Dans le monde des comics où mourir est l’équivalent d’un gros rhume, le personnage de Gwen Stacy est l’un des rares à ne pas pouvoir ressusciter. Douce première petite amie de Peter Parker, elle est tuée par le Bouffon Vert qui la jette du haut d’un pont (ou plutôt Spider-Man lui brise la nuque en tentant de la rattraper au vol… mais le débat fait rage). Ce second décès, après celui de son Oncle Ben, fait de Peter Parker le héros qu’il est à présent, toujours hanté par cette première histoire, cette première fille.
Faire revivre Gwen, c’est assassiner Spider-Man tel qu’on le connaît.
Spider-Gwen VS Peter-« Lézard »
Mais tout est possible dans les comics, puisqu’en novembre les fans découvraient à l’occasion d’une simple histoire courte la Gwen d’un monde parallèle, un univers sens dessus-dessous. Dans cette version de l’histoire, c’est Gwen qui est mordue par l’araignée mutante, et c’est Peter qui meurt.
Peter, sans ses pouvoirs, continue à se faire harceler au lycée et cherche à se venger de ses bourreaux en développant le sérum du Lézard, qui le transforme en folle créature. Son combat contre Spider-Woman (donc Gwen Stacy) lui coûtera la vie, et vaudra à Gwen d’être considérée comme ennemie publique numéro 1. Même son père, le Capitaine Stacy, est prêt à tout pour mettre la main sur cette dangereuse Spider-Woman et l’arrêter.
Les fans immédiatement séduit•e•s par Spider-Gwen
Dès l’annonce du numéro spécial, la communauté de fans s’emballe. Conquis par le design tranché et novateur du personnage (blanc et noir avec teintes de violet et de bleu, pas de décolleté, un visage complètement dissimulé à l’inverse des autres « Spider-Women »), des cosplayers se lancent dans leur interprétions du costume.
Une fois la BD en main, on découvre que Gwen fait partie d’un groupe de rock féminin, The Mary Janes, mené par la fameuse Mary Jane. Et voilà que des textes et MP3 de fans fleurissent sur Tumblr !
Le numéro d’Edge of Spider-Verse part en réimpression, plusieurs fois, et l’équipe éditoriale de Marvel planche alors sur une série régulière.
Pendant ce temps, celle que l’on surnomme Spider-Gwen apparaît dans la série et l’univers réguliers de Spider-Man, où elle chamboule notre Peter Parker et réalise qu’elle incarne l’une des rares versions de l’histoire où elle ne meurt pas. Gwen ira jusqu’en s’amuser en déclarant ses homologues mortes dans un frigo (« to fridge
», expression employée lorsqu’il s’agit de tuer une héroïne pour motiver un héros mâle, depuis un sordide numéro de Green Lantern dans lequel ce dernier retrouve sa petite amie morte dans un frigo).
Spider-Gwen gagne sa propre série !
Marvel ne chôme pas, recontacte Jason Latour et Robbi Rodriguez, les co-créateurs du personnage et leur confie les commandes de Spider-Gwen, la série se déroulant son propre univers parallèle, dont le premier numéro est sortie cette semaine aux États-Unis.
On y retrouve Spider-Gwen, ennemie publique numéro 1, n’ayant pas le courage d’affronter le regard de son père, en froid avec The Mary Janes et aux prises avec une version alternative du Vautour tandis que d’autres têtes connues s’agitent en coulisses. Ce premier épisode pourrait être une aventure de Peter Parker, avec les mêmes personnages, à une multitude de micro-détails près qui font toute la différence.
Au-delà du script malin qui n’essaie pas de trop en faire trop vite, on retrouve ces dessins incroyables, lignes tranchées et colorisation franche, qui donnent un look unique au titre. Pas étonnant que les dessinateurs et dessinatrices se soient bousculé•e•s au portillon pour réaliser leur propre interprétation de Gwen sous la forme d’une multitude de couvertures alternatives !
La force des fans pour ressusciter un personnage parti trop tôt
Il faut dire qu’avec plus de 200 000 exemplaires commandés, ce départ de Spider-Gwen est plus qu’un franc succès : c’est un best-seller, une réjouissante anomalie éditoriale, la preuve que le personnage a touché quelque chose chez toutes les communautés de fans.
C’est le résultat de plus de quarante ans de frustrations à ne pas pouvoir retrouver Gwen, l’explorer sous d’autres facettes. C’est également une réponse à sa récente réintroduction et à son décès dans les derniers films Amazing Spider-Man.
Bien que pièce maîtresse fondatrice de la mythologie Spider-Man, Gwen Stacy est partie trop tôt. Cette série est une sorte de vengeance, pour le personnage mais aussi pour les héroïnes en général. Dans cette version de l’histoire, Spider-Woman n’est pas un personnage dérivé, mais bien le point d’origine. Dans cette version de l’histoire c’est le garçon qui meurt, qui est sacrifié sur l’autel du développement du personnage principal. Cette version est une autre voie.
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Surtout, Spider-Gwen doit son existence aux fans, aux créateurs de cosplays, de musique, de fan arts. Elle doit son existence à tous ceux qui ont acheté le numéro de départ, et le premier de cette nouvelle série. Toutes et tous ont voté avec leur temps, leur passion et leur porte-monnaie, pour faire de cette nouvelle héroïne quelque chose de plus grand que quiconque l’aurait imaginé, y compris au niveau de l’éditeur.
Petit à petit Marvel change, s’extrait, parfois péniblement, des vieux stéréotypes du super-héros. Et dans ce long et souvent frustrant processus, ce sont les fans, de tous les genres, qui peuvent faire émerger de nouvelles héroïnes. Au départ un one-shot, puis une série et peut-être tellement plus… Les aventures de Spider-Gwen ne font que commencer !
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