Publié le 11 mars 2020
Pendant plusieurs mois, tous les 15 jours, tu verras défiler sur madmoiZelle des portraits d’instagrammeurs et instagrammeuses que tu connais peut-être, ou peut-être pas.
10 personnalités, qui ne sont pas forcément des stars d’Instagram, mais juste des personnes simples, au vécu empouvoirant, avec un message à faire passer, ou un contenu original à proposer.
Qui sont-ils derrière les likes et les K du réseau social ? Comment en sont-ils arrivés là ? Quel est leur message ?
Je vais tenter à travers ces 10 portraits de te le faire découvrir, et de peut-être te donner envie de les suivre.
Mais surtout, je l’espère, de te donner envie de t’affirmer et t’exprimer librement, comme elles et eux !
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Si tu as apprécié ces portraits et les valeurs que véhiculent ces femmes et ces hommes sur Instagram, je te donne rendez-vous sur le site No Pressure by Instagram, une surprise t’y attend !
Ambitieux. Persévérant. Créatif.
Partir de rien, braver les obstacles, et trouver sa place dans le monde grâce à sa persévérance et son engagement sur Instagram.
C’est ce que je dirais si je devais résumer le parcours de Steves Houkponou, 35 ans, aujourd’hui entrepreneur.
Mais le chemin de Steves mérite que j’y passe un peu plus qu’une phrase, et que je te raconte comment d’un enfant joueur de football dans un quartier de Cotonou au Bénin, il a décidé qu’Instagram serait le réseau qui l’aiderait à s’accomplir.
Des blessures à surmonter pour Steves Houkponou
Derrière son statut d’entrepreneur, Steves a en fait trois casquettes :
- il a une agence de communication pour accompagner des marques dans leur stratégie digitale
- il a créé une marque de prêt-à-porter et accessoires d’inspiration africaine, nommée BHP (BlackHats Paris)
- il est instapreneur, c’est-à-dire qu’il a lancé son business grâce à Instagram.
Sur son compte Instagram plus que léché, Steves m’a donné l’impression d’un homme accompli, plus que stylé, droit dans ses bottes, et solide sur ses appuis.
C’est évidemment ce qu’il est, mais quand je l’ai rencontré, il m’a permis de voir un peu au-delà, et m’a montré un bout de sa vie, quand il n’était pas encore l’homme confiant et sûr de lui d’aujourd’hui.
Steves a grandi dans une famille béninoise, il est le dernier d’une fratrie de 9 enfants, et c’est d’abord au football qu’il était destiné :
« À l’école je ne pouvais pas jouer avec mes camarades parce qu’ils se moquaient de moi, donc je jouais au quartier, dans des rues.
On mettait deux pierres, on faisait des équipes et on jouait au football.
Quand j’allais dans le village de mes parents il y avait un grand stade de foot, c’était un peu comme si le parisien venait en province : les gens étaient moins méchants là-bas, donc j’arrivais à m’exprimer, je jouais, et c’est comme ça que j’ai été repéré.
À 14 ans je suis donc arrivé en France, à Auxerre, le gros centre de formation de l’époque, pour jouer au football.
Je suis rentré en Sports Études, mais un mois après, pendant une journée de détection, je me suis blessé, et ça a été le début de ma deuxième vie. »
1 mois après que son rêve de football commence à se dessiner, en 1998, année de la Coupe du Monde, Steves se prend un mauvais coup lors d’un tacle, tombe à terre, et n’arrive plus à se relever.
Déjà atteint d’une maladie auto-immune transmise par son père, appelée HLA-B27, qui entraîne un risque plus élevé de contracter certaines maladies rhumatismales (qui touchent les os, les articulations et les parties molles), les médecins lui posent un diagnostic plus que pessimiste :
« Tous les médecins m’ont dit que je n’allais plus jamais marcher de ma vie, j’étais handicapé à 14 ans. On a vu tous les médecins possibles et imaginables, et ils disaient tous la même chose.
Pour moi c’était horrible parce que c’était la fin de ma vie, j’étais en pleurs, mais ce qui a fonctionné c’est que mon père m’a dit :
« C’est une blague qu’ils te font, c’est pas vrai, tu vas remarcher.
Tous tes frères et sœurs marchent, moi je marche, ta mère marche, donc c’est à toi d’y croire. Si tu n’y crois pas, c’est fini. »
Mes parents sont très forts, mon père est né au Bénin, mon grand père est pêcheur, mon père a marché pendant 2 jours de son village jusqu’à la capitale parce qu’il avait la niaque.
Ma mère a été orpheline à 12 ans, elle a eu du mal à se nourrir et devait se débrouiller toute seule pour s’alimenter, et aujourd’hui financièrement ça va beaucoup mieux, ils ont réussi à faire de grandes choses.
Mes parents m’ont toujours fait prendre conscience de la chance que j’avais, j’ai grandi dans la gratitude, et ce qui m’est arrivé, ils m’ont fait le prendre comme une épreuve que je devais traverser.
Donc d’un côté c’était compliqué, et en même temps je me disais que je ne pouvais pas lâcher, et que tant pis, je ne ferai pas de football, mais je trouverai ma voie et je serai le meilleur dans ce que j’allais faire. »
Surmotivé par les encouragements et le soutien de ses parents et sa famille, Steves a fait mentir tous les médecins. Au bout de quelques mois il a réussi à s’assoir dans son lit, ce qui était déjà une victoire.
Puis au bout d’un an il a pu se tenir debout, un vrai miracle pour le corps médical.
Steves a été très touché par cette épreuve, mais elle n’a pas été la seule à impacter le regard qu’il porte sur lui-même.
Quand il parle des moqueries de ses camarades béninois quand il était à l’école, c’est quelque chose qui l’a vraiment marqué :
« Quand j’étais petit avant tout ça, on se moquait beaucoup de moi.
Je courais très vite et j’étais très bon au football, mais j’avais 1 cm et demi de différence de longueur entre mes deux jambes, donc ça se voyait quand je courais.
Les enfants sont méchants et ils se moquaient, donc je manquais beaucoup de confiance en moi. Le seul moment où je m’échappais, c’est quand je jouais au football.
C’est une plaie qui ne se referme pas. »
Un nouvel objectif, et son début sur Instagram
Au total, Steves a passé 2 ans dans un centre de rééducation, et c’est aussi pendant cette période que s’est concrétisée son envie de travailler dans la mode, quand bien même ce n’était pas du goût de ses parents :
« Apparemment à 5 ans je prenais déjà les poupées de ma sœur et je leur faisais des habits, donc je me suis dit que c’était peut-être la voie qui était faite pour moi, et que j’allais me concentrer sur ça.
Je suis fan de Saint Laurent, j’ai lu tous ses bouquins, dès qu’il y a un événement sur lui, j’y vais, et ça date de quand j’étais en centre de rééducation.
Ma mère m’a acheté un magazine, ils parlaient de Saint Laurent dedans, j’ai adoré et j’ai demandé à ce qu’on m’en achète plus.
J’ai commencé à m’intéresser à la mode, et je disais que je serai le nouveau YSL quand je serai grand.
Je voulais faire des études de mode, mais je viens d’une famille africaine qui considère que ce n’est pas pour les hommes, que ce n’est pas viril, donc c’était compliqué. »
Pour satisfaire ses parents sans perdre de vue son objectif premier, Steves a enchaîné les études prestigieuses, tout en se rapprochant doucement du milieu de la mode.
Steves a obtenu un Bachelor International Management à l’université de Cambridge, puis il est revenu en France à Paris, pendant une période de rechute médicale.
Il a ensuite fait un Master en Marketing de Luxe, pour se rapprocher de la mode, puis un MBA en Finances, sachant au fond de lui qu’il allait un jour se mettre sur la voie de l’entreprenariat.
Il a fini par travailler chez Cartier, L’Oréal, au Bon Marché, puis a gravi les échelons chez Coach, la marque de prêt-à-porter de luxe, dans laquelle il est devenu directeur commercial.
Il est rentré par la petite porte, puis est devenu le plus jeune directeur commercial d’Europe.
Voulant aller toujours plus haut, progresser toujours plus, et sentant qu’il n’y parviendrait pas en restant chez Coach, c’est là que Steves a décidé de tout miser sur Instagram :
« Parallèlement à mon travail chez Coach, je postais des photos de mode sur Instagram, sur mon compte perso, et je parlais aussi développement personnel.
Je parlais des difficultés de la vie, et j’essayais de faire passer un message, de dire qu’il faut se battre, et ne rien lâcher pour atteindre ses objectifs.
À l’époque je n’avais pas beaucoup de followers.
Quand j’ai quitté Coach, j’ai eu ma première opération rémunérée en tant qu’influenceur qui a bien marché, donc je me suis dit qu’il y avait quelque chose à fouiller. »
Un chapeau et un compte Instagram qui changent la vie
Aujourd’hui Steves est un vrai modèle pour sa communauté, et il diffuse des messages centrés sur la confiance en soi, l’important de s’aimer, se trouver, et toujours trouver la force de franchir les obstacles.
Et s’il en est arrivé là, c’est grâce à sa ténacité extraordinaire et à son environnement familial, mais aussi grâce à ce fameux chapeau, son accessoire magique devenu emblématique :
« Un jour je rentre dans une boutique, c’était dans le Marais, et il y avait un chapeau.
J’ai kiffé le chapeau, j’ai un gros coup de cœur, mais à l’époque on mettait des bobs, des casquettes, mais pas trop de chapeaux, et surtout il coûtait 350€, ce qui représentait beaucoup d’argent pour moi à l’époque !
Je demande une réduction à la vendeuse, mais rien n’y fait. J’avais un pote avec moi qui me dit que le chapeau me va trop bien, et la vendeuse ajoute :
« Ce chapeau, il va changer votre vie. »
La je me suis dit que la dame était très forte, elle m’a vendu une émotion, côté marketing elle envoyait !
Bref, elle m’a convaincu, j’ai acheté le chapeau ! À ce moment de ma vie j’étais encore assez bas côté confiance en moi, je n’osais pas trop parler aux filles, c’était vraiment compliqué.
Je suis sorti avec le chapeau sur la tête, et une fille est passée à côté de moi et m’a fait un clin d’œil. C’était la première fois que j’avais une interaction comme ça avec une inconnue.
Le soir, on va au restau avec des amis, on va en boîte, et des femmes viennent me voir, prennent mon chapeau, on commence à interagir, etc.
À partir de là, le chapeau, je ne l’ai plus lâché !
Un jour je cherchais un truc dans mon porte-feuille, et mon pote m’a pris en photo.
La photo était vraiment belle, je l’ai postée sur Instagram, et tout d’un coup j’ai eu 1000 likes, alors que d’habitude je n’en avais que 30 ou 40.
C’était un truc de malade, je me suis dit que j’allais arrêter de poster des looks, et que j’allais mettre ma tête à moi, sauf que quand j’ai posté une photo de mon visage sans chapeau, j’ai fait un gros flop.
À partir de là j’ai fait tout un travail, j’ai changé de nom, je me suis appelé theblackwithblackhat (The Black With Black Hat), et c’est comme ça que ça a commencé pour moi sur Instagram. »
Maintenant, Steves a 120 000 abonnés sur son compte Instagram personnel, et presque 170 000 en cumulant celui de son agence et de sa marque.
Il est une référence de réussite, et grandit chaque jour un peu plus grâce à sa communauté Instagram :
« Instagram m’a apporté de la confiance en moi, le fait de faire des photos et de me montrer moi, déjà, ça a été un exutoire.
Si tu avais dit au petit Steves de 14 ans de faire des photos pour se montrer, il aurait dit : jamais de la vie !
Sur Instagram il y a une bienveillance qui est arrivée, les gens m’ont dit qu’ils avaient acheté un chapeau noir pour me ressembler, des gens m’ont accosté dans la rue pour me prendre en photo…
Au-delà du business et de la vitrine importante que représente Instagram pour une image de marque, c’est tout ce côté humain que le réseau m’a apporté ! »
Je suis ravie d’avoir fait la connaissance de Steves, et d’avoir découvert son histoire touchante, et inspirante, qui rend son parcours encore plus impressionnant.
Et je te laisse avec ses mots :
« J’avais toutes les excuses pour rater ma vie : je suis noir, je suis immigré, je suis handicapé.
Si j’étais resté uniquement là-dessus je n’aurais rien fait, je serais encore dans mon fauteuil roulant dans le lit d’hôpital à Viry-Chatillon, sauf que j’ai refusé et je suis allé faire ce que je voulais.
Tout le monde a un point fort, moi mon point fort je sais aujourd’hui que c’est de donner confiance aux gens, de faire briller les gens grâce à leur image, et j’ai mis du temps à trouver cela.
Il faut que chacun et chacune trouve son point fort, et ce qui l’a marqué dans sa vie et l’a mené à faire ce qu’il ou elle fait. La vie est courte, et on a tous une mission de vie. »
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Les Commentaires
Mais comme je disais le discours militant permet surement de reprendre un peu de "contrôle" sur la maladie/le handicap.
Je comprends très bien ta situation et moi aussi je considère ça comme un combat. C'est toujours compliqué de voir ce genre de message "quand on veut on peut" qui nous renvoie à nos propres échecs (et encore comme je le disais perso j'ai réussi à accomplir des trucs quand même mais c'est dur et ça restera forcement limité). Ce genre de discours de motivation il est vraiment à double tranchant oui. Tu peux être très fière de toi, j'espère que tes projets pourront se concrétiser