement en ligne à caractère sexiste et sexuel qui s’en sont sorties de témoigner dans un espace dédié.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
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